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Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : article « poupée »


— Encycl. Mœurs. La poupée est une petite figure de bois, de carton, de porcelaine ou de cire, travaillée avec plus ou moins de goût et d’art. Le mot est ancien, la chose l’est davantage ; les enfants de tous les temps et de tous les pays en ont fait leurs délices, les hommes aussi ; seulement, il les leur faut plus grandes, et les philosophes ont longuement médité sur ce sujet profond. Parlons seulement des petites ; elles ont causé moins de sottises.

La poupée était déjà un des principaux jouets de l’enfance chez les Anciens, ainsi qu'en témoigne le musée Campana, au Louvre, où l'on peut voir des poupées gréco-romaines en terre cuite, quelques-unes articulées avec des fils de fer. Les poupées, malgré leurs formes grotesques, n’en sont pas moins dignes d’attention au double point de vue de l’histoire et de l’art. Au rapport de Perse, ce genre de bimbeloterie était très usité chez les Romains, et les jeunes filles nubiles allaient suspendre leurs poupées ou autres amusements de leur enfance aux autels du Vénus,

Veneri donatae a virgine pupae ;

témoignant par là, dit cet auteur, qu'elles étaient dans un âge et dans des dispositions à se livrer aux occupations sérieuses du mariage. (Honni soit qui mal y pense !). On sait aussi que les Romains ensevelissaient les enfants morts avec leurs jouets, coutume dans laquelle ils furent imités par les premiers chrétiens ; ce qui fait qu’on a souvent trouvé dans les tombeaux des martyrs, aux environs de Rome, de petites figures, des grelots et autres joujoux, avec des ossements d'enfants, baptisés… ou du moins supposés tels.

« Il y a des savants qui vous diront, dit Charles Nodier, que les poupées furent inventées à l'occasion de Poppée, femme de Néron, qui avait la détestable habitude de se farder, et ce n'était pas là, malheureusement, le plus grand de ses défauts.

» Mais Marcus Terentius Varron, dont je suis enchanté de leur faire faire la connaissance, et qui écrivait cent ans avant la naissance de Poppée, prend la peine de parler des
poupées comme d'une chose qui était loin d’être nouvelle, et il les appelle pupae, ce qui est, en bonne prononciation latine, un véritable homonyme.

» D'autres savants qui avaient lu Varron, et qui étaient par conséquent plus savants que les premiers, prétendent au contraire que Poppée avait pris son nom des poupées, dont la mode courait de son temps ; mais Tacite n'a pas dédaigné de leur apprendre, au livre XIII des Annales, que Poppée s’était nommée Poppée en mémoire de son aïeul Poppæus Sabinus, personnage consulaire illustré par les honneurs du triomphe. Or, il est assez difficile de trouver le moindre rapport entre une poupée quelconque et un personnage consulaire.

» Les régies de la traduction étymologique ne permettent pas, d’ailleurs, que pupa vienne de Poppæa, ni Poppæa de pupa, ce qui n’empêchera nullement ces absurdes sottises d’avoir force d'étymologie dans les livres approuvés par l'Université. »

Les Romains donnaient aux petites filles le nom de pupa, pupula, pupilla (d'où le mot français pupille, dans ses deux acceptions : pupille de l'œil et fille mineure). Martial nous l'apprend dans ce vers satirique :

Pupam se dicit Gallia, cum sit anus,

qu’un terme familier, très voisin du mot latin et qui a chez nous le même sens, permet de traduire ainsi :

La vieille Gallia se croit une pouponne.

Voilà certainement l’étymologie du mot poupée. Les petites filles romaines elles-mêmes en ont tout l'honneur.

Les petites filles de France, et celles de Paris en particulier, ne le cèdent point à celles de Rome pour le goût qu'elles mettent dans l'habillement de leurs poupées.

