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Henri Pourrat, Gaspard des Montagnes



Contenu du dossier:

Introduction
Comparaison entre le
Conte des Yeux rouges et Gaspard des Montagnes
Lecture suivie du roman
Gaspard des Montagnes
Corrigés du dossier
Étude
: Gaspard est-il un héros épique?


1. Introduction

Tour à tour conteur, romancier, poète ou essayiste, Henri Pourrat a été tenté à plusieurs reprises par la transformation des genres: La Belle Mignonne est une petite saga faite de trois contes; Le Chasseur de la nuit est un conte, puis un roman qui se déroule déjà dans les villages du Livradois; enfin le cas de Gaspard des Montagnes, roman né lui aussi d’un conte, nous a paru particulièrement intéressant à étudier, afin de faire découvrir aux élèves les caractéristiques de l’écriture du conte en les comparant aux contraintes du roman.
Il est particulièrement intéressant de redécouvrir Henri Pourrat qui s’est passionné dès le début du siècle et tout au long de sa vie pour la littérature orale, enracinée dans un univers terrien en train de disparaître, au point d’en faire la matière même de son œuvre.
Au fil des ans, Henri Pourrat s’est livré à la collecte, dans la région d’Ambert, de toutes les traces qu’il a pu recueillir de l’imagination populaire
: contes, légendes, chansons, devinettes, sornettes, historiettes et proverbes.
Les contes populaires y occupent une place de choix. Henri Pourrat commença à les recueillir dès avant la guerre de 14. Le noyau primitif fut recueilli dans le Livradois, région d’Ambert, puis s’étendit à l’Auvergne, en Forez ou en Bourbonnais, ainsi qu’aux journaux de colportage, almanachs et autres recueils plus littéraires.
Comment transmettre cette immense moisson de contes
? Gaspard des Montagnes apporte une première réponse :
« 
Il y a surtout un conte derrière lequel je suis parti, essayant de lier les autres à son long fil, d’en faire une longue histoire à cent histoires. »
Une autre réponse sera la réunion en recueil, en 1936, des
Contes de la Bûcheronne, pour les enfants, et à partir de 1948, la parution du premier tome du Trésor des contes dont la publication continuera dans les dix dernières années de sa vie.
Sous le titre « 
Le Conte des yeux rouges », Henri Pourrat a donné, dans le Trésor des contes (tome VIII, p. 177188, réédité dans le recueil thématique Les Brigands, éd. Gallimard, 1978) une version littéraire du conte oral dont il est parti pour écrire Gaspard des Montagnes, mais la même histoire existe sous des formes diverses dans la plupart des provinces françaises et même à l’étranger.
Henri Pourrat a expliqué clairement les motivations de son choix dans un texte inédit où il précise
:

« Le Conte de la main coupée ou des yeux blancs, cette histoire de la petite mutilant le brigand caché, puis l’épousant sans le savoir et devenant sa longue victime, m’a paru le plus propre à opérer le rassemblement de tous ces vieux contes. C’est un de ceux qui ont le plus de marque, qui ont eu le plus de faveur et d’audience, sans doute parce qu’il touchait de plus près les gens au temps des domaines, comme une histoire qui pouvait demain, presque pareille, tomber sur eux. Puis il était plus dramatique que les autres, surtout plus tragique, donnant plus à songer sur la destinée humaine. Il a tant couru celui-là qu’on le retrouve partout. De sorte qu’il est chargé de tous les souvenirs des bois et des chemins, des auberges et des domaines. »


