Passion Lettres Deux
Russie

Éphéméride 19 octobre 1999 décès de Nathalie Sarraute


Nathalie Tcherniak est née en juillet 1900 à Ivanovo en Russie. A l’âge de huit ans, la jeune Nathalie connaît l'exil à Paris. Au début des années vingt, elle étudie la chimie et l’histoire à Oxford, la sociologie à Berlin et commence des études de droit à Paris, dès 1922, où elle rencontre Raymond Sarraute avec qui elle se marie en 1925. Elle devient avocate au barreau de Paris. Son premier ouvrage, Tropismes, paraît en 1939, après avoir été refusé par Gallimard et Grasset. En 1941, elle radiée du barreau à cause des lois anti juives de Vichy ; elle se réfugie à Janvry puis à Parmain. 1948 est l’année de parution de Portrait d’un inconnu avec une préface de Sartre. En 1953, Martereau obtient davantage de succès. En 1956, paraît L’Ère du soupçon, un ensemble d’essais contre le roman traditionnel. En 1959, Le Planétarium remporte un grand succès. Viennent ensuite Les Fruits d’or (1963), Le Silence (1964), Entre la vie et la mort (1968), Vous les entendez (1972), C’est beau (1975), son autobiographie Enfance (1983), Tu ne t’aimes pas (1988), Ici (1995). Nathalie Sarraute meurt en 1999 à Paris.

Éphéméride 3 septembre 1883 décès d’Ivan Tourgueniev


Ivan Serguéïevitch Tourgueniev est né le 28 octobre 1818 à Orel.
Issu d’une famille noble de vieille souche, il passe son enfance sur le domaine familial. C’est sans doute dans les souvenirs de cette enfance campagnarde, qu’il dépeint dans son récit en grande partie autobiographique
Premier Amour, que Tourgueniev puisera la richesse de ses récits. Il rencontre un succès rapide avec ses Mémoires d’un chasseur.
Ses textes influencèrent fortement la décision du tsar dans sa décision d’abolir le servage.
Après 1855, il s’exile en Allemagne, puis en France où il vécut presque 32 ans, suivant, au gré de ses voyages, la cantatrice Pauline Viardot, rencontrée en 1843, dont il devint l’amant. C’est à ses côtés qu’il meurt le 3 septembre 1883 des suites d’un cancer.

Gogol fut son professeur d’histoire ; il traduisit avec Mérimée des poèmes de Pouchkine. Il fut l’ami de Gustave Flaubert et d’Émile Zola ; Dostoïevski le caricatura sous le nom de Karmazinov dans Les Démons.

Éphéméride 23 août 1908 naissance d'Arthur Adamov



Arthur Adamov est un écrivain et auteur dramatique français d'origine russo-arménienne, né le 23 août 1908 à Kislovodsk, et mort le 15 mars 1970 à Paris, des suites d'un suicide dû à une overdose de barbituriques.
Issu d'une famille fortunée du Caucase (elle exploitait des puits de pétrole à Bakou), d'origine arménienne, ruinée et expropriée en 1917, il connaît l'amertume d'un exil précoce, et des années de misère en Suisse, en Allemagne puis en France, tandis que sa famille se défait tragiquement. À Paris, il fréquente le milieu des Surréalistes et se lie à Antonin Artaud. Cette période est marquée par l'épreuve de l'internement dans les camps d'Argelès et de Rivesaltes.
Son théâtre, d'abord influencé par le Surréalisme, a été rattaché au courant du théâtre de l'absurde.
Subissant ensuite l'influence de Bertold Brecht, il écrit des œuvres ouvertement politisées. Il y exorcise ses répulsions, ses angoisses, et les effets dévastateurs de la guerre. Il remet en cause les catégories dramatiques traditionnelles (intrigue, personnages, psychologie), au profit d'un théâtre abstrait, allégorique et onirique, fait de violence et de désespoir métaphysique
la Parodie (1947) l'Invasion (1950) le Sens de la marche (1953) la Grande et la Petite ManœuvreTous contre tousle Professeur Taranne (1953), Comme nous avons été.
Adamov publia également de nombreuses traductions et adaptations
: Gogol (le Revizor, 1958ainsi que les récits), Dostoïevski (Crime et Châtiment), Gorki (la Mère, les Ennemis, les Petits Bourgeois), Tchekhov (l'Esprit des boiset les grandes pièces), Strindberg (le Pélican, 1956Père, 1958), Kleist (la Ruche cassée), Büchner (traduction de son Théâtre complet en collaboration avec Marthe Robert), Kleist, Kafka, Max Frisch, Piscator (le Théâtre politique), Jung, Rilke.

