Fillettes et poupées en Afrique



« Les petites filles ne chassent pas; mais volontiers elles pilent le mtama, elles vont chercher de l’eau, et plus volontiers encore elles emmaillotent une calebasse dans un peu de linge, et la soignent, et lui parlent, et l’habillent, et la grondent, et l’embrassent, et la frappent comme une mère fait de son enfant. La calebasse se prête à tout: elle a une tête et un ventre. Or une tête et un ventre, c’est presque tout l’homme…


Ce qui m’étonna surtout, ce qui me jeta tout un soir dans un océan de considérations intérieures toutes plus philosophiques les unes que les autres, ce fut la calebasse, ce fut la poupée. Une poupée
! Le voilà donc en pleine Afrique, cet éternel jouet de la nature humaine! Une poupée! Saint Jérôme en parle dans ses lettres, et parfois, dans les fouilles des environs de Rome, lorsque l’on découvre un tombeau, on en trouve une entre les mains d’un squelette d’enfant: ainsi la poupée est de tous les temps; elle est aussi de tous les pays ».


Père Le Roy, missionnaire en Tanzanie,
in PP. Baur et Le Roy,
À travers le Zanguebar. Voyage dans l’Oudoé, l’Ouzigoua, l’Oukwéré, l’Oukami et l’Ousagara, Tours, 1886, p. 206-207.