2. Du conte au roman
:
Henri POURRAT
: Du Conte des yeux rouges à GASPARD DES MONTAGNES


1. Henri POURRAT, Le conte des yeux rouges, « Histoires de brigands », Trésor des Contes

Il y avait une fois une fille, la jeune et la jolie fille d’un marchand de campagne. Cet homme, il lui a fallu aller à la grande foire, la
foire grasse 1, une foire qui ne pouvait se manquer.
« Je serai là mardi, mercredi sans attendre, jeudi pour le certain. Va au bourg quérir 2 ta cousine, qu’elle te fasse compagnie. »
Car cet homme était veuf et sa fille était seule. La maison toute seule aussi
: rien que le pacage 3 et sa fontaine, sous trois sorbiers des grives, avec
une corne bleue de montagne, du côté de l’échappée 4. Partout ailleurs les bois, les bois, les bois.
La fille du marchand est allée quérir sa cousine, et cela l’a mise en retard pour traire les bêtes. A la maison se sont attardées, à l’écurie se sont trouvées
empêchées. Et quand elles sont revenues au coin du feu, le feu était éteint.
[…]
Mais on ne savait plus ce qu’on croyait, ce qu’on voyait, à la brune, à la nuit.
Et la fille du marchand qui marchait tête basse contre le vent n’avait rien vu. « Je ne vais pas le lui dire
: on parle dans le pays d’un voleur en toque de
renard et houppelande rousse, le fameux Jean de Bort. Il rôderait au bois avec sa bande… Si j’en parle, elle prend peur… Cette ombre, c’est mon œil qui l’a faite, une mouche de l’œil. Et la porte, nous avions oublié de la fermer, sans doute
: le vent l’aura fait battre… »
De fait, sitôt rentrée, elle est allée à la fenêtre, elle a barré la porte. Mais là derrière, au bord du foin, elle a vu deux souliers.
« Ce sera ceux de mon oncle »

[…]
Le marchand pousse son cheval. Il ne va plus en homme de sens; il va en ouragan de grêle et de tonnerre.
Il a monté les degrés en trois bonds. Il a ouvert la porte d’un seul coup.
Comme toujours, pour aborder le père, elle écarte sa robe, veut faire trois révérences.
Mais d’une bourrade à terre il l’a jetée. Et il lève sa botte pour donner du talon dans la figure de sa fille.
« Malheureuse
! Est-ce vrai, ce que dit ta cousine? Un galant est venu, s’est caché sous le lit?
— Ha
! oui, c’est vrai, mon père, un galant est venu
— Tu m’as honni
! Tu t’es honnie 9! Ce ne sera qu’un bruit dans le village. Pas un garçon ne demandera ta main!
— Eh bien
! je vais vous donner la main de mon galant! »
Elle a pris cette main sanglante sur la table, les pistolets, le coutelas.
« Mon père, vous me méconnaissez… »
Alors, quand il a su, il lui a demandé pardon. Et il lui a juré, la main levée, pour la menace de Jean de Bort, que jusqu’à ce qu’elle fût en puissance de mari, il ne la laisserait plus jamais seule.

Henri POURRAT, Trésor des Contes, tome VIII, © éd. Gallimard.



  1. 1. La foire grasse: foire se tenant pendant les jours du Carnaval précédant le Carême, pendant lesquels il était permis de manger de la viande.

  2. 2. Quérir: du latin quaerere chercher pour apporter, pour amener.

  3. 3. Pacage: terrain où l’on fait paître les bestiaux, pâturage.

  4. 4. L’échappée: espace libre mais étroit, resserré entre deux obstacles, qui laisse voir l’horizon: perspective, ouverture, point de vue, trouée.

5. Fenière: mot régional désignant le grenier à foin, le fenil, situé à deux ou trois mètres du sol pour que, du chariot, on puisse y décharger le foin à la
6. Mante
: vêtement ample et sans manche, sorte de cape avec un capuchon, généralement pour les femmes, qui descendait jusqu’aux chevilles.
7. Degrés
: les marches de l’escalier (mot vieilli dans ce sens).
8. Chaleil
: petite lampe de forme étrusque, en fer forgé, en bronze ou en cuivre, qu’on garnissait d’huile de chènevis.
9. Honnie
: déshonorée, vouée au mépris public, couverte de honte.


Deux ans passèrent. Personne ne voulait épouser l’infortunée sur laquelle pesaient de si terribles menaces. Son père, las de veiller sur elle jour et nuit, souhaitait la voir prendre époux au plus vite. Un jour, arriva un riche marchand ganté de noir. Il séduisit le père par ses richesses, et obtint la main de la jeune fille, lasse d’importuner son père et d’attendre un hypothétique protecteur.
Le jour même du mariage, elle fut emmenée dans les bois par le marchand qui, se dégantant soudain, se fit reconnaître de la malheureuse. C’était Jean de Bort. Il l’attacha nue à un arbre, et partit chercher sa bande, promettant de lui faire subir les plus atroces sévices. Par chance, un cavalier passa par-là. Il la détacha, la mit à l’abri dans son château, et repartit à la guerre. Pourtant, le bandit retrouva la trace de la jeune fille et lui fit porter de la part du gentilhomme un coffre dans lequel il s’était glissé. L’héroïne laissa entrer le coffre au château, mais son attention fut attirée par le manège de son chien autour du coffre. Méfiante, elle appela le prévôt de la ville qui transperça le coffre de son épée. On en sortit Jean de Bort blessé à mort, et la belle, enfin libérée de l’atroce menace, put épouser le gentilhomme revenu de guerre.