Éphéméride 15 juillet 1904 décès d'Anton Tchekhov

15 juillet 1904 : décès d'Anton Tchekhov, écrivain russe, principalement nouvelliste et dramaturge. (° 29 janvier 1860)

Anton Tchekhov, né le 29 janvier 1860 à Taganrog (Russie) est mort le 15 juillet 1904. Il publie entre 1880 et 1903 plus de 600 œuvres littéraires...La Steppe, La Mouette, Oncle Vania, La Dame au petit chien, Les Trois Sœurs, La Cerisaie, Le Portefeuille...

Tout en exerçant sa profession de médecin, il publie entre 1880 et 1903 plus de 600 œuvres littéraires ; certaines pièces souvent mises en scène à l'heure actuelle —
La Mouette, La Cerisaie, Oncle Vania — font de lui l’un des auteurs les plus connus de la littérature russe, notamment pour sa façon de décrire la vie dans la province russe à la fin du XIXe siècle.

Apprécié à sa juste valeur de son vivant, il reçut le prix Pouchkine en octobre 1888, et fut élu membre d'honneur de la section Belles-Lettres de l'Académie des sciences en 1900, honneur auquel il renonça deux ans plus tard en signe de protestation à l'annulation de l'élection de Maxime Gorki.

Il est décédé en juillet 1904 à Badenweiler en Allemagne, probablement le 15, même si le 2 est parfois avancé.

Éphéméride 18 juin 1907 naissance de Varlam Chalamov

Ephéméride 18 juin 1907 : naissance de Varlam Tikhonovitch Chalamov (en russe : Варлам Тихонович Шаламов) écrivain soviétique, né le 5 juin 1907 (18 juin 1907 dans le calendrier grégorien) à Vologda, mort le 17 janvier 1982 à Moscou.
Il passa 22 ans de sa vie au goulag dont il tira de terribles récits.

Varlam est né dans une famille aisée ruinée par la révolution de 1917. Il est le dernier des cinq enfants d'un ecclésiastique privé de ses fonctions par le nouveau régime. Après ses études secondaires, en 1924, il fuit la misère et trouve du travail près de Moscou. En 1926, devenu ouvrier, il a accès à l'université. À Moscou, il fréquente les bibliothèques, les cercles futuristes et constructivistes. Il commence à écrire.

En 1929, il est arrêté dans une imprimerie clandestine qui diffusait le Testament de Lénine. Il passe deux ans dans un camp de travail à Vichéra, nord de l’Oural. En 1931, à Moscou, il publie ses premières œuvres.

En 1937, Varlam Chalamov est condamné à cinq ans de bagne pour « activité contre-révolutionnaire trotskiste ». Il est envoyé en Kolyma, dans cet Extrême-Orient soviétique. Dans des conditions inhumaines, il travaille dans différentes mines. Il n'est en fait libéré de sa peine qu'en 1951, mais reste assigné à résidence à Kolyma. Il écrit de la poésie.

Quand il rentre à Moscou en 1954, après une absence de dix-sept ans, il se fait chasser par sa femme et par sa fille, qui l'accuse d'être « un ennemi du peuple ». L'année suivant, Varlam Chalamov entreprend la rédaction des "
Récits de Kolyma". Dès sa libération, Chalamov rencontre Pasternak qui lui confie en 1954 et 1955, en deux fois, le manuscrit de "Docteur Jivago", il en est l'un des premiers lecteurs.

Varlam Chalamov est officiellement réhabilité en 1956, il s’installe à Moscou, rompt avec Pasternak. "Les Récits de Kolyma", refusés en URSS, paraissent à l'étranger en 1960, mais il ne perçoit aucun droit d'auteur. En 1972, Chalamov doit renier ses "
Récits", très probablement forcé par les pressions de l'État. Le livre paraît en URSS en 1987.

Isolé et malade, Varlam Chalamov meurt aveugle et sourd, dans un hôpital psychiatrique où il a été transféré contre son gré. De son vivant, il n'a publié dans son pays que quelques recueils de poèmes.

