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Symbolisme de la crèche


Les rites de préparation

La crèche est préparée chaque année, et elle est complétée le 24 décembre à minuit avec l’apparition de l’Enfant.

Sa durée est variable, parfois elle est démontée le jour de l’Épiphanie, le plus souvent à la
Chandeleur, fête à la fois des relevailles de Marie (Purification de la Vierge) et de la Présentation de Jésus au temple, et considérée comme la fin de l’hiver.

Le rituel de la crèche prévoit
un temps d’attente, celui de la construction, un temps de jouissance, et un temps de démontage où l’on prend soin des santons jusqu’à l’année suivante.

La préparation et l’attente constituent une dimension essentielle du temps de la crèche, qui correspond à l’Avent de la liturgie.

La
couronne de l’Avent avec ses quatre bougies marque aussi une participation au temps sacré. Les quatre bougies, on l’ignore parfois, correspondent à Isaïe, Jean-Baptiste, Joseph et Marie.



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Les statuettes et le décor

Il est rare que l’on achète une crèche complète avec de nombreux santons. On achète d’abord une « Sainte Famille » : le noyau central constitué de l’Enfant, de Marie et Joseph. Puis, d’année en année on ajoute différents santons, dont la liste est interminable.

Les vêtements traditionnels de Marie et Joseph ont été imaginés selon ce que l’on imaginait de leur période historique. Ils donnent aux santons une apparence intemporelle, qui les rend contemporains de chaque époque.

Inversement les crèches napolitaines du XVIIIe siècle les parent de somptueux vêtements de cour.

Les autres personnages portent des vêtements populaires des XVIIIe et XIXe siècles, donc de l’époque de la diffusion des crèches : le spectateur voyait des personnages vêtus comme lui. La crèche classique expose donc des populations urbaines et rurales en vêtements traditionnels (santons de Provence), au point qu’elle devient une sorte de musée en miniature de la culture rurale.

Que les statuettes perpétuent le style des santons traditionnels ou qu’elles reflètent les mœurs de l’époque, la logique veut que l’on puisse s’identifier à elles.


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Marie est vêtue d’un voile bleu, signe de virginité. C’est la couleur mariale par excellence. C’est la couleur du ciel et de la transcendance. Sur les icônes byzantines, la gamme des couleurs est très riche, en particulier les bleus et les rouges. Pour des raisons techniques la crèche l’est moins, mais les couleurs n’en gardent pas moins leur valeur symbolique.


Quand Marie est représentée comme
théotokos (mère de Dieu), la couleur de son voile est pourpre, pour rappeler le buisson-ardent du Sinaï, qui brûle mais ne consume pas. Dans les crèches traditionnelles, le voile est blanc ou bleu, bordé parfois d'un fin liseré d’or. L’or est le privilège des saints dans la crèche : Marie, Joseph et les rois mages seuls portent des vêtements bordés d’or.


Joseph est souvent représenté comme un vieil homme. Son aspect est tiré pour l’essentiel des évangiles apocryphes. Selon le Proto-évangile de Jacques (IX, 2) Joseph, choisi pour époux de Marie, répond à la colombe perchée sur son bâton en tentant de se dérober : « J’ai déjà des fils et je suis vieux, alors que c’est une jeune fille ! »

Son attitude la plus courante exprime la protection.

Sa tunique est mauve clair, couleur dérivée de la pourpre royale, car saint Joseph descend de la maison royale de David. Cette couleur est vivement symbolique (Luc, 2-4)





C’est Fra Angelico qui représente pour la première fois le couple à genoux.

La Vierge ayant été conçue sans le poids du péché originel (« immaculée conception »), elle n’a pas accouché dans la douleur. C’est la raison pour laquelle le Concile de Trente (1545-1563) a interdit les représentations de la Nativité à l’orientale, avec Marie étendue dans un lit. Toutes les représentations occidentales de la Vierge couchée sont donc antérieures.

Cette interdiction est restée lettre morte pour les Chrétien orientaux, même ceux qui étaient unis à Rome (et dits « uniates) ».

Les icônes orthodoxes représentent Marie allongée sur une couche. Très proches de la réalité, elles montrent une servante qui baigne l’enfant.