Guide de lecture

  1. 1. L’intrigue:

Une jeune fille seule et abandonnée
Résumez oralement ce conte et essayez de répondre aux questions suivantes:
1. À partir de quel événement peut-on affirmer que l’action est réellement engagée
?
2. Quelle est l’utilité de ce qui précède
?
3. Pourquoi le narrateur n’a-t-il pas commencé directement par l’événement qui provoque l’action
?
La main coupée
1. Pouvez-vous, par des phrases très courtes, décrire les actions provoquées par l’événement qui déclenche l’action?
2. D’autres événements auraient-ils pu se produire et provoquer le même déroulement de l’histoire
?
3. Cet événement aurait-il pu avoir d’autres conséquences
? Lesquelles?

2. Décor et personnages
1. Relevez les indications de temps et de lieu: ce conte est-il inséré dans une époque et une région définies?
2. Quelles coutumes paysannes sont évoquées dans ce récit
?
3. Par équipes, faites un relevé précis des caractérisations de chaque personnage principal
: nom et toute expression qui le désigne, âge, profession, description (portrait, caractère). Les personnages sont-ils longuement décrits? Quel est celui qui est le plus longuement précisé? Pourquoi? Comment évolue la manière dont la jeune fille est nommée?

3. La langue du conte
Henri POURRAT veut donner, par certains moyens, l’impression d’un récit oral.
1. Relevez un certain nombre de mots et d’expressions répétées. Ces répétitions sont-elles indispensables à l’écrit
? à l’oral?
2. Pouvez-vous citer quelques phrases qui ne comportent pas de pronom sujet
?
3. Pouvez-vous en citer dont le sujet est renforcé par un pronom de rappel
?
4. Quel type de phrase prédomine
: juxtaposées, coordonnées, subordonnées?
5. Le conte contient-il beaucoup de mots régionaux
? Comment sont-ils expliqués dans la trame du récit?
6. Contient-il des mots vieillis, qui ne sont plus utilisés en français courant
?
7. Existe-t-il beaucoup de passages dialogués
? À quels moments?
8. Le conteur et l’auditoire sont-ils présents dans le texte
?

Connaissance de la langue
Pouvez-vous donner le sens exact des expressions formées à partir du nom vent?
vent debout — sous le vent — venir au vent — avoir le vent en poupe — avoir du vent dans les voiles — être dans le vent — prendre le vent — portez le nez au vent — n’avoir ni vent ni nouvelle — avoir vent de — ouvert aux quatre vents — aller contre vents et marées — tourner au moindre vent — quel bon vent vous amène
? — voir venir le vent — observer d’où vient le vent — aller contre le vent — libre comme le vent — c’est du vent — faire du vent — petite pluie abat grand vent — qui sème le vent récolte la tempête — à brebis tondue, Dieu mesure le vent.

De la lecture à l’écriture

1. Comparez ces deux résumés du conte
:
a. « 
Le Conte des yeux rouges, cette histoire de la petite mutilant le brigand caché puis l’épousant sans le savoir et devenant sa longue victime… » (H. POURRAT).
b. « 
Le Conte des yeux rouges est l’histoire d’une vengeance: un brigand, dont la main a été coupée par une jeune fille, l’épouse pour la tenir à sa merci et se venger. Il n’y parvient pas, car on la délivre. Capturé après une dernière ruse, il est tué, et la jeune fille épouse le gentilhomme qui l’a délivrée. »

Après avoir relu le conte, élaborez un troisième résumé, plus détaillé et plus précis, en consacrant au moins une phrase à chaque épisode du récit.
2. Inventez un conte de la peur, ou un conte de brigand, en essayant d’utiliser certains procédés d’H. POURRAT pour lui donner l’aspect d’un récit oral.
3. Reprenez le scénario
: méfait — vengeance — délivrance — punition, pour inventer une histoire dans un autre cadre, avec d’autres personnages.
4. Transposez le sujet du
Conte des yeux rouges à l’époque contemporaine, dans un milieu urbain.
5. Modifiez le récit après l’épisode de la main coupée et terminez-le à votre guise.