«
Il ne faut pas avoir honte de se souvenir qu'on a été un « crevard », un squelette, qu'on a couru dans tous les sens et qu'on a fouillé dans les fosses à ordures [...]. Les prisonniers étaient des ennemis imaginaires et inventés avec lesquels le gouvernement réglait ses comptes comme avec de véritables ennemis qu'il fusillait, tuait et faisait mourir de faim. La faux mortelle de Staline fauchait tout le monde sans distinction, en nivelant selon des répartitions, des listes et un plan à réaliser. Il y avait le même pourcentage de vauriens et de lâches parmi les hommes qui ont péri au camp qu'au sein des gens en liberté. Tous étaient des gens pris au hasard parmi les indifférents, les lâches, les bourgeois et même les bourreaux. Et ils sont devenus des victimes par hasard. »
— Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, 1978


Éphéméride 15 mai 1891 naissance de Mikhaïl Boulgakov

15 mai 1891 : naissance de Mikhaïl Boulgakov, écrivain et médecin russe († 10 mars 1940).

Mort à seulement 48 ans, il a écrit pour le théâtre et l'opéra, mais il est surtout connu pour des œuvres de fiction comme les romans
La Garde blanche, paru en 1925, et Le Roman de monsieur de Molière, achevé en 1933 (publié en URSS, de manière expurgée, en 1962 et de manière intégrale en 1989), ou la nouvelle Cœur de chien achevée en 1925, mais publiée en URSS en 1987.

Son œuvre la plus connue est
Le Maître et Marguerite, roman plusieurs fois réécrit et retravaillé entre 1928 et 1940, publié en URSS dans son intégralité pour la première fois en 1973, dans lequel il mêle habilement le fantastique et le réel, de telle sorte que le fantastique passe pour réel, et le réel pour fantastique, ainsi que les époques et les lieux, Jérusalem au Ier siècle, sous Ponce Pilate, et Moscou, dans les années 1930, sous la dictature stalinienne.

Éphéméride 14 avril 1930 décès de Vladimir Maïakovski

Vladimir Maïakovski est un écrivain russe né le 7 juillet 1893 à Bagdadi, en Géorgie.
À la mort de son père, sa famille, dans la misère, s'installe à Moscou.
Militant actif du parti bolchevik auquel il adhère à quinze ans, il fera quelques mois de prison. C’est au cours de cette période qu’il découvre la poésie. Il commence à écrire en prison, à Boutyrskaïa en 1909, il a seize ans.

À l'automne 1911, il entre à l'école de peinture, sculpture et architecture de Moscou, et commence son œuvre de dramaturge par une pièce de théâtre intitulé
Vladimir Maïakovski.
Les premiers vers de Maïakovski sont publiés dans les recueils futuristes en 1912.
Il utilise un vocabulaire provocant qui détourne les règles de classicisme.
Il publie ensuite plusieurs recueils :
- 1915:
Un nuage en pantalons.
- 1916:
la Flûte-colonne vertébrale.
- 1917:
la Guerre et l'univers.
- 1918:
l'Homme.
Il va révolutionner les codes mêmes de la poésie en écrivant
La flûte en colonne vertébrale (1915), authentique manifeste du futurisme russe. Ce livre de poésies est aussi inspiré par sa relation à Lili Brik, la sœur d’Elsa Triolet. Ils forment le triangle amoureux classique avec le mari Ossip Brik, écrivain russe qui lui fera connaître le monde avant-gardiste russe. Lili sera sa muse et son mari Ossip, son ami et éditeur.
Rejoint par Serge Tretiakov ils créeront ensemble le journal LEF (
Levyi Front Iskusstv –Front de Gauche des Arts, en français) qui inspirera toute une génération d’artistes d’avant-gardes : l’écrivain Nikolai Aseev, Le cinéaste Eisenstein, le metteur en scène Meyerhold…
Il sera aussi l’amant d’Elsa Kagan connue en France sous le nom d’Elsa Triolet.
Il réalise pendant une longue période des légendes d'affiches publicitaires, des caricatures satiriques.
Après avoir participé activement à la révolution d’Octobre en 1917, il se met au service de Lénine auquel il dédie l’un de ses plus beaux poèmes
Lénine. Il écrit sur la révolution, en particulier une pièce Mystère-Bouffe dans laquelle sa manière satirique et épique de parler la révolution commence à lui attirer des ennuis. C’est le début d’un conflit incessant avec les instances du parti, ce qui le mine et le déprime, alors qu’il parcourt le monde comme ambassadeur de la révolution russe à Londres et à Paris.

