Antonomase

Ce nom en apparence compliqué désigne tout simplement des noms communs qui se sont formés à partir de noms propres.

Ainsi un
ampère (unité d’intensité d’un courant électrique) fait référence à un physicien qui s’appelait Ampère (1775-1836); le nom poubelle doit son origine à un préfet de police de Paris, Eugène Poubelle, qui y généralisa l’usage de cet objet à des fins de salubrité publique. L’alphabet morse fut inventé par Samuel Morse, le macadam par John McAdam et les fameuses montgolfières par les frères Montgolfier.

Savez-vous que Rustin inventa les
rustines, l’amiral anglais John Sandwich, le fameux sandwich, que la nicotine doit son nom à l’ambassadeur français au Portugal Nicot qui introduisit le tabac en France au XVIe siècle? Une silhouette désigne une « figure vaguement esquissée », en souvenir des caricatures dessinées pour ridiculiser Étienne de Silhouette, contrôleur des impôts au XVIIIe siècle.

Quant au verbe
limoger: qui se souvient encore qu’il s’agit là d’un verbe que les habitants de Limoges inventèrent lorsque le Maréchal Joffre leur envoya, en 1914, cent trente-quatre officiers généraux qu’il jugeait incompétents?

Les noms de marques entrent parfois dans le langage courant. Ceci constitue une variété d’antonomase de nom propre. On dit ainsi couramment: un kleenex (« mouchoir en papier »), un klaxon (« avertisseur sonore »), un frigidaire (« réfrigérateur »), du scotch (« bande adhésive »), un fax (« fac-similé »), un solex (« cyclomoteur »), une mobylette, un velux (« fenêtre de toit »), un karcher (« nettoyeur haute pression »), etc.



Charme, charmer, charmant

Dans la langue classique, tous ces mots possèdent un sens très fort.

1. Charme
du latin
carmen, chant magique, en particulier pour guérir une blessure)
désigne l’effet d’une magie ; un maléfice.

Au sens figuré : sortilège, enchantement, influence irrésistible qui paralyse la raison.
Très fréquent dans la langue amoureuse et galante, le mot charme traduit la fascination de l’amour, la puissance de séduction de l’être aimé :

« 
Un je ne sais quel charme encore vers vous m’emporte ».
(Corneille, Polyeucte, v. 505)

« 
Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête ?
Ai-je passé le temps d’aimer ? »

(La Fontaine,
Fable IX, 2)

Au pluriel,
charmes désigne les appas d’une femme, avec tous leurs pouvoirs mystérieux.
Trop utilisé dans le langage amoureux, le mot va perdre de sa force pour ne plus désigner que ce qui est attirant, mais le sens originel garde sa force aujourd’hui dans l’expression
charmeur de serpents.

2. Charmer signifie :
- calmer, comme par magie ; séduire
- envoûter, dans le langage amoureux.

3. Charmant a d’abord une valeur forte, liée à l’idée d’ensorcellement.
Mais l’utilisation de ces mots dans le langage de la politesse va les affaiblir peu à peu au cours du XVIIIe siècle. La même évolution concerne le verbe
enchanter et ses dérivés :

« 
Je suis, je vous assure, charmé de vous voir »
(Marivaux,
Le Jeu de l’amour et du hasard I,10).

Pluriels amusants



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Développer


Certains emplois du verbe « développer », venus de l’anglais, et qui étaient il y a peu considérés comme des anglicismes, sont maintenant acceptés en français.

Ainsi, il était jugé fautif de dire « 
DÉVELOPPER de nouvelles techniques »; il fallait plutôt dire CRÉER, METTRE AU POINT de nouvelles techniques.

En médecine, il était incorrect de dire
DÉVELOPPER une maladie. Les puristes recommandent encore de dire: CONTRACTER une maladie, ÊTRE ATTEINT d’une maladie.

Actuellement, les dictionnaires considèrent ces emplois comme corrects et l’on peut dire
: « C’est notre société qui a développé cette technique ».

Fortune

FORTUNE, n. f. (du latin fortuna, le sort, heureux ou malheureux).

1.
Fortune désigne le sort, le hasard, la destinée.


Ce n'est pas la fortune qui domine le monde.

MONTESQUIEU, Considérations, chap. XVIII.


Par restriction de sens
: fortune désigne la bonne fortune, la chance.

Puissent votre fortune et votre argent périr sans ressource, et vous rester seul et nu, pour sentir la vanité des biens qui vous ont follement enivré!

ABBÉ PRÉVOST, Manon Lescaut, 1re partie.


2.
Fortune désigne la situation sociale, la réussite.

Une vie dure est plus facile à supporter en province que la fortune à poursuivre à Paris.

Rousseau, Lettre à un jeune homme, 1758.


« Faire fortune »
: réussir dans la vie, accéder au bonheur (et non s'enrichir).

Faire fortune est une si belle phrase, et qui dit une si bonne chose, qu'elle est d'un usage universel.

LA BRUYÈRE, Les Caractères, chap. VI, 36.


3. Au XVIIIe siècle, l'idée de richesse commence à l'emporter, ce qui autorise des jeux de mots sur les deux sens,
richesse et bonheur.


Hélas je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne.

VOLTAIRE, Candide, chap. XIX (Le nègre de Surinam).