x
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.
Pour en savoir plus, consultez notre charte.


Jean-Baptiste de Boyer d'Argens, Thérèse Philosophe, 1748.



Stacks Image 1189
Fragonard, Le Baiser volé, 1766
Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, né à Aix-en-Provence le 24 juin 1704, mort au château de La Garde, près de Toulon, le 11 janvier 1771, est un écrivain français.

Fils d’un procureur général, Boyer d’Argens suivit la carrière des armes et eut une jeunesse fort licencieuse. Sa vie sentimentale s’est particulièrement orientée vers les actrices de théâtre. Dès l’âge de quinze ans, il entra à l’armée, ce qui poussa son père à le déshériter. Blessé devant Philipsbourg en 1734, il quitta le service et se retira en Hollande, afin d’y écrire librement ses pamphlets.









PRÉSENTATION DU DOSSIER


Circonstances de la publication du roman

L’histoire de la publication de Thérèse Philosophe est aussi compliquée que mystérieuse. L’auteur a déployé une grande stratégie de dissimulation.

La première édition, sans date, dite « de La Haye » (ce qui est faux) daterait de la mi-novembre 1748
; elle aurait été composée dans une chambre proche de l’église des Bonnes Nouvelles… Une vingtaine d'éditions circulèrent sous le manteau au XVIIIe siècle, la plupart du temps saisies.

Il appartient au trio de tête des ventes d’ouvrages interdits (ouvrages pornographiques, livres philosophiques et chroniques scandaleuses).

Thérèse philosophe appartient à l’immense volume de littérature anticléricale qui dénonce le libertinage du clergé sous la monarchie.

Le roman se distingue par l’ampleur et la durée de son succès
: une vingtaine d’éditions au XVIIIe siècle, dont une dizaine pour la seule période pré-révolutionnaire. Le livre a probablement bénéficié de tous les mécanismes de la diffusion clandestine, complicités de la police comprises.

C’est un roman galant qui raconte l’éducation libertine de son héroïne sur le mode autobiographique. Les orgies y alternent avec les conversations philosophiques, selon un mode narratif que Sade poussera plus tard à ses extrémités.

Les conventions sociales et les autorités politiques y sont respectées
: seule la religion y est bafouée.

Le récit qui encadre est constitué d’une confession de Thérèse au Comte de…, rencontré à l’Opéra, à qui elle narre des scènes de couvents, de boudoirs et de bordels, telles qu’elle les a vues plutôt que vécues.

Tout repose sur le voyeurisme
: voyeurisme de Thérèse, voyeurisme du comte, voyeurisme du lecteur qui croit ainsi participer à l’orgie.

En octobre 1748, Bonin et La Marche, imprimeurs servant de mouchards au lieutenant de police Berryer, informent leur patron que deux garçons imprimeurs revenus de Liège se proposent de fabriquer divers ouvrages interdits, dont
Thérèse Philosophe, et donnent à entendre qu’une personne de qualité est à la tête de cette entreprise.

[…]
Le 1
er février on arrête François-Xavier d’Arles de Montigny, devenu commissaire des guerres en 1746. Envoyé à Liège comme espion, il avait financé l’impression de Thérèse Philosophe dont il affirmait ne pas connaître l’auteur.

[…]
La publication de
Thérèse Philosophe offre un exemple type des péripéties de diffusion des ouvrages interdits. Quoi qu’il en soit, la rédaction du livre ne peut être antérieure à 1748, car l’héroïne lit, à la fin de l’histoire, La Tourière des Carmélites de Meusnier de Querlon (1743), Thémidore de Godard d’Aucourt (1745) et Les Lauriers ecclésiastiques de La Morlière (1747).

Qui est l’auteur de Thérèse Philosophe?

Le roman a été attribué à d’Arles de Montigny, qui n’était manifestement qu’un intermédiaire. Ce n’était pas un écrivain.
En juillet 1749, l’avocat Barbier l’attribua à Diderot, qui venait d’être emprisonné à Vincennes pour y répondre des
Bijoux indiscrets et des Pensées philosophiques. Mais sûrement pas de Thérèse Philosophe, malgré la philosophie sensualiste et matérialiste du texte.
[…]

Dans
l’Histoire de Juliette ou les prospérités du vice, IIIe partie (1797), l’héroïne du marquis de Sade fait l’inventaire de la bibliothèque érotique d’un moine, le carme Claude, et cite Thérèse Philosophe en saluant « cet ouvrage charmant du marquis d'Argens, le seul qui ait montré le but, sans toutefois l'atteindre réellement; l'unique qui ait agréablement lié la luxure à l'impiété ».
Sade affirme même l’existence d’une version antérieure, plus subversive, agrémentée de gravures de Caylus.

[…]

Biographie de Jean-Baptiste Boyer d’Argens

Fort lu à son époque, il a rejoint le cimetière des auteurs oubliés du XVIIIe siècle. Il n’est connu que par Thérèse Philosophe, roman qu’il n’a pas signé.

Issu de la noblesse de robe, il est issu d’une famille ancienne et distinguée de Provence. Il était le voisin du marquis de Sade.

Il naît à Aix le 27 juin 1703. Son père, marquis d’Argens, seigneur d’Eguilles, est procureur au Parlement d’Aix en Provence à partir de 1717. Il avait eu connaissance de l’affaire retentissante du procès intenté au père jésuite Girard par la demoiselle Cadière. Boyer d’Argens évoque d’abord l’affaire dans ses Mémoires (1735) puis vers 1748 dans Thérèse Philosophe.
[…]

Un roman à clef?

Le sous-titre du roman, Mémoires pour servir à l'histoire du Père Dirrag et de Mademoiselle Éradice, indique clairement la source de la première partie du roman.

