Passion Lettres Deux

Livre du jour Racine théâtre complet

INCIPIT
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Ma foi ! sur l'avenir bien fou qui se fiera :
Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
Un juge, l'an passé, me prit à son service ;
Il m'avait fait venir d'Amiens pour être suisse.
Tous ces Normands voulaient se divertir de nous.
On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups :
Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre,
Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre.
Tous les plus gros monsieurs me parlaient chapeau bas :
"Monsieur de Petit-Jean", ah ! gros comme le bras !
Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie.
Ma foi, j'étais un franc portier de comédie :
On avait beau heurter et m'ôter son chapeau,
On n'entrait pas chez nous sans graisser le marteau.
Point d'argent, point de Suisse,
[…]

Racine,
Les Plaideurs

Théâtre complet ici :

Livre du jour Jean Racine Athalie

INCIPIT
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JOAD, ABNER (extrait scène 1)
ABNER
Oui, je viens dans son temple adorer l’Éternel
;
Je viens, selon l’usage antique et solennel,
Célébrer avec vous la fameuse journée
Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée.
Que les temps sont changés
! Sitôt que de ce jour
La trompette sacrée annonçait le retour,
Du temple, orné partout de festons magnifiques,
Le peuple saint en foule inondait les portiques
;
Et tous, devant l’autel avec ordre introduits,
De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux fruits,
Au Dieu de l’univers consacraient ces prémices.
Les prêtres ne pouvaient suffire aux sacrifices.
L’audace d’une femme, arrêtant ce concours,
En des jours ténébreux a changé ces beaux jours.
D’adorateurs zélés à peine un petit nombre
Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre.
Le reste pour son Dieu montre un oubli fatal
;
Ou même, s’empressant aux autels de Baal,
Se fait initier à ses honteux mystères,
Et blasphème le nom qu’ont invoqué leurs pères.
Je tremble qu’Athalie, à ne vous rien cacher,
Vous-même de l’autel vous faisant arracher,
N’achève enfin sur vous ses vengeances funestes,
Et d’un respect forcé ne dépouille les restes.

JOAD
D’où vous vient aujourd’hui ce noir pressentiment
? […]

Racine, Athalie

Livre du jour Jean Racine Bajazet

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EXTRAIT

« Ne m’importune plus de tes raisons forcées.
Je vois combien tes vœux sont loin de mes pensées.
Je ne te presse plus, ingrat, d’y consentir
;
Rentre dans le néant dont je t’ai fait sortir.
Car enfin qui m’arrête
? et quelle autre assurance
Demanderais-je encor de son indifférence
?
L’ingrat est-il touché de mes empressements
?
L’amour même entre-t-il dans ses raisonnements
?
Ah
?! je vois tes desseins. Tu crois, quoi que je fasse,
Que mes propres périls t’assurent de ta grâce,
Qu’engagée avec toi par de si forts liens,
Je ne puis séparer tes intérêts des miens.
Mais je m’assure encore aux bontés de ton frère
:
Il m’aime, tu le sais
; et malgré sa colère,
Dans ton perfide sang je puis tout expier,
Et ta mort suffira pour me justifier. »

Roxane,
Bajazet, II, 1

Racine, Bajazet



Livre du jour Jean Racine Andromaque


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« Seigneur, voyez l’état où vous me réduisez.
J’ai vu mon père mort et nos murs embrasés
;
J’ai vu trancher les jours de ma famille entière,
Et mon époux sanglant traîné sur la poussière,
Son fils seul avec moi, réservé pour les fers.
Mais que ne peut un fils
? Je respire, je sers.
J’ai fait plus
: je me suis quelquefois consolée
Qu’ici, plutôt qu’ailleurs, le sort m’eût exilée
;
Qu’heureux dans son malheur, le fils de tant de rois,
Puisqu’il devait servir, fût tombé sous vos lois.
J’ai cru que sa prison deviendrait son asile.
Jadis Priam soumis fut respecté d’Achille
:
J’attendais de son fils encor plus de bonté.
Pardonne, cher Hector, à ma crédulité
!
Je n’ai pu soupçonner ton ennemi d’un crime
;
Malgré lui-même enfin je l’ai cru magnanime.
Ah
! s’il l’était assez pour nous laisser du moins
Au tombeau qu’à ta cendre ont élevé mes soins,
Et que finissant là sa haine et nos misères,
Il ne séparât point des dépouilles si chères
! »

Jean Racine, Andromaque