2. Le roman: Henri POURRAT Gaspard des Montagnes (1922)

étude suivie



1e épisode. La nuit terrible d’Anne-Marie Grange

L’action de Gaspard des Montagnes débute sous le Premier Empire, en 1808, au début de la guerre d’Espagne. Jean-Pierre Grange, mi-paysan mi-marchand, fait du commerce avec les Espagnols; son frère Jérôme a fait fortune aux Antilles. La famille Grange habite la ferme isolée de Chenerailles, au milieu des Bois Noirs hantés par les brigands. Au début du carême, le père et la mère d’Anne-Marie Grange doivent laisser leur fille seule, gardée par le valet Nanne. Or, celui-ci reçoit un appel de son père mourant. Quand les parents d’Anne-Marie reviennent avec Pauline, leur fille cadette, ils rencontrent leur valet sur le chemin du retour: la lettre était fausse, son père se porte comme un charme. Tout est désert autour de la ferme, la chienne a été tuée. Une large flaque de sang s’étale sous la porte de l’écurie…
Après le départ des siens, Anne-Marie était allée chercher son amie Zulime, pour lui tenir compagnie. Mais celle-ci, ayant vu sous le lit deux yeux grands ouverts sur elle, avait pris la fuite, sans avertir personne au village…


La nuit tombait. Le vent s’élevait dans les sapins. Ce bruit, ces ombres, cet abandon qui serrait le cœur, tout cela ne faisait pas trop bien entre chien et loup. La petite pensait qu’elle était seule, séparée de ses père et mère, sans secours d’aucune sorte car décidément la chienne ne rentrait pas au 5 logis, et les bruits qui couraient lui revenaient dans la tête.
Une peur la liait en tous ses mouvements. Elle avait essayé de manger les bouchées ne passaient pas. Alors, laissant là le souper sur un coin de table, sans faire sa prière à genoux, sans réunir les braises et les couvrir de cendre comme la ménagère a coutume pour trouver à l’aube un reste de feu, elle s’est couchée dans le lit-coffre 1.

[…]
Et comme elle le voit hors de l’écurie, elle se jette sur cette maudite porte, la pousse, met la barre, le tout en l’espace d’un clin d’œil. L’autre, au bruit, fait volte-face, pour se voir, selon le mot d’ici, fermé dehors.
« Ah
! la garce! »
Il fond sur la porte, il la secoue. Mais elle était en cour de chêne, aussi solide que celle d’une prison. On l’entendait, derrière, prendre un gros souffle en mâchonnant des injures.
« Voyez-vous cette endormie
! fit-il d’une voix qu’il déguisait. Eh bien, laisse-moi seulement reprendre mon couteau. Je sais où je l’ai laissé. Je jure ma foi de ne te faire aucun mal et de ressortir dans la minute. »

[…]
Elle jette l’épaisse gaine sous la porte. Le brigand passe la main sous ce vantail. Une main blanche, autant qu’on pouvait voir, avec deux bagues, main de monsieur 6, qui tâtait dans la poussière, les fétus… Anne-Marie se saisit du coutelas et en décharge un coup qui tranche le petit doigt et à moitié les deux autres.
Quand elle avait vu cette main qui tâtonnait comme cherchant son cou à elle, une pensée de vengeance s’était emparée de son cœur. Et elle avait suivi cette pensée, manquant ainsi à la loi de Dieu qui veut que nous pardonnions les offenses à nous faites.
[…]
Mais à ce moment, il se fit une espèce de silence. L’homme en noir dut reprendre connaissance, et se redresser, et la sentir là, si proche derrière cette porte seulement.
Alors, il ramassa ses forces, et d’une façon à faire trembler
: « Ton temps viendra! hurla-t-il, je jure de te faire crier pitié 9 quelque jour! »
On peut penser qu’elle ne ferma guère l’œil cette nuit-là.