Thérèse Philosophe romance, sous les masques d’anagrammes faciles à déchiffrer, une affaire vieille de dix-sept ans qui avait fait grand bruit en 1731. Jean-Baptiste Girard (1680-1733) (Dirrag), Jésuite et directeur du séminaire des aumôniers de la marine de Toulon, avait séduit en 1729 deux jeunes Carmélites, l’une de dix-sept ans, Marie-Catherine Cadière, l’autre de quinze ans, Mademoiselle Laugier. Cette célèbre affaire de mœurs défraya la chronique au XVIIIe siècle. Marie-Catherine Cadière sous l'influence du Jésuite, fut prise de visions et marquée de stigmates. Au cours de ses heures d'extase, le père Jésuite abusa d'elle et elle tomba enceinte; après avoir avorté, elle déposa plainte pour sorcellerie, inceste spirituel, quiétisme et séduction.
[…]

Jules Michelet a évoqué cette affaire dans
La Sorcière (texte cité en annexe).

Par ce fait réel, Boyer d’Argens ancre son récit dans la réalité et lui donne un air de vraisemblance.
L’intrigue de
Thérèse Philosophe n’a en réalité que très peu de rapports avec la véritable histoire de Girard et Cadière. D’Argens s’en est inspiré mais il ne cherche pas l’exactitude. Il en exploite la réputation scandaleuse dans son récit de l’éducation de son héroïne, le couple sacrilège de Toulon constituant la première étape, le premier modèle que la jeune Thérèse est amenée à considérer.


Résumé de l’histoire

Le récit se présente comme l’autobiographie libertine de Thérèse, une jeune fille de la petite bourgeoisie, naïve et ignorante, qui grandit d’une expérience à l’autre. Elle écrit, à la demande de son amant le Comte de…, le récit de son initiation.
Les scènes libertines y alternent avec des conversations philosophiques développées essentiellement dans la deuxième partie.

Le récit est adressé à son amant, un comte rencontré à l’Opéra. Il compte quatre parties
:
- la séduction d’une jeune fille dévote par son confesseur sans scrupule;
- les rapports libidineux et philosophiques d’un abbé jésuite et d’une femme du monde
;
- la confession d’une prostituée
;
- l’éducation sexuelle pratique de Thérèse elle-même.
Les trois premières parties sont racontées par une narratrice témoin et voyeuse, la dernière par une Thérèse en position de sujet actif.
Les trois lieux évoqués correspondent aux topoï du roman libertin
: le couvent, le bordel, le boudoir.
[…]

Structure du récit

L’autobiographie d’une adolescente provençale est liée, par un jeu de rencontres fortuites, au récit classique de l’éducation d’une courtisane. Donc, deux héroïnes narratrices. Le destinataire est le Comte de…
Deux longs épisodes enchâssés sont l’épine dorsale du roman
: les expériences « mystiques » d’Éradice et l’éducation de Thérèse par Mme C. et l’abbé T.

Le rythme du récit

Thérèse Philosophe manifeste l’habileté du romancier qui utilise les rythmes temporels de façon très raffinée. On distingue:
[…]

La perspective narrative

Elle est d’une grande originalité: bien que le récit s’effectue à la première personne, l’héroïne est extérieure au récit dans les trois premières parties.
[…]

La représentation des corps

Comme dans de nombreux romans libertins, Thérèse Philosophe offre, dans sa première partie, une scène de contemplation érotique que l’on peut qualifier de voyeurisme. Thérèse assiste à une fameuse scène de communion « mystique » entre le père Dirrag et Éradice, sa pénitente préférée.
Thérèse raconte, plusieurs années plus tard, cette scène à laquelle sur le moment elle ne comprend rien.
[…]

La philosophie sensualiste

On a attribué le roman à Diderot, ce qui n’est pas un hasard, tant le texte expose la philosophie sensualiste et matérialiste.
[…]

La portée du roman

Le plaisir est une chose naturelle, ordonnée par Dieu, mais que la raison doit gouverner. Il ne doit pas être entravé par de sottes conventions sociales.
La nature répugne au célibat
: toute femme qui renonce au plaisir sexuel ruine sa santé. Il n’est donc qu’une solution: la « petite oie » (jeux sexuels sans pénétration). La plus grande curiosité de ce livre est cette singulière apologie de l’onanisme, seul ou à deux. Nous y reviendrons.
[…]

Robert Darnton (
Édition et sédition, L'univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991) s’interroge sur la portée de ce roman dans la diffusion des premières pratiques de contraception au XVIIIe siècle dans certaines couches de la population française.
[…]

Annexe en fin de volume: Texte complémentaire: Jules Michelet, La Sorcière


Le dossier téléchargeable de 215 pages en pdf contient:
- l'étude du roman évoquée ci-dessus (16 pages)
;
- le texte intégral du roman avec l'orthographe et la ponctuation actuelles
;
- 132 notes de bas de page expliquant les noms propres, les lieux évoqués, les mots ayant changé de sens, les termes érotiques, les mots difficiles
;
- en annexe le texte extrait de Jules Michelet,
La Sorcière, LE PROCÈS DE LA CADIÈRE: 1730 – 1731


pour obtenir le fichier électronique complet en pdf:
Participation de 3,99 euros aux frais d'hébergement du site


Après le règlement, vous recevrez par courriel un lien de téléchargement sécurisé, valable une seule fois et pendant 24 heures

Si vous utilisez un logiciel antispam, de type "Avast": attention! votre lien de téléchargement risque d'être dirigé vers votre dossier de courrier indésirable. Surveillez celui-ci !