En 1923, Maïakovski fonde la LEF (« Front de gauche de l'art ») où il prône une position fonctionnaliste de l'art. Néanmoins au cœur même de la LEF, il rencontre de farouches opposants, qui finissent par le pousser à continuer son chemin autrement (Création du REF).

Il adhère à la RAPP, organisation littéraire révolutionnaire, où il ne sera jamais considéré suffisamment à son goût .
En 1924, c’est la rupture définitive avec Lilli. Il part aux États-Unis pour une série de conférence et rencontre à New York une jeune émigrée russe Elly Jones, dont il aura une fille, Patricia Jones Thompson.


Il poursuit une vie sentimentale compliquée, il s’y use… Sa dernière compagne Veronika Polonskaïa assistera à ses ultimes moments, impuissante à contrer les sentiments de Maïakovski qui va de désillusions en désillusions sentimentales, mais surtout politiques. Les bolcheviks ne lui font aucun cadeau. Il voit la révolution, sa révolution sombrer dans une dictature infaillible et inhumaine.
Le 14 avril 1930, à 10h15, à l’^age de trente-sept ans, il se tire une balle en plein cœur, lui qui appelait la jeunesse à vivre à la mort de Sergueï Essenine, le 28 décembre 1925, suicidé par désespoir et qui se pend dans la chambre n°5 de l’Hôtel d’Angleterre à Leningrad, après avoir laissé un dernier poème écrit avec son sang.
Ses funérailles furent nationales à la demande de Staline. Pas sûr que Maïakovski eut apprécié.



Quelques œuvres de Maïakovski :

  • ¥ Poèmes 1913-1917, traduction de Claude Frioux, Éditions Messidor, 1984

  • ¥ Théâtre, traduction de Michel Wassiltchikov, Éditions Grasset, 1989

  • ¥ Le Nuage en pantalon, trad. Wladimir Berelowitch, Mille et une nuits, 1998

  • ¥ Écoutez si on allume les étoiles..., choix et traduction de Simone Pirez et Francis Combes, préface de Francis Combes, Le Temps des cerises, 2005.



Éphéméride 16 mars 1868 naissance de Maxime Gorki

Maxime Gorki est né le 16 mars (cal. julien)/28 mars 1868 (cal. greg.) à Nijni Novgorod sur la Volga dans un milieu modeste. Il passe les toutes premières années de sa vie à Astrakhan où son père était agent maritime après avoir quitté son atelier d’artisan de Nijni Novgorod, mais l’enfant revient dans sa ville natale quand son père meurt alors que Maxime n’a que trois ans et que sa mère retourne chez ses parents qui tenaient un petit atelier de teinturerie.

Orphelin de mère un peu plus tard, à dix ans, il est élevé durement par un grand-père violent et une grand-mère excellente conteuse, douce et pieuse
: il apprend ainsi à survivre dans un contexte difficile mais pittoresque qu’il évoquera dans le premier volet de son autobiographie « Enfance ».

Forcé par son grand-père de quitter l’école à douze ans, il pratique plusieurs petits métiers comme cordonnier ou graveur dans la ville de Kazan. Très affecté par la mort de sa grand-mère, il tente de se suicider en décembre 1887 mais survit à la balle qu’il s’était tirée près du cœur, celle-ci cependant endommageant gravement son poumon
: il souffrit toute sa vie de faiblesse respiratoire.

Il entreprend ensuite une très longue errance à pied de plusieurs années dans le sud de l’empire russe et les régions du Caucase, lisant en autodidacte, effectuant différents métiers comme docker ou veilleur de nuit et accumulant des impressions qu’il utilisera plus tard dans ses œuvres
: il racontera cette période de formation dans « Mes universités ».

À 24 ans, il décida de rentrer dans le rang et devint journaliste pour plusieurs publications de province. Il écrivit sous le pseudonyme de 
Jehudiel Khlamida, nom évoquant par sa racine grecque le masque et les services secrets, puis il commence à utiliser aussi le pseudonyme de « Gorki » (qui signifie littéralement « amer ») en 1892 dans un journal de Tiflis: ce nom reflétait sa colère bouillonnante à propos de la vie en Russie et sa détermination à dire l’amère vérité.

