Remarque

À l'Ouest rien de nouveau

Erich-Maria Remarque, A l’ouest rien de nouveau

« 
Nous ne combattons pas. Nous nous défendons contre la destruction ».

Le livre est paru en 1929. Depuis 1918, les publications de livres ou de mémoires de guerre, en Allemagne, étaient légion. Elles étaient surtout le fait de soldats nostalgiques ou d’écrivains conservateurs (parmi les plus célèbres, Ernst Jünger,
Orages d’acier) soucieux avant tout d’exalter la virilité du combattant et les beautés, les vertus du combat.
Le premier mérite de Remarque est de rompre sans ambiguïté avec cette tradition et de briser un tabou. Les héros de Remarque — des adolescents de dix-neuf ans, contrairement aux personnages de Dorgelès et de Barbusse — dévoilent à partir de leurs expériences directes, dans un langage sans apprêt, le visage quotidien, ordinaire et odieux de la guerre. Ils dénoncent tout un arrière-plan de propagande sous-jacent à ces horreurs. Ils parlent au nom d’une génération perdue, sacrifiée, « 
détruite par la guerre, même si elle a échappé à ses grenades ».

Le roman relève de la littérature de démystification et les nazis ne s’y tromperont pas. Dès l’arrivée au pouvoir de Hitler, le livre figure sur la liste des autodafés.
Remarque détruit le mythe de la guerre, les valeurs d’idéal, le respect de la hiérarchie militaire, qu’il critique violemment ici. Il ne décrit pas de guerre de héros et de grandes batailles glorieuses. Pas d’héroïsme flamboyant, d’enthousiasme vers le sacrifice de sa vie. Ses personnages, simples, si jeunes, modestes, n’expriment que leur volonté de survivre à cette catastrophe absurde, insensée, scandaleuse. Il exprime le traumatisme de toute une génération et son pessimisme intégral le rapproche plus de Céline que de Barbusse.

Quelques pistes d’étude parmi d’autres
:
• une génération sacrifiée. Des soldats adolescents
: le « massacre des innocents »
Contrairement à la France, qui constituait ses régiments à partir des régions, des terroirs, l’Allemagne constituait ses régiments avec des élèves du même lycée
: ils se connaissaient dès l’école élémentaire. C’est très net dans le roman.
• l’horreur de la guerre
: rien d’épique, au contraire de Junger qui décrit certains bombardements comme de beaux feux d’artifice
• la mise en cause de la hiérarchie militaire qui envoie au front des adolescents sans les former
• la mise en cause de propagande
: voir l’épisode très dur du retour dans la famille, l’accusation contre les vieux professeurs qui, par leur discours militariste, ont conduit leurs jeunes élèves à la boucherie.
• une écriture sans emphase, acérée, ironique, brutale, qui procède par antithèses, antiphrases, extrêmement lisible et accessible aux élèves.

Bref, une œuvre superbe.

Je possède le dvd du film introuvable de Milestone, en VO, celui-là même qui fut brûlé par les Nazis.