Savoir raisonner
Fiche 5.
Le pour et le contre


Une argumentation cherche à convaincre ou à persuader, au moyen d'arguments, de la justesse d'une proposition.
Elle se présente de la manière suivante
: - une proposition, ou une constatation, une thèse - des arguments pour - des arguments contre, ou objections, que l'auteur réfute - une conclusion.
Avant d'en aborder l'étude, voyons les textes suivants qui envisagent, sur le même sujet, deux démonstrations opposées permettant de se faire une opinion.

Sujet 1: Débat à propos de... Michaël Jackson.

Après l'Allemagne, l'Angleterre, la Scandinavie et avant la Turquie et la Grèce, le « Dangerous tour » (qui évite quand même la Yougoslavie) arrive à Paris. Méga-vedette du show, Michaël Jackson sera à l'Hippodrome de Vincennes le 13 septembre. L'ancien petit Mozart du rock, propulsé dès l'âge de 5 ans sur les scènes par sa famille, est devenu la plus grosse machine à sous du show-business. À 34 ans, il a déjà vendu 100 millions d'albums. « Thriller », « Billie Jean », « Beat it », « Bad » font danser dans les discothèques du monde entier. Il vient de signer avec Sony un contrat d'un milliard de dollars
! Du jamais vu. En pleine gloire d'Elvis, Sun Records avait vendu tous ses droits pour 100000 dollars. Le petit mutant androgyne a atteint une telle dimension qu'il échappe désormais aux critères habituels. Plus qu'un musicien, il est devenu un phénomène de foire. Ses opérations de chirurgie esthétique à répétition, les enfants qu'il adopte et noie dans le luxe de son Disneyland privé, le mystère de sa vie sexuelle inexistante et la liste interminable de ses folies alimentent sa légende. Prononcer le nom de cet E.T. californien - monstre pour les uns, génie pour les autres - suffit à lancer la polémique. Un débat dont "le Match de Paris" se fait l'écho.


Contre

Pourquoi renier son identité noire? Tout son talent vient de là.


Que restera-t-il de l'album « Thriller » dans vingt ans
? Un chanteur, apparemment noir, qui dansait comme on ne l'avait jamais fait auparavant sur des dalles lumineuses, une bagarre de voyous branchés et quelques tombes entrouvertes par des cadavres frénétiques. Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter aux critiques qui ont accueilli la sortie de « Thriller » en 1982: un album bien ficelé et plutôt dansant. Quid du génie à l'état brut que l'on nous fait avaler par la suite?
Que Bambi Jackson soit un sacré danseur, personne ne songe à le contester. Qu'il soit un grand compositeur, cela reste à démontrer. Et ce ne sont pas les kyrielles de tubes, propulsés au haut des hit-parades par l'air du temps et le contagieux « phénomène Jackson », qui prouvent quoi que ce soit. Qui pourrait aujourd'hui fredonner une seule chanson de « Bad », pourtant copie conforme de « Thriller »
? On ne se rappelle que sa silhouette de rocker pour « La cage aux folles ». Pire encore. « Dangerous », sorti il y a quelques mois, est déjà oublié. On n'en est pas à l'acharnement thérapeutique, mais l'album n'est maintenu en vie que grâce aux vidéo-clips. Puisque le génie ne se cache pas dans les chansons, peut-être se terre-t-il dans la façon de les interpréter? Si sa voix de falsetto entrecoupée d'ahanements supposés suggestifs intriguait au début, on se lasse de tout. Surtout lorsque la parcelle d'originalité apparaît de plus en plus comme un « truc » qu'on essaie de nous resservir à toutes les sauces. Reste le personnage. Certains le croient fou, ce qui justifierait son génie. Qu'il veuille acquérir la dépouille d'Elephant Man ne regarde que lui. Que sa demeure californienne ressemble à Disneyland, soit! Qu'il « achète » avant la naissance les enfants qui viendront grossir son parc d'adoptés trouble plus. Mais ce qui gâche carrément le charme du « grand enfant perdu dans la jungle impitoyable du monde des adultes » c'est sa maladive soif d'argent. Riche jusqu'à l'écœurement, il n'en a jamais assez. Après avoir racheté le catalogue de Sly and the Family Stone, puis celui de Little Richard, il n'a pas hésité à surenchérir sur son ex-grand copain Paul McCartney, qui pouvait prétendre à un droit moral sur les chansons des Beatles. Il a emporté le morceau pour 50 millions de dollars. Pour son plaisir personnel, pensaient les naïfs. Résultat: aujourd'hui, il cède le droit d'utilisation à toute marque qui y met le prix. Pourtant, si quelqu'un n'a pas besoin de signer de contrat publicitaire, c'est bien lui. Entre Pepsi et les baskets L.A. Gear, ses apparitions sont fréquentes et hors de prix. Avec lui, les payeurs ont tous les droits. Lors de son actuelle tournée, Pepsi, le sponsor, s'affiche de façon obscène: sur l'avion, sur les marches, sur les micros...
Mais le plus incroyable reste quand même sa métamorphose physique. Que ses innombrables interventions chirurgicales le mènent tout droit au cancer et à la ruine (physique s'entend), c'est son problème. Même si sa tête de musée Grévin, après avoir intrigué, confine désormais au pathétique. Mais qu'il ait voulu dissimuler sa négritude à coups de scalpel, ce n'est pas glorieux. C'est même, et surtout, une aberration. La négation de tout ce qui a fait son succès. S'il danse, s'il chante comme il le fait, c'est surtout parce qu'il est noir. Viendrait-il à l'idée de Carl Lewis ou de Prince de se défaire de leur identité
? Non, justement. « They're black and they're proud » (ils sont noirs et fiers de l'être). Les Africains ne s'y sont pas trompés lorsqu'ils renvoyèrent Jackson à son univers de crèmes blanchissantes après un périple promotionnel d'une rare impudeur. Dès la première heure, tout était clair: il est sorti de l'avion en se bouchant le nez!
À l’inverse de stars comme Prince ou Madonna, qui n'ont eu de cesse de bousculer leur image, Michaël Jackson ne fait que vivre sur un acquis vieux de déjà dix ans. D'Elvis Presley ou des Beatles, il nous reste aujourd'hui quelques chansons. De Jackson, il ne subsistera qu'un gant pailleté.