Le premier ouvrage de Gorki « 
Esquisses et récits » parait en 1898 et connait un succès extraordinaire, en Russie et à l’étranger, ce qui lance sa carrière d’écrivain pittoresque et social. Il y décrit la vie des petites gens en marge de la société (les bossiaks, les va-nu-pieds), révélant leurs difficultés, les humiliations et les brutalités dont ils sont victimes mais aussi leur profonde humanité. Gorki acquit ainsi la réputation d’être une voix unique issue des couches populaires et l’avocat d’une transformation sociale, politique et culturelle de la Russie, ce qui lui vaut d’être apprécié à la fois de l’intelligentsia; il entretient des liens de sympathie avec Anton Tchekhov et Léon Tolstoï, et des travailleurs.

Dans le même temps, à partir de 1899, il s’affiche proche du mouvement social-démocrate marxiste naissant et s’oppose publiquement au régime tsariste, d’où de nombreuses arrestations
: il sympathise avec de nombreux révolutionnaires, devenant même l’ami personnel de Lénine après leur rencontre en 1902. Il gagne encore en célébrité quand il démontre la manipulation de la presse par le gouvernement lors de l’affaire Matvei Golovinski, prouvant l’implication de la police secrète, l’Okhrana, dans la rédaction et la publication des « Protocoles des sages de Sion », torchon antisémite.

Son élection en 1902 à l’Académie Impériale est annulée par le tsar Nicolas II, ce qui entraîne par solidarité la démission des académiciens Anton Tchekhov et Vladimir Korolenko.

Les années 1900-1905 montrent un optimisme grandissant dans les écrits de Gorki
; ses œuvres les plus déterminantes dans cette période sont une série de pièces de théâtre à thèmes politiques dont la plus célèbre est « Les Bas-fonds », représentée avec un grand succès après des difficultés avec la censure en 1902 à Moscou et montée ensuite dans toute l’Europe et aux États-Unis.

Maxime Gorki s’engage alors davantage dans l’opposition politique et il est même emprisonné brièvement pour cet engagement en 1901. Il est de nouveau incarcéré à la Forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg durant la révolution avortée de 1905
: il y écrit sa pièce « Les Enfants du soleil », formellement située durant l’épidémie de choléra de 1862, mais clairement comprise comme représentant les évènements de l’actualité.

Devenu riche par ces activités de romancier, de dramaturge et d’éditeur, il apporte son aide financière au Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) en même temps qu’il soutient les appels des libéraux pour une réforme des droits civiques et sociaux. La brutale répression de la manifestation des travailleurs demandant une réforme sociale le 9 janvier 1905, événement connu sous le nom de « Dimanche sanglant » qui marqua le début de la Révolution de 1905, semble avoir joué un rôle décisif dans la radicalisation de Gorki.

Il devint alors très proche du courant bolchevique de Lénine sans qu’il soit assuré qu’il adhéra à ce mouvement
: ses relations avec les Bolcheviques et Lénine demeureront d’ailleurs difficiles et conflictuelles.

En 1906, les Bolcheviques l’envoyèrent aux États-Unis pour lever des fonds de soutien et c’est pendant ce voyage que Gorki commença son célèbre roman « 
La Mère » (qui paraîtra d’abord en anglais à Londres et finalement en russe en 1907) sur la conversion à l’action révolutionnaire d’une femme du peuple à la suite de l’emprisonnement de son fils.

Cette expérience de l’Amérique, où il rencontre Théodore Roosevelt et Mark Twain mais aussi les critiques de la presse qui se scandalisait de la présence à ses côtés de sa maîtresse Moura Budberg et non de sa femme Yekaterina Peshkova, l’amène à approfondir sa condamnation de l’esprit bourgeois et son admiration pour la vitalité du peuple américain.

De 1906 à 1913, Gorki vit à Capri à la fois pour des raisons de santé et pour échapper à la répression croissante en Russie. Il continue cependant à soutenir les progressistes russes, particulièrement les Bolcheviques, et à écrire des romans et des essais. Il bâtit aussi avec d’autres émigrés bolcheviques, comme Bogdanov ou Lounatcharski, un système philosophique controversé intitulé « Construction de Dieu » qui cherchait, en prenant appui sur le mythe de la révolution, à définir une spiritualité socialiste où l’humanité riche de ses passions et de ses certitudes morales accéderait à la délivrance du mal et de la souffrance, et même de la mort.