« L'usage des
poupées, disait au siècle dernier le chevalier de Jaucourt, est si bien notre triomphe, qu’il est douteux que les Romains eussent de plus belles poupées que celles dont nos bimbelotiers trafiquent. Ce sont des figures d’enfants si proprement habillées et coiffées, qu’on les envoie dans les pays étrangers pour y répandre nos modes. »

Notre réputation à cet égard n’a point baissé. Nuremberg sait merveilleusement fabriquer le corps de la
poupée ainsi que tous les pantins qui ont rendu ses fabriques célèbres ; il saurait, au besoin, articuler comme nous les jambes et les bras de la poupée, faire remuer les yeux dans leur orbite, tourner la tête et remuer les mâchoires. Il peut, comme nous, inscrire sur les pancartes de ses boutiques :

Pour six francs je remue les yeux et je tourne la tête.
Pour dix francs je dis : PAPA et MAMAN.


Mais les petites filles d'au-delà du Rhin ou de la Manche ne sauraient jamais comme les nôtres donner à la poupée ce qui fait sa vie, sa nationalité, son éducation, son caractère : le costume.

À l’habillement de la
poupée nous avons consacré des journaux illustrés de mille gravures ; pour l'éducation de la poupée, nous avons fait des livres. Hetzel a écrit l’Histoire d’une poupée.

Victor Hugo, dans les
Misérables, a consacré une page charmante à ce jouet favori des jeunes filles :

« La
poupée, dit-il, est un des plus impérieux et en même temps un des plus charmants instincts de l'enfance féminine. Soigner, vêtir, parer, habiller, déshabiller, rhabiller, enseigner, un peu gronder, bercer, dorloter, endormir, se figurer que quelque chose est quelqu'un, tout l’avenir de la femme est là. Tout en rêvant et tout en jasant, tout en faisant de petits trousseaux et de petites layettes, tout en cousant de petites robes, de petits corsages et de petites brassières, l'enfant devient jeune fille, la jeune fille devient grande fille, la grande fille devient femme. Le premier enfant continue la dernière poupée. Une petite fille sans poupée est à peu près aussi malheureuse et tout à fait aussi impossible qu'une femme sans enfants. »

Il faut lire également l'histoire d’une
poupée dans les Mémoires d’une enfant de Mme Michelet.

« La
poupée est évidemment contemporaine du premier berceau où a vagi une petite fille.

» La
poupée ne se comprend pas sans la petite fille, mais la petite fille ne se comprend pas sans la poupée.

« C'est un instinct naturel chez la femme de prévoir, dès l'âge le plus tendre, l’âge où elle sera mère elle devine l'enfant, et elle invente la
poupée. La poupée est le symbole d'une cause finale.

» À cette époque heureuse de la vie, la
poupée vit, elle pense, elle raisonne. Le monologue est insipide, surtout pour les femmes qui n’aiment pas à être interrompues, mais qui aiment à être écoutées. Le dialogue leur convient à merveille, au contraire, surtout quand elles parlent pour deux. Le dialogue, c'est une scène ; il n'y a point de scène qui ne suppose une fable ou une action. La comédie n'est pas loin.

* Arrive un artiste ingénieux (c'est un père) qui articule la poupée, qui la suspend à un fil, à autant de fils qu’elle a d'articulations mobiles, qui la fait tourner sur un pivot, qui la fait courir sur des coulisses, qui lui prête une voix, un langage, des passions. La petite fille est toujours actrice, mais elle n'est plus autour. Le grand homme dont je viens de parler est, sans qu’il s’en doute, une espèce de Christophe Colomb dans les espaces de l’intelligence ; il a presque découvert l’automate et il a créé le drame, car il a créé les marionnettes. »

L'écrivain ami des pantins et des poupées qui s'exprime ainsi est un certain docteur Néophobus qui signait quelquefois Charles Nodier.

Un écrivain non moins ami des pantins et de leur douce philosophie et qui a beaucoup emprunté à l’esprit du docteur Néophobus tout en le contredisant, Charles Magnin, introduit ici une distinction nécessaire.
M. Magnin n’admet pas que la
poupée soit l’origine et encore moins le type primordial de la marionnette.