À part le bain de l'enfant, détail très humain sur l'accouchement, et l'affairement inévitable autour d'un nouveau-né, l'iconographe est très fidèle à l'esprit de l'Évangile.










Si nous relisons les deux récits de la Nativité, celui de Matthieu et celui de Luc, nous retrouvons des éléments pleins d’humanité sur la naissance de l’enfant.

Par exemple (Matthieu 1, 18-25).

Tout d'abord le doute de Joseph sur la virginité de Marie et l'origine divine de Jésus.
Joseph est représenté assis accablé, la tête dans les mains, il est tenté par le démon du doute, sous l'aspect d'un vieux berger. (Saint Joseph ne sera pas le seul dans l'histoire de l’Humanité à douter de ce mystère, trop grand pour l'entendement humain.)

Un ange révèle à Joseph la vérité sur les natures humaine et divine réunies en Jésus. Matthieu passe très rapidement sur la naissance même à Bethléem et relate en détail la visite des mages (Matthieu 2, 1-12).

Ci-contre : représentation de Joseph en proie au doute, terre cuite, Toscane, XVe siècle.
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L’Enfant

Il peut être représenté avec deux doigts de la main levés pour montrer qu’il est le deuxième personnage de la sainte Trinité, ou alors il lève la main pour bénir. Le plus souvent, il ouvre largement les bras dans un geste d’accueil.

Né à Bethléem (le mot signifie « maison du pain »), il est placé dans une étable ou sur les genoux de sa mère. Ses langes l’enveloppent pour préfigurer les
bandelettes des morts : l’usage des langes pour les bébés ne fut introduit que bien plus tard.

Dans les ventes d’objets anciens, on trouve plus rarement des figurines représentant Jésus que les autres. Peut-être parce qu’elles sont plus fragiles ? Peut-être que lorsqu’une famille vend sa crèche pour une raison ou pour une autre, elle garde quand même l’enfant, comme signe de l’intégrité de la famille ?

L’enfant est toujours représenté avec des cheveux d’or : symbole de lumière solaire, de divinité.


Jésus n’est pas blond parce qu’il est Européen, il est blond parce qu’il est Dieu.


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L’âne et le bœuf

D’après les Pères de l’Église — Origène, Ambroise — et à la suite d’Isaïe, l’âne représente les Gentils pliant sous le poids des idoles, et le bœuf les Juifs, car, comme ces derniers, il porte le joug de la Loi.

La tradition franciscaine insiste sur
l’extrême pauvreté de Joseph et Marie, sur la naissance de Jésus dans le froid et les privations. Dans les évangiles apocryphes (Évangile du Pseudo-Matthieu) les animaux réchauffent l’enfant nouveau-né de leur souffle.


Les anges

Ils sont nombreux dans les crèches : ils rayonnent et ils chantent.
L’archange Gabriel de l’Annonciation, celui qui donne la bonne nouvelle aux bergers, qui avertit les Mages de ne pas retourner chez Hérode et ordonne à Joseph de fuir en Egypte (Matthieu 2, 19-20) , très repérable car il a le bras levé et l’index tendu, les anges qui accompagnent la fuite en Égypte…
Les anges appellent les bergers, déploient leurs ailes, jouent de tous les instruments, portent la lumière.
L’annonce de l’ange Gabriel aux bergers est tirée de l’évangile de saint Luc. (2, 8-14)

L’étoile

Elle est au centre de l’espace et du temps. Elle guide les Mages vers la grotte ou l’étable. Elle porte six branches (nombre christologique) ou parfois huit. Dans ce dernier cas, elle rappelle le huitième jour de la Création, après la résurrection du Christ.

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La grotte ou l’étable


Selon certains apocryphes, Marie accouche dans la grotte, ventre maternel qui s’ouvre, et y demeure trois jours. Ensuite elle porte Jésus dans l’étable, où ils demeurent également trois jours. Dans les crèches populaires, on dispose un bâti de bois représentant une étable sur un fond de papier rocher froissé : c’est la synthèse…




Les Mages


Selon l’évangile arménien (apocryphe) ch V et X, Melkon (Melchior) dont le nom signifie « roi de la lumière » est roi des Perses ; Gaspard, « celui qui a conquis la splendeur », est le roi des Indiens ; Balthazar, le « protégé du Seigneur », est le roi des Arabes.