Bien que cette recherche philosophique ait été rejetée par Lénine, Gorki continue à croire que la culture, c’est-à-dire les préoccupations morales et spirituelles, était plus fondamentale pour la réussite de révolution que les solutions politiques ou économiques. C’est le thème du roman « 
La Confession », paru en 1908.

Profitant de l’amnistie décrétée pour le 300e anniversaire de la dynastie des Romanov, Gorki revient en Russie en 1913 et poursuit sa critique sociale en guidant de jeunes écrivains issus du peuple et en écrivant les premières parties de son autobiographie, « 
Ma vie d’enfant » (1914) et « En gagnant mon pain « (1915-1916).

Durant la Première Guerre mondiale, son appartement de Petrograd est transformé en salle de réunion bolchevique mais ses relations avec les communistes se dégradent. Il écrit ainsi deux semaines après la Révolution d’octobre
: « Lénine et Trotsky n’ont aucune idée de la liberté et des droits de l’homme. Ils sont déjà corrompus par le sale poison du pouvoir… « .

Son journal « Nouvelle vie » est censuré par les bolcheviques et Gorki écrit en 1918 une série de critiques du Bolchevisme au pouvoir intitulées « 
Pensées intimes » qui n’ont été publiées en Russie qu’après la chute de l’Union soviétique. Il y compare Lénine à la fois au tsar pour sa tyrannie inhumaine d’arrestations et de répression de la liberté de penser et à l’anarchiste Serge Netchaïev pour ses pratiques de comploteur. En 1919, une lettre de Lénine le menace clairement de mort s’il ne changeait pas ses prises de position.

En août 1921, il ne peut sauver son ami Nikolaï Goumiliov qui est fusillé par la Tcheka malgré son intervention auprès de Lénine.
En octobre de la même année 1921, Gorki quitte la Russie et séjourne dans différentes villes d’eau en Allemagne et ayant achevé le troisième volet de son autobiographie, « 
Mes universités » publié en 1923, retourne en Italie pour soigner sa tuberculose: installé à Sorrente en 1924, il reste en contact avec son pays et revient plusieurs fois en URSS après 1929, avant d’accepter la proposition d’un retour définitif que lui fit Staline en 1932: on discute les raisons de ce retour, expliqué par des difficultés financières pour les uns comme Soljenitsyne, ou par ses convictions politiques pour les autres.

Sa visite du camp de travail soviétique des Îles Solovetski, maquillé à cette occasion, le conduit à écrire un article positif sur le Goulag en 1929, ce qui déclenche des polémiques en Occident
: Gorki dira plus tard l’avoir écrit sous la contrainte des censeurs soviétiques.

Il est honoré par le régime qui exploite dans sa propagande son départ de l’Italie fasciste pour retrouver sa patrie soviétique
: il reçoit la médaille de l’Ordre de Lénine en 1933 et il est élu président de l’Union des écrivains soviétiques en 1934, ce qui lui vaut d’être installé à Moscou dans un hôtel particulier qui avait appartenu au richissime Nikolaï Riabouchinski et est devenu le Musée Gorki aujourd’hui, et on lui accorde également une datcha dans la campagne moscovite.

Une des artères principales de la capitale, rue Tverskaïa, reçoit son nom comme sa ville natale qui retrouve son nom primitif de Nijni Novgorod en 1991, à la chute de l’URSS.

Cette consécration soviétique est illustrée par de nombreuses photographies où il apparaît aux côtés de Staline et d’autres responsables de premier plan comme Kliment Vorochilov et Viatcheslav Molotov.

Par ailleurs, Gorki participe activement à la propagande stalinienne comme dans l’éloge du
« Canal de la mer Blanche » à propos duquel, évoquant les bagnards du goulag chargés des travaux, il parle de « réhabilitation réussie des anciens ennemis du prolétariat ».

Cependant, Gorki semble avoir été partagé entre sa fidélité au bolchevisme et ses idées sur la liberté indispensable aux artistes. Il était d’ailleurs suspect aux yeux du régime et après l’assassinat de Sergueï Kirov en décembre 1934, le célèbre écrivain est assigné à résidence à son domicile.

La mort soudaine de son fils Maxim Pechkov en mai 1935 et la mort rapide, attribuée à une pneumonie, de Maxime Gorki lui-même le 18 juin 1936 ont fait naître le soupçon d’empoisonnement mais rien n’a jamais pu être prouvé.