Henri POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1re partie, Le Château des sept portes, 1re veillée, 5e pause, © éd. Albin Miche!, pp 30-33


(à suivre)


1. Lit-coffre
: cette « armoire à sommeil » s’appuie contre les murs de la pièce. On l’appelle parfois aussi « lit clos » (Auvergne, Savoie, Bretagne).
2. Escabelles
: tabouret, sorte de siège de bois peu élevé, sans bras ni dossier.
3. Rouet
: petit instrument domestique permettant de filer la laine, le chanvre, le lin, et comportant une roue verticale.
4. Reprendre cœur
: reprendre courage (lat. cor).
5. Vantaux
: battants de la porte.
6. Main de monsieur
: le détail aura ultérieurement de l’importance.
7. Pâmé
: inanimé, en pâmoison, évanoui.
8. Rogomme
: liqueur forte, donnant une voix d’ivrogne, enrouée et vulgaire.
9. Crier pitié
: implorer, crier grâce.


Guide de lecture: du conte au roman
Après avoir relu le passage correspondant du conte, notez toutes les différences de détail qui existent entre le conte et le roman. Essayez de trouver les raisons de ces différences en complétant le tableau suivant :
[…]

Connaissance de la langue: le vocabulaire de la peur

1. Précisez le sens des mots suivants: inquiétude appréhension anxiété angoisse crainte peur effroi frayeur horreur terreur épouvante panique. Classez-les ensuite en ordre croissant d’intensité.
2. Cherchez le sens des expressions
: être timoré, pusillanime, peureux, poltron, couard, craintif
3. Quelle est l’origine du mot timidité?
4. Cherchez l’origine du mot
horreur. Quelle double impression y a-t-il actuellement dans ce mot?
5. Quelle forme de peur sous-entend le mot
panique?
6. Employez dans des phrases faisant ressortir la différence de sens les mots timide et timoré
; les verbes terrifier et terroriser.
7. Relevez dans la fable de La Fontaine Le lièvre et les grenouilles tous les mots et expressions qui peignent le sentiment de peur.


De la lecture à l’écriture: une « brève »
Dans un journal quotidien, une « brève » est une petite information d’une dizaine de lignes qui présente un événement selon l’introduction qui? quoi? où? quand? comment? pourquoi? avec quels résultats?
Il n’y a pas de titre. Les premiers mots de la phrase initiale, en italiques ou en gras, permettent au lecteur de savoir de quoi il s’agit. Le style doit être dense et neutre.
Après observation de quelques « brèves » dans différents quotidiens, présentez les événements de la nuit terrible sous la forme d’une « brève » dans un journal
; sous forme orale, cet événement peut faire l’objet d’un « flash spécial ».


Un fait divers
Sous une forme un peu plus étendue et plus élaborée, ces événements peuvent être le sujet d’une page de magazine. Par équipes, élaborez une mise en page, des intertitres. Des photos découpées dans des journaux quotidiens et des magazines et » détournées » pourront illustrer le récit
pensez à soigner la légende des photos.
Une réflexion particulière est à mener sur le langage à utiliser en fonction du public visé.


2e épisode.
La cadenette de fer


Les gendarmes ne retrouvent pas trace des brigands de Chenerailles. Grange demande conseil au cousin d’Anne-Marie, Gaspard, âgé de dix-sept ans, mais très avisé malgré sa jeunesse. Celui-ci se doute que le frère de Grange, parti faire fortune aux Antilles, avait caché des papiers précieux à Chenerailles. Le récit fait alors un retour en arrière pour évoquer la naissance et l’enfance de Gaspard. Celui-ci s’inquiète de la tristesse d’Anne-Marie: « Il voulait la revoir comme il l’avait vue un matin, sous un cerisier: ô Anne-Marie, rose alors, plus rose que cette heure de six heures, avec je ne sais quel étincelant du bon grand courage sur la joue, et tout l’été de la montagne en son regard. »
Sur les conseils de Gaspard, les Grange quittent la sinistre maison de Chenerailles et s’installent au domaine des Escures, à Champétières. Pour pendre la crémaillère, les jeunes gens dansent la bourrée.


Les sabots claquaient, Dieu sait, sur la terre sèche. Un train, un tapage à assourdir un meunier.
Gaspard fit danser Anne-Marie.