« La
poupée faite d’abord d’étoffe n'éveille, dit-il, en nous qu’une seule idée, celle de la configuration humaine ; elle est molle et non pas mobile… La poupée ajoute-t-il, n'est pas même, à mon avis, le premier ni le plus simple produit de l’instinct plastique. Le bâton sur lequel chevauche le frère de la petite fille est une expression de cet instinct, moins gracieuse assurément, mais plus élémentaire et plus directe. Ce que nous montre d’abord la plastique naissante, c’est le morceau d’argile encore informe ou le tronc d'arbre à peine dégrossi que le père de ces enfants a choisi pour idole. Ce fétiche, d'abord pur symbole, sera façonné peu à peu et deviendra une sorte de statue massive. Puis cette idole sera colorée, habillée, couverte de fleurs et de bijoux. »

On a ainsi la poupée hiératique, l'idole qui, en effet, répondant immédiatement aux premiers développements de l’intelligence, ne peut être considérée comme dérivant de quelque autre création que ce soit.

Cette
poupée hiératique se retrouve, comme la petite poupée enfantine, dans tous les pays, chez tous les peuples. Si vous êtes curieux de connaître son histoire, lisez celle des superstitions humaines et de tous ces simulacres que les théologiens de toutes les époques ont proposés à notre adoration comme des dieux.

Le sujet que nous traitons ici est trop simple et vrai, quoique non sans malice, pour que nous l'altérions par l’alliage des descriptions pompeuses de ces grandes
poupées et de leurs mystères ou de leurs fêtes, d'autant que, pour agir sur l’imagination des hommes, leurs fabricateurs leur ont presque toujours donné une mobilité qui les range dans la catégorie des marionnettes et quà l’article MARIONNETTES on a pu trouver plusieurs détails intéressants sur ces monuments de la folie humaine.


Revenons à la signification bien plus sincère de nos petites poupées et à l'interprétation que donne du drame de la poupée cet excellent docteur Néophobus :

« Le drame de la
poupée est incomparablement, dit le bon docteur, le plus simple de tous les drames possibles, et je ne veux pas d’autre preuve de sa supériorité essentielle sur le drame classique.

» Il se joue entre deux personnages dont l’un est nécessairement passif et dont l’autre, qui est, comme vous savez, une petite fille, remplit un office très compliqué.

» Celle-ci est auteur,
» Elle est acteur à deux voix,
» Elle est spectateur et juge.

» Le drame de la
poupée est la seule comédie composée par un des personnages de l’action où le poète ait sacrifié son rôle naturel à celui de son interlocuteur.

» La poupée est négligente, insubordonnée, opiniâtre, bavarde ; c'est la petite fille.

» La petite fille est grave, austère, absolue, quelquefois inexorable, c’est l'Arme du poème ; c’est d'elle que relève la moralité de la pièce.

» La petite fille a compris la première des vérités morales, c'est que la subordination est la partie la plus essentielle de l'œuvre de la vie.

» Elle a compris la première des vérités littéraires, c’est que la moralité est la partie la plus essentielle des compositions de l’esprit.

» Enfant, elle se livre aux défauts de sa
poupée. Auteur dramatique, elle s’exerce à l'autorité de sa mère. La récréation finie, la mère viendra et l’auteur dramatique ne sera plus qu'un enfant. »


Un journal du Bengale nous apprenait en 1873 que les rues de Dacca venaient d’être animées par la procession d'un mariage comme il y en a souvent aux Indes, la procession de mariage d’une poupée. Dans les intérieurs indiens, les poupées jouent un rôle important. Les poupées indiennes ne sont pas remarquables par leur beauté ou leur ressemblance avec les modèles humains, mais pour les vêtir et les loger on n’épargne aucune dépense. Elles ont une chambre pour elles seules et on leur accorde autant d’attention que partout ailleurs aux enfants et aux bébés. On donne des fêtes en leur honneur. La mort d’une poupée fait prendre le deuil ; son mariage est un événement public. Dans la procession qui nous occupe, deux poupées, appartenant aux filles des plus riches Indous de Dacca, furent conduites à la tête d’une procession solennelle, à la grande joie des assistants indigènes. Après la cérémonie des noces, les parents des demoiselles qui avaient ainsi disposé de leurs poupées dépensèrent quelques milliers de roupies pour fêter tous leurs amis, leurs parents, les gens de leur maison et un grand nombre des voisins pauvres.