Staline et Molotov furent deux des porteurs du cercueil de Gorki lors de ses funérailles qui furent mises en scène comme un événement national et international le 20 juin 1936 sur la Place Rouge à Moscou. André Gide qui commençait son célèbre
Voyage en URSS y prononça un discours d’hommage.
Maxime Gorki est inhumé dans le cimetière du Kremlin derrière le mausolée de Lénine.

Éphéméride 10 mars 1940 décès de Mikhaïl Boulgakov

Né à Kiev le 3 mai 1891, mort à Moscou le 10 mars 1940, Mikhaïl Afanassiévitch Boulgakov est un écrivain et médecin russe d’origine ukrainienne, issu d’une famille d’intellectuels de Kiev.

Mikhaïl Boulgakov travaille d’abord comme médecin durant la période troublée de la Première Guerre mondiale et de la guerre civile russe. Puis, à partir de 1920, il abandonne cette profession pour se consacrer au journalisme et à la littérature, où il est confronté, tout au long de sa carrière, aux difficultés de la censure soviétique et à la grande misère matérielle. Il collabore à différentes revues et prend une part active dans la vie culturelle tout en effectuant différents petits travaux alimentaires. Faux journal intime, les Écrits sur des manchettes témoignent de l’atmosphère intense de l’époque.

Mort à seulement 48 ans, il a écrit pour le théâtre et l’opéra, mais il est surtout connu pour des œuvres de fiction comme les romans
La Garde blanche qui décrit le destin tragique d’individus pris dans le tourbillon de l’Histoire, paru en 1925, et Le Roman de monsieur de Molière, achevé en 1933 (publié en URSS, de manière expurgée, en 1962 et de manière intégrale en 1989), ou la nouvelle Cœur de chien, achevée en 1925 mais qui fut aussitôt interdit, publié en URSS en 1987.

Dès lors, constamment surveillé par la police politique, Boulgakov ne sera plus publié. La lettre qu’il écrit à Staline au début des années trente pour pouvoir quitter l’URSS, témoigne du profond désespoir auquel il est réduit. À défaut de visa, il sera autorisé à travailler comme assistant au Théâtre d’Art de Moscou sur intervention personnelle de Staline, au bon vouloir duquel il sera désormais lié. Malgré cette redoutable « protection », il sera l’objet de persécutions jusqu’à sa mort, le 10 mars 1940.

Son œuvre la plus connue est
Le Maître et Marguerite, roman plusieurs fois réécrit et retravaillé entre 1928 et 1940, publié en URSS dans son intégralité en 1973, dans lequel il mêle habilement le fantastique et le réel, de telle sorte que le fantastique passe pour réel, et le réel pour fantastique, ainsi que les époques et les lieux, Jérusalem au Ier siècle, sous Ponce Pilate, et Moscou, dans les années 1930, sous la dictature soviétique.

Fortement auto-biographique, toute son œuvre (aujourd’hui entièrement traduite en français) est traversée par le thème des rapports entre l’artiste et le pouvoir.

Éphéméride 29 janvier 1837 décès d'Alexandre Pouchkine

Alexandre Sergueïevitch Pouchkine est un poète, romancier et dramaturge russe né à Moscou le 26 mai (calendrier julien) ou le 6 juin (calendrier grégorien) 1799 et mort à Saint-Pétersbourg le 29 janvier (cal. julien) ou le 10 février (cal. greg.) 1837.

Né à Moscou le 6 juin 1799, Alexandre Serguéïvitch Pouchkine est issu, de par son père, de l’une des plus anciennes familles de la noblesse russe, et est apparenté, du côté de sa mère, à Ibrahim Hannibal, cet esclave noir que Pierre le Grand avait acheté et dont il avait fait son conseiller.

Le jeune Pouchkine, par l’entremise de sa nourrice, s’imprègne très tôt de la culture populaire dont il nourrira son œuvre. À l’âge de 11 ans, il rentre au lycée impérial. Élève dissipé, il n’obtient en 1817, une fois ses études achevées, qu’un poste subalterne au ministère des affaires étrangères. Dès lors, installé à St-Petersbourg, Pouchkine va connaître trois années d’une vie mondaine et dissolue, partageant son temps entre cercles littéraires, sociétés secrètes proches des décembristes, femmes et tripots. C’est à cette époque qu’il rédige

Rouslan et Lioudmila, poème héroï-comique qui témoigne déjà alors de la maîtrise de son auteur.