Romain Clergeat, Paris-Match, 12/9/92.



Pour

Oui, il est névrosé. C'est pour ça qu'il est génial.


Dans sa chambre, à Ferney, en fin de matinée, Voltaire s'épilait devant ses hôtes. Quand il allait dîner chez les Jung, Freud notait méticuleusement dans son journal qu'il prenait une dose de novocaïne pour se fouetter le cerveau. Avant de se lancer au travail, Scott Fitzgerald commençait par vider la cave du Ritz. Et Woody Allen
! Pour écrire ses scénarios géniaux, doit-il cultiver des rêves de caissière à Milwaukee ou entretenir des pensées troubles, proches de celles de Molière, qui, lui aussi, épousa la fille de sa maîtresse? La réponse saute aux yeux: un peu d'extravagance et de névrose n'a jamais nui aux grands artistes.
Sauf que, aujourd'hui, attention, on doit être anormal dans les règles (...) Mais qu'on ne s'avise pas de se singulariser comme Michaël Jackson. Ni Blanc, ni Noir, ni homme, ni femme, il n'aime ni la viande ni le poisson, ni la drogue, ni les microbes, ni l'alcool, ni le tabac, ni les hommes, ni les femmes... Cela ne plaît pas. Tout, du coup, prête à polémique
: ses lèvres amincies, sa peau éclaircie, ses paupières rétrécies, ses narines émincées, ses cheveux lissés...
Ça, quand il se fait tirer la peau, il n'agit pas en douce comme mille petits personnages du show-business. Il se fait charcuter comme il danse
: sans retenue. En plus, à 34 ans, le mot sexe continue de l'affoler. Dans ses rêves, il pense à la Bible et à Walt Disney. Et alors? S'il songeait aux filles et aux Cadillac, il ne composerait pas une musique capable d'emballer le monde entier. Que souhaite le peuple? Un rythme génial ou du Jean-Jacques Goldman? C'est ça le dilemme. Et si Michaël Jackson ne veut plus être noir et se bichonne une arête nasale fine comme la porcelaine, où est le mal? Depuis celui de Cléopâtre, aucun nez n'avait fait couler autant d'encre. Cela s'explique puisque ce petit chef-d'œuvre chirurgical a réussi un prodige: persuader un musicien black né en 1958 qu'il reste un petit garçon, blanc, mélomane et innocent. Le genre d'idée fixe qui envoie pas mal de gens à l'hôpital ou en prison, et quelqu'uns, exceptionnellement, au Panthéon. Où Michaël Jackson n'est classé ni parmi les Blancs, ni parmi les Noirs, mais chez les « platines » - comme ses disques. Car tout le problème est là. S'il composait une musique « d'art et décès », inaudible et mortelle, ses fantaisies ne choqueraient personne. Mais, à Denver comme à Limoges, quand on est célèbre, on doit ressembler à Georges Brassens ou à Dolly Parton. Sinon, c'est louche. Et Michaël Jackson l'est. Espérons qu'il le restera et ne cédera jamais au conformisme de ses censeurs. Pour achever de les exaspérer, lui qui aime tant les opérations, il devrait même se faire palmer les pieds. Comme Donald, un de ses dieux - ce qui agace les donneurs de leçons que fascinent De Gaulle et Presley, le Che ou Marilyn...

Gilles Martin-Chauffier, Paris-Match, 12/9/92.



Questionnaires sur les textes

Le texte d'introduction

1. Relevez toutes les expressions qui désignent M. Jackson. Classez-les:
- selon leur fonction grammaticale
: sujet; attribut du sujet; apposition, etc…
- selon leur nature
: nom; pronom; périphrase; métaphore.
- selon leur connotation
: neutres; péjoratives (négatives); mélioratives (positives).
2. Étudiez l'emploi des temps verbaux
: le texte suit-il l'ordre chronologique de la carrière du chanteur? Sinon, rétablissez-le.
3. Relevez les éléments qui établissent la « légende » de M. Jackson.

Le texte Contre

Complétez le tableau suivant afin de suivre la structure du texte:




Le texte Pour

1. Quels exemples d'artistes extravagants sont donnés en introduction?
2. Pour quelle raison ces exemples sont-ils donnés
?
3. Le procédé qui consiste à faire un portrait par la négative s'appelle la prétérition
: relevez-le dans le second paragraphe.
4. À quel type de reproche appartiennent les exemples de polémique donnés en fin de paragraphe
: argent, physique, dons musicaux, etc…
5. Quelle excuse donne-t-on successivement
- aux opérations de chirurgie esthétique
;
- aux rêves de la vedette
?
6. Quelle phrase tente de donner la clef du personnage
? Sur quelle opposition est-elle construite?
7. De quelles manières le titre de l'article est-il repris en fin du troisième paragraphe
?
8. Quel souhait est formulé en conclusion
?

Exercices d'expression

1. Établissez, en deux textes successifs, le pour le contre sur l'un des sujets suivants, par exemple:
- les voyages organisés
;
- les films « colorisés »
;
- l'ouverture des magasins le dimanche.
2. Des deux textes pour et contre M. Jackson, faites un troisième texte qui fasse la synthèse en utilisant des formules de concession ou de refus :




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Lire à loisir 3e, Nathan.
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