[…]
« Si tu l’avais entendu
! Oui, je le sais; un jour il me fera crier pitié, comme il l’a promis… »
Et dès qu’elle y repensait, elle n’avait aucun courage.
Elle disait ces choses si naïvement que Gaspard pour la première fois eut le sentiment du malheur
: la peine qui tombe sur la vie, la chavire toute et fait qu’on n’a plus de goût à rien… Anne-Marie, l’autre année, elle était cette petite qui riait vers le soleil, avec un éclat de jeunesse dans les yeux; et maintenant… Que ce puisse devenir cela, la vie, ce sentiment d’être si misérable! Est-ce qu’une entente de tous ne devrait pas mettre les choses sur un autre pied, et venir à bout de ceux qui font le mal?

[…]
« Ce que je te promets, dit-il dans un élan, c’est d’être à ton service. Tant que je serai près de toi, au pays, je te défendrai de tout mon pouvoir. Je te le promets, ici, sous ce pin. Faisons la cadenette de fer
! »
Il n’avait pas lâché la main qu’il avait saisie lorsqu’elle la lui avait posée sur la bouche. Il riait. Il lui fallait rire, pour elle, pour l’apaiser, et pour soi, pour ce grand désir de se battre, de se dévouer à elle qui le brûlait toujours.
Comme deux enfants, ils s’accrochèrent l’un l’autre la main par le petit doigt, serrant et tirant fort, puis s’arrachant chacun un cheveu, l’envoyèrent du souffle voler au vent.
Et cela fait, soudainement ils furent sérieux. Ils revinrent ensemble sans plus parler vers la maison neuve. Près de la fontaine, Anne-Marie posa la main sur l’épaule de Gaspard comme pour l’attirer à elle. Leurs têtes se touchaient presque. Elle lui chuchota un « merci », et, vite, lui fit un petit baiser sur la joue. Ses lèvres étaient chaudes comme un perdreau dans sa plume. Et ce fut ce baiser-là qui décida de leur sort.


Henri POURRAT, Gaspard des Montagnes, 1re partie, « Le château des sept portes », 2e veillée, 3e pause, © éd. Albin Michel, p. 46-48.

(à suivre)



  1. 1. Bourrée danse du folklore auvergnat, sur un rythme ternaire, très vif, accompagnée de la vielle ou de la cabrette.

  2. 2. Serpolet: plante odoriférante, appelée aussi thym sauvage, utilisée comme assaisonnement.

3. Tors: tordu, contourné.
    4. Brûlis: culture après avoir brûlé les mauvaises herbes, pour fertiliser les champs et les débarrasser.
     5. Fie-toi en moi
: Accorder sa confiance, s’en remettre, compter sur, se reposer sur.
  1. 6. Déraisonnée: tenant des propos dépourvus de raison, de bon sens; extravagante, folle, insensée.

     7. Serein: dérivé ancien de « soir »: fraîcheur, humidité qui tombe le soir. Jadis, on en craignait beaucoup les effets.
     8. Châtaine
: féminin rare de châtain (châtaigne); de couleur brun clair. Ici, c’est un mot de tendresse.
     9. Le déplanter
: le tuer.


Guide de lecture

Gaspard
1. Pourquoi reste-t-il calme auprès de sa cousine?
2. Pour quelle raison se sent-il à la fois gai et triste
?
  1. 3. Que signifie son changement de position « sans paraître y songer »?

4. Comment Gaspard éprouve-t-il le « sentiment du malheur »?
5. Quels sentiments le personnage éprouve-t-il?
6. A-t-il trouvé le bon moyen de rassurer Anne-Marie
?

Anne-Marie
1. La chanson de Pauline a-t-elle une importance pour Anne-Marie et Gaspard?
2. Par quelles étapes successives Anne-Marie se confie-t-elle à son cousin
?
3. Pourquoi Anne-Marie met-elle la main sur la bouche de Gaspard (ligne 80)
? Que refuse-t-elle?
4. Comment Henri Pourrait suggère-t-il la naissance de l’amour entre les deux jeunes gens
?