Mais Pouchkine s’adonne surtout à la rédaction de vers subversifs qui lui valent une mesure d’éloignement. Il est alors muté (1820) en Crimée (qui inspirera nombre de ses écrits comme
Le prisonnier du Caucase. C’est en Crimée qu’il commence aussi à travailler sur Eugène Onéguine) avant d’être assigné, en 1824, à résidence. Pouchkine regagne alors sa demeure familiale de Pskov où il rédigera notamment Boris Godounov.

À la suite de la mort d’Alexandre Ier, Pouchkine sollicite le nouveau Tsar afin d’être autorisé à regagner la capitale. Si Nicolas Ier accepte, il informe aussi le poète qu’il sera son premier lecteur… Censure et surveillance se font alors de plus en plus oppressantes.

En 1830, Pouchkine se marie. Rêvant d’une vie simple et paisible à Tsarkoïé-Selo où il s’est installé, le jeune couple est happé par la vie mondaine de la cour où Pouchkine est nommé historiographe. Mais le succès au sein de la cour de sa jeune épouse, la très belle et coquette Nathalie Gontcharova, lui vaut de nombreux quolibets. Et c’est pour faire taire les rumeurs qu’il provoque en duel Georges d’Anthès, un émigré français qui courtisait son épouse
; duel qui a lieu le 27 janvier, dans les faubourgs de Saint-Pétersbourg, près de la rivière noire. Le poète reçoit une balle de pistolet dans le ventre et meurt deux jours plus tard, des suites de cette blessure.


Éphéméride 11 novembre 1821 naissance de Fiodor Dostoïevski


Né à Moscou en 1821, fils d’un médecin militaire alcoolique et violent (qui inspirera sans doute en partie le père Karamazov), Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski connaît une enfance difficile et maladive : il sera toute sa vie sujet à l'épilepsie.

Il entre à dix-sept ans à l'Académie du génie militaire de Saint-Pétersbourg d’où il ressort avec le grade de sous-lieutenant. Il s’oriente vers l’écriture. Après quelques traductions, il publie son premier écrit à vingt-trois ans,
Les pauvres gens.

D’abord encensé par la critique, il se voit ensuite considéré comme un simple imitateur de Gogol. Il fuit alors les cercles littéraires et se lie avec un groupe de libéraux, le cercle de Petrachevski qui, clandestinement, tentait de préparer les paysans à la révolution socialiste. Il est alors arrêté et condamné à mort, peine commuée en quatre années d'emprisonnement suivies d'un exil de cinq années en Sibérie.
Il revient diminué de ces travaux forcés (
Souvenirs de la maison des morts). Mais également changé par la lecture de l’Évangile et la découverte de la bonté de l’homme.

Il se marie en 1857 avec une jeune veuve tuberculeuse, qui meurt quelques années plus tard. En 1861 il rencontre Pauline Souslova, avec qui il parcourt l’Europe de 1862 et 1863. Fréquentant les casinos, il perd tout son argent et se voit ainsi contraint d’accélérer la rédaction de ses écrits. Sur le point d’être arrêté faute de pouvoir honorer ses dettes, il s’expatrie.

Le succès de ses écrits lui permet néanmoins de mettre fin à cet exil. Quand il regagne la Russie en 1873, sa réputation littéraire a acquis une dimension et une ampleur internationales. Il meurt le 9 février 1881. Trente mille personnes assistent à son enterrement.

Éphéméride 8 novembre 1880 parution des "Frères Karamazov"


Le dernier roman de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski est publié en Russie.

Écrit en deux ans,
Les Frères Karamazov est considéré par son auteur comme son œuvre la plus aboutie.

L'intrigue principale tourne autour des trois fils d'un homme impudique, vulgaire et sans principes (Fiodor Pavlovitch Karamazov), et du parricide commis par l'un d'entre eux. En fait, les enfants sont au nombre de quatre puisque le père a donné naissance à un bâtard, Smerdiakov.

Chacun des trois fils représente un personnage type de la société russe de la fin du XIXe siècle : Alexeï, le benjamin, est un homme de foi ; Ivan, le cadet, est un intellectuel matérialiste qui cherche à savoir si tout est permis, si Dieu n'existe pas ; Dimitri, leur très exalté demi-frère aîné, est un homme impétueux en qui le vice et la vertu se livrent une grande bataille : ce dernier incarne, selon l'auteur lui-même, « l'homme russe ».