Rome

Poupées romaines


À Rome, les poupées en os découvertes dans les catacombes du IVsiècle sont nues; le modelé suggère la poitrine, et les incisions indiquent le sexe.

À l'extrémité de la jambe est modelée une chaussure, qui finit élégamment la poupée.

Dans ces catacombes ont également été découvertes des poupées en ébène du II
siècle, et des poupées en ivoire des 2e et IIIsiècles.

Toutes ces poupées disposaient d'accessoires. Outre les vêtements et les bijoux, découverts directement sur la poupée, les fouilles menées en Grèce, en Italie ou en Gaule romaine ont mis au jour des dînettes et du mobilier en terre cuite, fabriqués par les coroplastes.

Petits plats, vases, paniers, cuisinière remplie de vaisselle, petit four, tables, chaises, lits avec coussins, berceaux… sont autant d'éléments énumérés par Anita Klein dans son ouvrage
Child Life in Greek Art
(Columbia University Press, 1932).



La jeune fille, la mort et la poupée

La plus belle poupée du monde a été découverte le 1er mai 1889 à Rome, dans le quartier des Prati, par des archéologues.
Ils découvrirent le sarcophage de Creperia Tryphaena, une jeune Romaine qui avait vécu au IIe siècle après J.C., morte à l’âge de quatorze ans.

À côté des bijoux précieux avec lesquels elle avait été enterrée, on découvrit une poupée avec son trousseau composé de trois petites bagues en or, de deux perles percées, de boucles d’oreilles, de deux petits miroirs d’argent, de deux peignes en os, et d’une petite boîte à bijoux en os et ivoire dont la clef était ajustée sur une bague que la poupée portait encore au pouce de la main gauche le jour de sa découverte…
D’une hauteur de 23 cm, exécutée en ivoire, la poupée comporte une articulation complexe des membres (épaules, coudes, hanches, genoux), grâce à des pivots, alors que la tête et le buste sont sculptés en un seul bloc.
Sa chevelure est tressée en une coiffure compliquée, à la mode sous le règne d’Antonin le Pieux, inspirée des impératrices Faustina et Faustina la jeune, ce qui permet de la dater autour des années 150-160 après J.C.

Plus encore que la virtuosité de la technique, c’est la pleine maturité d’expression artistique, cette tristesse profonde, cette nostalgie accumulée dans la douceur des traits de son visage qui font de la poupée de Triphaena un véritable chef-d’œuvre.
La poupée dévoile tout un univers de tendresse et d’amour dans les relations parents enfants au sein de la famille romaine, peu avant le déclin de l’Empire.








Le corps de la poupée a été beaucoup discuté, avec un accent sur les caractéristiques anatomiques telles que les hanches et les seins qui ont été interprétées comme impliquant que la poupée a été conçue pour préparer une fille romaine à son rôle d'épouse et de mère.



Le fait que la poupée puisse être ornée ou décorée est également suggéré par le fait qu'elle porte à la main gauche une bague en or tordu, avec d'autres objets funéraires suggérant un embellissement ou un habillage supplémentaire.

Pour une étude fascinante de celle-ci et d'autres poupées anciennes, voir: Fanny Dolansky. "Jouer avec le genre : les filles, les poupées et les idéaux des adultes dans le monde romain." Antiquité classique, vol. 31, non. 2, 2012, pp. 256-292.
https://www.jstor.org/stable/10.1525/ca.2012.31.2.256?seq=1

Plutarque et Timoxène


Lors de la perte de sa petite fille de deux ans, Plutarque exprime sa douleur en contemplant ses poupées, en se rappelant les jeux de sa fille avec elles et les soins qu’elle leur prodiguait.

PLUTARQUE A SA FEMME, SALUT.
Le courrier que tu m'as expédié pour m'apprendre la mort de notre chère fille, s'est, à ce que je vois, trompé de route en se rendant à Athènes. C'est à Tanagre, où j'étais allé, que par ma nièce j'ai su cette nouvelle. Je suppose donc que ce qui regarde la sépulture est maintenant accompli. Puissent tous ces détails l'avoir été de façon à te laisser, pour le présent et pour l'avenir, le moins possible de regrets
! Peut-être te reste-t-il encore à cet égard d'autres intentions, pour lesquelles tu attends mon avis, et dont il te semble que l'accomplissement doive soulager ta douleur. En cela, comme dans le reste, tu te défendras de toute recherche exagérée, de toute superstition. Personne n'en est plus éloigné que toi.

Seulement, ma chère femme, conserve-toi, par amour de ton mari et de toi-même, dans l'état de calme qui nous convient en présence d'un tel malheur. Pour ma part, je sais et je mesure toute l'étendue de notre perte. Mais si je te trouve livrée à un trop grand désespoir, j'en serai plus peiné encore que du coup même qui nous a frappés. Non que je sois de chêne ou de pierre: tu le sais bien, toi qui m'as assisté dans les soins prodigués à notre famille, toi avec qui j'ai élevé un si grand nombre de nos enfants, avec qui nous les avons tous nourris nous-mêmes à la maison. Tu sais aussi combien cette fille, ardemment désirée par toi, que tu avais mise au monde après avoir eu quatre fils, et qui m'avait fourni l'occasion de lui donner ton nom, combien cette fille était tendrement chérie de moi. Un chagrin plus vif encore s'ajoute chez moi à l'amour que ressent un père pour des enfants de cet âge: c'est le souvenir de l'amabilité de cette petite fille, et de sa candeur naïve, qui ne savait ni s'irriter ni se plaindre. Elle était naturellement douée d'une égalité d'âme et d'une douceur merveilleuses; et le retour dont elle payait notre tendresse nous faisait à la fois chérir et apprécier la bonté de son cœur. Ce n'était pas seulement aux autres enfants, mais encore à ses joujoux favoris, à ses poupées, qu'elle voulait que sa nourrice donnât à téter. À ce sein, qui était comme sa table particulière, son humanité conviait tous ceux qui la rendaient heureuse: elle aimait à partager avec eux ce qu'elle avait de plus beau.