Poème de Paul Fort

CHANSON D’UN BERGER SURPRIS PAR LA NEIGE
de PAUL FORT (
Ballades françaises)

Tout le long du chaîneau, tout le long de la chaîne,
la chaîne où l’aube est née, le long des Pyrénées,
je garde mes brebis, avec mon chien Toby, mes moutons, mes agneaux,
ma gourde et mon flûtiau,
tout le long de la chaîne, tout le long du chaîneau.

J’ai quitté la maison. Ainsi, adieu mon père et les autres garçons.
Et vous aussi ma mère. Adieu tous mes amis.
Je dois rester ici à garder mes brebis, mes moutons, mes agneaux,
tout le long de la chaîne, tout le long du chaîneau.

Je vais dans l’avenir peut-être ici mourir, avec mon chien Toby, mes moutons, mes brebis,
mon cœur chaud, mes agneaux.
L’avenir c’est la neige, l’avenir c’est le froid.
Il doit être, qu’il soit
! Qu’il soit tout comme il doit, tout le long du cortège,
tout le long de la chaîne, tout le long du chaîneau.

Toby, personne en bas n’entend plus tes grelots
; ma mère piéçant ses bas n’entend plus mon flûtiau.
Mon père n’entend plus bêler son grand troupeau.
Seul bêle (il vient de naître) un chaud petit agneau.

Tout le long de la chaîne, tout le long du chaîneau…