La narration
Il est intéressant de mettre en valeur les moyens utilisés par l’écrivain pour faire vivre cette scène
1. Repérez les moments de pur récit
: quels temps grammaticaux sont utilisés ici?
2. Relevez maintenant les moments de dialogue rapportés entre guillemets
: cette fois, quel est le temps grammatical dominant?
3. Certains passages rapportent les pensées des personnages, et plus précisément les rêves de Gaspard. Repérez-les. Quel temps nouveau est utilisé cette fois
?
4. Quelques phrases rapportent indirectement, sans guillemets et sans verbe introducteur, certaines paroles d’Anne-Marie à son cousin
: comment s’appelle cette forme d’expression? Exprimez oralement ces phrases, sous forme de dialogue direct, après les avoir transformées.


De la lecture à l’écriture
1. Le portrait inversé

Dans le roman qui porte son nom, Gaspard est un être d’exception dont chacun célèbre les multiples qualités. À sa naissance, des événements merveilleux signalent son incomparable supériorité. Par la suite, POURRAT dresse ce portrait du héros
:

« Gaspard n’avait encore seize ans d’âge qu’il s’entendait à tout. Au demeurant vigoureux, bien construit de ses membres, bâti à chaud et à sable.
Imaginez-le droit sur jambes, habillé à l’ordinaire de serge bleue, la veste courte aux longs revers boutonnés par des boutons d’os, avec de petites basques à grandes poches où mettre une demi-douzaine d’échaudés, les brayes à pont, les hautes guêtres serrées au genou de jarretières teintes en écarlate. La façon belle dans ce simple habit de paysan, agréable de mine sous le chapeau à vastes ailes, tel à peu près qu’en portent les marchands de choux d’Olliergues.
Il avait une face ferme et vive, des os qui faisaient large sous la peau où le sang coulait vermeil. Un peu rouge à la joue, peut-être, mais les dents blanches et les yeux d’Auvergnat, si perçants, si brillants, si vrillants, qu’on les eût pris pour des yeux de basilic. À eux seuls, ces yeux faisaient comprendre le mot d’une bonne femme de Mirefleurs
"Gaspard plus doux que les doux et plus coquin que les coquins". »


Inversez ce portrait, pour transformer le portrait mélioratif du héros en description péjorative d’un antihéros
: à l’aide d’un bon dictionnaire, travaillez sur l’antonymie: noms, adjectifs, adverbes. Il ne faut pas se contenter d’une inversion mécanique des termes!


2. Débat
Le personnage de Gaspard existe-t-il dans Le Conte des yeux rouges? Êtes-vous favorable ou non au développement du rôle de ce personnage? Donnez vos avis en classant vos arguments.


3e épisode. La terrible scène de l’Arbre Blanc



Trois années s’écoulent. Un jour de Toussaint, la mère d’Anne-Marie meurt. L’homme de Chenerailles rôde autour de la jeune fille et la menace à plusieurs reprises, mais Grange trouve Gaspard trop pauvre pour épouser sa fille aînée.
L’empereur Napoléon lève trois cent mille hommes. Gaspard est recruté avec ses deux frères, Benoni et le Dragon Baptiste. Seul, « Jeuselou du Dimanche », le joueur de vielle qui fait danser la jeunesse, échappe à la conscription.
Grange, pressé d’aller recueillir l’héritage de son frère mort aux Antilles, contraint Anne-Marie à épouser un riche propriétaire terrien, M. Robert. Le mariage a lieu un samedi à la fin du mois de septembre 1812. La mariée est en grand deuil, le marié ne quitte pas ses gants… Quelques jours plus tard, il l’emmène faire un tour à cheval dans les bois…



Le pays paraissait désert sous un de ces brouillards d’automne quasi immobiles qui piquent les narines. Les choses se défaisaient dans le gris: là-bas, à cent pas devant, était-ce deux muletiers ou bien une charrette de paille? cela venait-il? s’en allait-il? Anne-Marie remarqua qu’il y avait beaucoup de mûrons 1, signe que l’hiver serait dur.
[…]
On arriva devant un sapin énorme qu’Anne-Marie reconnut pour l’être venue voir avec Pauline
: le fameux Arbre Blanc du bois de Maucher dont la pile est si grosse qu’il faut trois hommes pour la ceinturer de leurs bras.
Elle toucha la manche de son mari et lui dit, essayant de le tutoyer, qu’elle pouvait le remettre en bon chemin. Il fit oui, de la tête, mais arrêta le cheval. Dès qu’on eut mis pied à terre, il alla l’attacher à un bouleau. Il lui a pris quelque vision d’enfouir ici l’argent, pensait Anne-Marie. Elle frissonnait, déroutée, serrant les épaules sous la cape.
[…]
Il se jeta sur elle, déchirant, arrachant sa robe. Elle s’était écroulée, sans une goutte de sang dans les veines, et n’eut qu’un murmure, pour demander qu’on la tuât, alors oh
! elle aimait autant cela.
Il essuya le sang qui avait sauté sur ses mains, parut balancer, et brusquement ficha le coutelas dans l’arbre, au-dessus de la malheureuse, avec tant de violence que la lame entrant de deux travers de doigt resta à trembler comme un jonc dans l’eau.
[…]