— Industr. La fabrication de la poupée française, ou plutôt l’industrie des poupées de luxe, remonte à l’année 1862 environ. Antérieurement il se faisait, certes, des poupées d'un prix élevé, mais c’était l'exception ; et encore ces poupées étaient-elles toujours bâties en dehors de toute proportion académique, roides, tout d'une pièce, la face commune, les membres patauds, etc. En un mot, c'était la poupée allemande, qui a traversé les siècles, immuable, sans que le progrès l'ait atteinte dans ses procédés de fabrication ; seulement, à Paris, on l'habillait à la française. Toutes les têtes de poupées en pâte de carton plus ou moins commune étaient de provenance allemande.

Vers
1862, il vint à l'idée d'un fabricant de poupées, M. Jumeau, d'affranchir son industrie du tribut qu'elle payait à l’Allemagne et en même temps de créer une poupée qui fût réellement française. Il avait remarqué que l'habillement n'était vraiment gracieux qu’à la condition d'être ajusté sur des formes gracieuses et que le tout n’avait de véritable valeur que si un visage avenant éclairait l’œuvre en la complétant. La science et l'art, mis à contribution, firent aussitôt sortir la fabrication des poupées de l'ornière où elle se traînait depuis tant d’années : la poupée française était créée.

M. Jumeau modela un type de tête et le fit exécuter en biscuit par un porcelainier, puis il le fit colorier par un peintre habile. Ce type heureux, aux joues un peu bouffies, à la carnation fraîche, aux yeux vivants, est celui qui, depuis, a été adopté par tous les autres fabricants, même par les fabricants allemands. Mais ceux-ci ne le réussissent pas et ils sont réduits à se fournir à Paris de têtes pour leurs
poupées de valeur.

Dans les premiers modèles, la tête et le buste (on entend par buste la partie du thorax et du dos mise à nu, la partie supérieure du torse) étaient d’une seule et même pièce. Un jour, le fils aîné de l’inventeur imagina un ressort qui permit de donner à la tête, que dès lors on sépara du buste, une ingénieuse articulation : la tête put obéir à tous les mouvements naturels, se dresser, se pencher, s'incliner dans tous les sens. Les yeux en émail furent faits sur le modèle des yeux artificiels humains, avec l'iris qui leur donne l'éclat et la vivacité de la vie. Aux bras en peau rembourrée on fit succéder, dans certains modèles, des bras en bois articulés ; enfin, prenant modèle sur les maquettes dont se servent les peintres, on fit des
poupées entièrement en bois, admirablement articulées et pouvant prendre toutes les positions usuelles de la nature humaine. Les poupées en peau ont également des articulations ; nous en parlerons plus loin.

Les poupées françaises sont de quatorze grandeurs différentes, toutes bien proportionnées selon leur taille. Le n° l a de 0,15 m à 0,18 m de hauteur ; le n° 2, de 0,25 m à 0,28 m, et ainsi de suite. Au-dessous du n° 1, il y a deux grandeurs moindres. Les plus grandes poupées ne dépassent guère 1 mètre. Les deux tailles les plus usuelles sont les n° 2 et 4 ; on en fabrique autant que de toutes les autres tailles ensemble.

Cette industrie a pris des proportions considérables, et son créateur, qui, il y a douze ans, en fabriquait pour 50 000 francs, a vu son chiffre d’affaires s'élever rapidement jusqu'à l million. La plus importante maison après celle-ci est celle de M. Bru, qui atteint le chiffre de 200 000 francs. M. Bru a apporté à la
poupée en bois un perfectionnement : l'adjonction d'un organe qui permet au torse de se ployer en avant, de s’infléchir de côté et d’opérer un quart de conversion.