Ils sont
les descendants des trois fils de Noé : Sem, Cham et Japhet. Ils sont le symbole des trois âges de la vie (Melchior est un vieillard, Gaspard est le plus jeune. Leurs âges : 60 ans, 30 ans, 15 ans), et des trois parties du monde connu à l’époque : Europe, Asie, Afrique.
Ils représentent l’humanité tout entière.


L’évangile arménien (apocryphe) en fait trois frères (ch. V et X).

Ils ont les qualités de
rois et de prêtres et possèdent le don de prophétie.
Le plus âgé, qui apporte l’or, est souvent représenté avec sa couronne posée à terre.


Les mages sont représentés à trois étapes de leur marche : le plus éloigné de l’enfant est encore debout, le deuxième se penche et le troisième est prosterné.


Sur les images les plus anciennes, ils portent des
vêtements orientaux et un bonnet phrygien, signe des prêtres initiés. Leur représentation est fastueuse. Dans une crèche napolitaine exposée dans un musée de Munich, leur cortège occupe une pièce entière.


Ils introduisent dans la crèche le
thème du voyage, métaphore de la vie humaine comme quête. Ils sont devenus les protecteurs des pèlerins.


Selon l’évangile de l’enfance arabo-syriaque (apocryphe), ils repartent avec un lange de Jésus.


Ce sont eux qui, avec leurs offrandes, font entrer dans la crèche
la prophétie de la Passion.
voir
Histoire de la crèche

Quelle est donc cette magie dont ils sont les mages, cet avenir dont ils sont les devins, à quels symboles perdus nous font-ils rêver ?



Les bergers

Jésus est des leurs : il s’est défini comme « bon pasteur » d’après l’évangile de Luc 2, 8-9.

Les bergers portent des gilets de peau de mouton, des chapeaux à larges bords, des sandales lacées sur la jambe. Ils jouent d’instruments de musique traditionnels, flûtes ou cornemuses.

Les bergers symbolisent
l’attente du peuple juif. Activité pastorale à l’aube de l’expérience humaine, ils rappellent Abel. Ils illustrent eux aussi le thème du voyage, comme réponse à un appel.

Dans les évangiles tardifs, ils portent des noms : Jacob, Isaac, Joseph — les trois lignées des fils de Noé. Après avoir vu Jésus, ils s’en retournent et transmettent la Bonne Nouvelle.


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Les autres personnages

(voir la page de la crèche provençale)
Dans les crèches provençales ou napolitaines, tous les métiers apparaissent. Toute l’humanité de tous les temps est représentée. Jésus n’est pas indifférent aux misères quotidiennes. Leur présence est une manière de reproduire tout le monde, sans exclusion, avec le désir de n’oublier aucun type humain, pour que chacun puisse s’identifier à un personnage.

La
variété des personnages et des attitudes place chaque humain devant un choix, lui demande quel rôle il veut jouer : être parmi ceux qui accueillent, ceux qui sont indifférents ou ceux qui refusent. Aucune autre scène ne permet comme celle-ci d’entrer, de se sentir accueilli : et toi, quelle place veux-tu avoir ?


Les animaux

Ils définissent l’identité culturelle de la crèche ; ils font le lien entre l’environnement et le travail.

Le cortège des mages comporte des éléphants, des chameaux. Les agneaux des bergers sont symbole d’innocence et d’humilité. Leur douceur en fait des victimes sacrificielles. Ils sont l’image du Sauveur en Bon Pasteur, l’image de l’Agneau mystique, symbole de la Rédemption et de son prix.



L’eau, le feu, la lumière

Ces éléments sont présents dans la crèche comme signes avant-coureurs de la veillée pascale.

La tradition iconographique montre
un feu de bivouac allumé par les bergers, comme rituel de purification.

L’eau a une signification du même ordre. Fontaine ou petit lac à proximité de l’étable, c’est l’eau lustrale de la veillée pascale, l’eau du baptême. Quand elle fait tourner un petit moulin, elle écrase le blé : c’est le sacrifice eucharistique. Le puits est également présent : Isaac, Jacob, Moïse rencontrent leur épouse au pied d’un puits. C’est le lieu par excellence de la rencontre amoureuse. Jésus rencontre la Samaritaine au puits de Jacob : « Si tu savais le don de Dieu… ».