Henri POURRAT, Gaspard des Montagnes, 2e partie, « L’Auberge de la Belle Bergère », 2e veillée, 4e et 5e pauses, © éd. Albin Michel, p. 215217.
(à suivre)


1. Mûrons
: fruit de la ronce, couramment appelé mûre.
2. Fourvoyé
: égaré, perdu, détourné du bon chemin.
3. Chancre du latin
cancer: ulcère. Petit ulcère ayant tendance à ronger les parties environnantes.

Guide de lecture

  1. 1. La description des lieux de « le pays paraissait désert » à « pour la ceinturer de leurs bras » (lignes 1 à 18).

Qui voit le paysage? Comment l’état d’esprit du personnage influence-t-il ce qu’il voit? Citez des exemples.
  1. 2. Quelle est la péripétie centrale dans ce texte?

3. Comment expliquez-vous l’attitude finale de Robert?

De la lecture à l’écriture:
une écriture slogan Pour
Gaspard des Montagnes, écrivez, au choix
  1. 1. Une « quatrième de couverture », en pensant à l’effet à produire sur un acheteur éventuel.

  2. 2. Une « prière d’insérer

  3. 3. Un placard publicitaire dans la presse.

4. Une présentation en deux phrases pour un catalogue analytique, comme celui des éditeurs.

4e épisode. La musique dans les bois

[…]


Henri POURRAT, Gaspard des Montagnes, 2 partie,
« L’Auberge de la Belle Bergère », 2e veillée, 5e pause, © éd. Albin Michel, p. 218219.

(à suivre)

  1. 1. Il s’agit de M. Robert.

  2. 2. Vielle: instrument à cordes, où une manivelle à roue remplace l’archet.

3. Rouilière: blouse des rouliers. Les rouliers, comme Gaspard, étaient des voituriers qui transportaient les marchandises de ville en ville, de province en province, sur un chariot. De nos jours, on utilise le mot routier.
4. Ébourrées: effilochées.
5. Limousine
: manteau à pèlerine, de poil de chèvre, en grosse laine, porté par les bergers. 6. Lors d’un pique-nique des Grange au Ghei de l’Ermite, Anne-Marie, demeurée seule, s’était endormie. Pendant ce temps l’homme de Chenerailles avait pu reprendre son couteau.

Guide de lecture
1. Peur et soulagement

Sur deux colonnes, notez d’une part tous les détails rassurants (mots, expressions, circonstances, phrases), et d’autre part tous les détails terrifiants. Repérez quelles sont leur place et leur alternance.

2. Une atroce découverte
De « 
Il marchait » à… « il reconnut Anne-Marie ».
Anne-Marie est découverte par un personnage qui est moins informé que le lecteur. Comment se marque son étonnement
? sa découverte progressive?

Activités: fiches de lecture
Un roman sentimental: Henri POURRAT, Le Chasseur de la nuit, éd. Albin Michel.
Un récit comique
: Jules Romains, Les Copains.
Les héros de ce récit se retrouvent autour de la mairie d’Ambert, de forme circulaire, pour jeter le trouble dans la ville par de joyeuses mystifications.

Gaspard des Montagnes a été adapté à la télévision par Jean-Pierre Decourt en 1965, avec Bernard Noël et Francine Bergé. Si vous avez l’occasion de le voir, vous pourrez comparer le conte, le roman, et la narration en images.
Il existe actuellement en coffret de 2 dvd.

5e épisode. Quand Gaspard de guerre revint

[…]

Étude publiée dans Espace-Livre 4e, Nathan 



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