Faisons l’autopsie d’une
poupée à corps de peau : la tête, en porcelaine, est creuse, ouverte au sommet pour recevoir un liège sur lequel se fixe la chevelure ; trouée à l’endroit des yeux, où l'on fait adhérer par l'intérieur avec de la cire les globes d'émail bleu ou noir qu'ensuite on recouvre d'une couche de plâtre pour les fixer ; elle est aussi ouverte à la base du cou, où se place le petit appareil dont nous avons parlé, appareil qui la relie au buste et qui permet à la tête d’évoluer dans tous les sens. La chevelure est en poil de chèvre teint, appelé thibet. Le torse est en peau blanche (la peau rose n'est employée que pour les articles communs), doublée intérieurement de toile remplie de sciure de bois, de sorte que la partie inférieure du buste en porcelaine se trouve engagée entre la toile à l'intérieur et la peau à l'extérieur. On se sert de sciure de bois tamisée et desséchée et non de son, parce que le son glisse sur lui-même et s'entasse continuellement vers les extrémités, laissant des vides dans les parties supérieures, inconvénient qui n’a pas lieu avec la sciure à cause de sa structure hérissée. Toutes les peaux, pour le corps, les membres, les mains, les pieds, quels que soient les modèles, sont découpées à l’emporte-pièce, ce qui assure la régularité des formes. Au corps sont rattachés les bras et les jambes, dont les jointures, à l'épaule et au coude, au fémur et au genou, sont traversées par un fil de fer recuit qui permet de ployer ces organes et de leur conserver les positions voulues. Ce sont des hommes qui fixent toutes les parties mécaniques des poupées, et des femmes qui exécutent tous les autres détails.

L'invention de la poupée française a donné naissance à une foule d’autres industries. Sans compter la fabrique de têtes en porcelaine établie à Montreuil et qui fournit seule le monde entier, il s'est formé successivement des fabriques de souliers et de bottines, des ateliers de chapellerie, de bijouterie, de lingerie et de tous les accessoires de la toilette féminine. La couturière en robes s’est surtout développée : les ouvrières, dans cette partie, sont d’une adresse et d'une habileté remarquables.

De ces faits il est résulté que les artistes peintres aujourd’hui dédaignent l’ancienne maquette et se servent de poupées modèles. Les modistes et les couturières, à l'étranger principalement, ont dans leurs salons de nos jolies poupées françaises, vêtues à la dernière ou à la prochaine mode, pour 80 francs, tandis qu’un modèle de confection grandeur nature leur coûterait de 800 à 1 500 francs.

L'exportation des
poupées françaises est considérable et s'étend jusque dans les pays les moins civilisés. L’Amérique du Sud aime les poupées en toilettes prétentieuses de marquise ancien régime. L'Amérique du Nord, l’Angleterre, la Russie et tout l'Orient ne demandent que des poupées vêtues à la dernière mode de Paris.

De temps en temps, un pacha, un roi ou un empereur commande une grande
poupée de 1 mètre, avec un trousseau complet de vêtements : c'est pour amuser les dames de son sérail.

La poupée anglaise, faite sur le modèle de la poupée française, a la tête et le buste d’une seule pièce : on la reconnaît tout de suite à sa physionomie fade.

Il n'y a pas longtemps encore, la ville de Nuremberg, en Allemagne, passait pour avoir le premier rang dans la fabrication des poupées ; mais nous avons aujourd’hui, en France, des fabriques et des magasins de bimbeloterie qui ne laissent absolument rien à désirer en ce genre. Quand bien même nos voisins d'outre-Rhin n'en voudraient point convenir, il est hors de doute que nos produits, poupées, poupons et bébés, sont supérieurs aux leurs. Ceci est incontestable et nous n’en tirons aucune vanité.

D'une part, la Française excelle dans l’art d’ajuster sa
poupée et elle s’en sert souvent pour faire parvenir à l’étranger le goût de nos modes élégantes ou ridicules. Il y a à Paris plusieurs magasins de confection pour poupées, voire des couturières spéciales ; car la poupée. elle aussi, est devenue un objet de luxe. Qu'est devenue celle de nos grand’mères, la poupée d’un écu ? Aujourd’hui on en vend qui ne coûtent pas moins de 2 000 francs ! il est vrai qu'elles savent dire papa et maman, quelquefois davantage.