La lumière de l’étoile est partie intégrante de la scène de la crèche ; on peut même dire qu’elle contribue à la construire.



Le palais d’Hérode et la taverne

Hérode, le traître, figure dévoyée et perverse du pouvoir, met en œuvre le massacre des Innocents le 28 décembre. C’est une figure diabolique. Son palais est le repaire du Mal.

La taverne proche a refusé d’abriter Marie et Joseph. Le tavernier est le prototype des gens égoïstes.

Le mal est présent dans la crèche : s’il n’y était pas présent, la rédemption ne serait pas nécessaire.



La symbolique du don

Les cadeaux de la crèche sont apportés par deux catégories de personnes : les rois Mages et les bergers.

Les premiers apportent des
cadeaux prophétiques.

L’or est le métal parfait. Il a le caractère igné, solaire et royal, voire divin. Il est le reflet de la lumière céleste. En raison de cette identification à la lumière solaire, il est le symbole de Jésus. C’est la raison pour laquelle des artistes chrétiens donnèrent à celui-ci des cheveux blond doré et placèrent une auréole sur sa tête.

L’encens est une racine aromatique de la famille des térébinthes. On l’extrait en Somalie et en Afrique orientale. Autrefois utilisé en médecine, il ne s’emploie plus que dans les cérémonies religieuses. Les arbres qui le produisent ont parfois été pris comme symboles du Christ. L’encens est chargé d’élever la prière vers le ciel, donc c’est un emblème de la fonction sacerdotale. Il associe l’humain et le divin, le fini à l’infini, le mortel à l’immortel.

La myrrhe est aussi une résine aromatique. On l’extrait en Somalie, en Nubie, en Égypte, en Arabie. On l’emploie en médecine et en parfumerie. Dans l’Égypte antique, elle servait à embaumer les corps.

L’or, destiné aux souverains, affirme que l’Enfant est roi ; l’encens, que l’on faisait brûler en l’honneur des dieux, révèle qu’il est Dieu ; la myrrhe, employée pour embaumer les corps des morts pour les préserver de la corruption, marque que Jésus est destiné à mourir, mais qu’il ne connaîtra pas la putréfaction du tombeau.
(voir histoire de la crèche)


Les bergers offrent des cadeaux plus liés aux besoins de l’Enfant et sont expressifs de leur condition : agneaux, pains, poissons, légumes.

Face à la crèche,
tous les rôles sont inversés et recomposés : les rois vieux et puissants adorent un enfant, tous les humbles deviennent des spectateurs privilégiés. Fermières et fileuses, humbles marchandes présentent un travail méconnu, qui devient précieux et apprécié.

L’exclu, le hors-la-loi, le marginal peuvent quitter leur refuge et descendre librement cette nuit-là, s’intégrer à la communauté et être accueillis.

Tous apportent des cadeaux à la crèche, dans le cadre d’un échange : car
le don par excellence, c’est Jésus lui-même.


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Bibliographie

Écrits intertestamentaires, Gallimard, coll. Pléiade.

Éliade Mircea,
Le Sacré et le profane, Paris, Gallimard, « Idées », 1965 ; rééd. « Folio essais », 1987.

Éliade Mircea,
Traité d’histoire des religions, édition revue et corrigée par Georges Dumézil, Paris, Payot, « Bibliothèque scientifique », 1949 ; nouvelle édition, 1964 ; 1974.

Évangile du Pseudo Matthieu.

Lanzi Fernando et Gioia, Les Crèches et leurs personnages, Desclée de Brouwer, 2001.

Mauss Marcel
Sociologie et anthropologie, préface de Claude Lévi-Strauss, Presses universitaires de France, 1950, rééd. 1966.

Proto évangile de Jacques

Rilke R. M. Histoires du Bon Dieu, Geschichten vom lieben Gott, Paris 1927.

San Bonventura, Vita di San Francesco d’Assisi, Rome, 1888.

Vie de sainte Brigitte, Acta sanctorum, oct., IV.