Le condamné à mort chez Hugo et Andreev

Une étude complète:

Le condamné à mort chez Victor Hugo et Leonid Andreev: éléments d’un parallèle

Françoise Genevray
Université Jean Moulin — Lyon III

Prévoir sa fin peut détruire. « De jour en jour la pensée de la mort prochaine tuait l’homme », écrit L. Andreev dans
Le Gouverneur (1900). Honni par l’opinion pour avoir fait tirer sur des ouvriers grévistes, guetté par les balles des vengeurs, le gouverneur acquiesce obscurément aux volontés qui concourent à le supprimer. Dans l’Histoire des sept pendus (1908), un ministre échappe à des terroristes. Le premier chapitre met en scène sa peur rétrospective de l’attentat. Les autres suivent sept condamnés jusqu’à l’heure de leur pendaison, comme pour illustrer l’idée dégagée à propos du ministre:

Ce n’est pas mourir qui est terrible, c’est de savoir qu’on va mourir. Il serait tout à fait impossible à l’homme de vivre s’il connaissait l’heure et le jour de sa mort avec une certitude absolue.

Tel est justement le savoir imposé aux victimes de la peine capitale. Un malade incurable ignore l’échéance fatale et, même s’il la suppose très proche, continue de vivre dans cette durée sans fin appelée par V. Jankélévitch » entrouverture ». Mais les prisonniers imaginés par Andreev, de même que par Hugo en 1829 (Le Dernier jour d’un condamné), connaissent ou devinent la date de l’exécution. Leur pensée bute sur cette limite temporelle infranchissable. Leur vie se borne à attendre ce qui va l’interrompre.

Une nouvelle traduction permet aujourd’hui de lire en français le texte intégral de l’Histoire des sept pendus. Notre parallèle avec Le Dernier jour… ne cherche pas à établir l’influence du précédent hugolien, bien connu en Russie, sur le récit d’Andreev. Que celui-ci eût été écrit indépendamment ou non de cette possible source, nous montrerons surtout comment il s’en éloigne. L’Histoire des sept pendus transforme en profondeur ce que Hugo nommait l’« autopsie intellectuelle » du condamné. […]