Un mot pour finir. Il y avait naguère au Café des aveugles, au Palais-Royal, un homme connu sous le nom de l’Homme à la poupée. Il était ventriloque, et le public un peu crédule croyait naïvement que c'était la poupée qui lui tenait tant de beaux discours et lui narrait tant de lamentables récits.

  • • Anecdotes. Le feu prit un jour à l’habitation de Mme d’Aubigné, mère de Mme de Maintenon, lorsque celle-ci n'était encore qu’une petite fille. La mère, voyant son enfant pleurer a chaudes larmes, lui fit une vive réprimande. « Faut-il, lui dit-elle, que je vous voie pleurer pour la perte d'une maison !

  • — C’est bien une maison que je pleure ! lui répondit-elle ; c'est ma poupée. »

*

* *

On demandait à une petite fille de six ans qui elle aimait le mieux de son chat ou de sa poupée. Elle se fit longtemps prier pour répondre ; puis elle dit à l’oreille de quelqu’un : « J’aime mieux mon chat, mais n'en dites rien à ma poupée. »

Une petite fille à laquelle on s'était vu obligé de couper la jambe avait subi toute l'opération sans proférer une seule plainte, en serrant sa poupée dans ses bras. « Je m'en vais, à présent, couper la jambe à votre poupée », lui dit le chirurgien en riant, quand il eut achevé l’amputation. La pauvre enfant, qui avait tant souffert sans dire mot, à ce propos cruel fondit en larmes.

Poupée de Nuremberg (LA.), Opéra-Comique en un acte, paroles de MM. de Leuven et Arthur de Beuuplan, musique d’Adolphe Adam, représenté à l'Opéra-National en février 1852. C'est une folie de carnaval. Cornélius est un fabricant de jouets d'enfants. Il a construit une poupée dont le mécanisme est si parfait, qu'il s'imagine avoir créé une vraie femme, que quelques paroles magiques suffiront à animer. Il la donne d’avance en mariage à son fils Donathan. Pendant son absence, deux amoureux s’introduisent chez lui. C'est son neveu Miller et une fleuriste nommée Bertha. Celle-ci s'affuble des vêlements de la poupée, Miller contrefait le diable, et le pauvre Cornelius, berné, battu, humilié, restitue à son neveu le patrimoine dont il l’avait dépouillé, après avoir mis en pièces la fiancée de son fils Donathan. La musique est accorte et troussée avec esprit. Le compositeur était malade et gardait le lit lorsqu'il écrivit cette bouffonnerie. Elle ne lui coûta que six jours de travail. L'ouverture se compose d'un andante élégant et d'une valse dont le motif est répété en duo dans la pièce et a obtenu du succès. La scène de L’évocation, un trio pour voix d’hommes et un joli solo de violon sont les morceaux les mieux traités de cette partition. Ce genre de pièce convenait parfaitement au talent ingénieux et peu élevé d’Adolphe Adam. La Poupée de Nuremberg a eu pour interprètes Meillet, Grignon père, Menjaud fils et Mlle Rouvroy.


POUPARD, ARDE adj. (pou-par, ar-de). Les uns font venir ce mot du latin pupus, petit garçon, les autres de pulpe qui s'est dit poulpe et se dit encore poupe dans quelques patois. Il est bien évident, en tout cas, que les mots poupard, poupée, poupin, poupon ont la même origine ; et comme, d’autre part, le rapprochement de poupe, mamelle, est des plus naturels, nous inclinons à croire que cette origine commune se trouve dans le radical qui a donné pulpe). Se dit d'un petit enfant gras et joufflu, et aussi d'une personne plus âgée, grasse et joufflue comme un enfant : Une petite fille pouparde. Un gros jeune homme imberbe et poupard.

  • • s. m. Enfant au maillot, gras et joufflu : Un gros poupard. Son poupard est déjà aussi laid et aussi camus que lui. (G. Sand.) La cuisine céleste est donc bien substantielle, que tous les peintres religieux nous représentent les anges comme de gros poupards ? (Aug. Humbert.)

  • • Poupée représentant un petit enfant joufflu.

  • • Argot. Vol préparé de longue main : Un petit poupard que nous nourrissions depuis deux mois. (E. Sue.)