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Thème: Les petites filles en littérature

Sophie, Cosette, Alice



C’est dans la seconde moitié du XIXe s. qu’apparaît en littérature le personnage de la petite fille, différente des figures stéréotypées des contes de fées.

Autour de 1860 apparaît la fillette en tant qu’héroïne au centre de l’intrigue, et avec l’épaisseur psychologique d’un vrai personnage, complexe et autonome.

Il est important de souligner que les trois fillettes les plus illustres de la littérature contemporaine sont nées en même temps.

La comtesse de Ségur publie
Les Malheurs de Sophie en 1859, Victor Hugo Les Misérables dont Cosette est un personnage essentiel en 1862, et Lewis Carroll Alice au Pays des Merveilles en 1865, d’après un récit inventé, lors d’une promenade en barque avec les enfants Liddell, en juillet 1862.

C’est aussi en 1862 que
Julie-Victoire Daubié devient la première bachelière française. Un travail de comparaison de ces trois héroïnes est un moyen essentiel d’appréhender tout un univers féminin et enfantin, et l’évolution des représentations de l’enfance dans la seconde moitié du XIXe siècle.

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SOPHIE DE RÉAN

L’un des personnages de la célèbre trilogie de la comtesse de Ségur les
Petites Filles modèles (1858), les Malheurs de Sophie (1859), Les Vacances (1859). Sophie est surtout le personnage central du deuxième ouvrage. Elle a quatre ans, c’est une toute petite fille.

Si elle a un physique de poupée, Sophie de Réan, en dépit de son prénom, n’en a pas la « sagesse » ; le fils de l’auteur, Mgr de Ségur fait le portrait d’une petite fille potelée, au visage souriant, aux cheveux blond cendré, coupés court, aux yeux vert brun pétillants de malice, à la bouche un peu grande. Cette petite fille au visage joufflu multiplie à loisir les sottises :
les Petites Filles modèles, les Malheurs de Sophie et les Vacances présentent, sous la forme de courts récits dialogués, des exemples de tout ce qu’un enfant ne devrait pas faire et ne devrait pas être.

Face à Camille et Madeleine, les petites filles modèles très comme-il-faut, Sophie est une enfant fantasque, insouciante, qui se laisse toujours guider par son caprice. Elle a le don des initiatives malheureuses : ses idées saugrenues nous amusent, mais elles tournent généralement à sa confusion (saler les poissons rouges d’abord découpés vifs ou faire bronzer au soleil sa poupée de cire, par exemple). L’engrenage est toujours le même : ordre enfreint, « bêtise », sanction, pardon, car, pour la bonne comtesse, il s’agit avant tout, par cette littérature édifiante, d’apprendre aux enfants les vertus de l’obéissance.

En Sophie, la comtesse de Ségur, qui répondait au même prénom, narre les anecdotes et incidents de sa petite enfance. Seul le décor a changé ; nous ne sommes plus à Woronovo, sur les terres du comte Rostopchine, à cinquante verstes de Moscou, mais dans un château de Normandie — probablement le domaine des Nouettes, propriété de la comtesse de Ségur, près de Laigle. Les écuries de M. de Réan ressemblent aux haras du comte Rostopchine, que le maître visite tous les jours, très souvent accompagné de sa femme et de ses enfants portant dans des corbeilles le pain destiné aux chevaux. Parfois Sophaletta en dérobe un morceau, qu’elle mange en cachette — incident rapporté dans les Malheurs de Sophie.
La comtesse Rostopchine donne à ses enfants une éducation spartiate, les rationnant au point que ceux-ci sont affamés et assoiffés. On se rattrape en se donnant des indigestions de pain dérobé frauduleusement ; on en est réduit pour calmer la soif à boire l’eau de l’écuelle des chiens.

Tous ces faits sont aussi rapportés dans les
Malheurs de Sophie, de même qu’un autre,  authentique, celui des sourcils coupés. Sophie et Sophaletta portent, hiver comme été, la même robe en percale blanche, à manches courtes, car, écrit Mgr de Ségur, la comtesse Rostopchine pensait qu’il était bon de l’habituer au soleil, à la pluie, au vent, au froid. En racontant ces souvenirs d’enfance la comtesse de Ségur a dû évoquer les hurlements des ours et des loups qui venaient, les soirs d’hiver, rôder sous les fenêtres du château de Woronovo. Aussi va-t-elle peupler une forêt de Normandie de loups qui se précipitent un jour sur la pauvre Sophie, attardée en chemin. En réalité ce ne furent pas des loups, mais des ours, qui faillirent déchirer Sophaletta avec leurs griffes, s’ils n’avaient pas été dispersés par les molosses de la comtesse Rostopchine.



COSETTE

C’est l’un des personnages du roman de Victor Hugo Les Misérables (1862). Elle a huit ans quand Jean Valjean vient la chercher.

Si dans les Misérables, Gavroche symbolise l’enfance ingénieuse et insouciante, Cosette représente l’enfance martyre.

Fantine, abandonnée par son amant l’étudiant Tholomyès, et réduite à la misère, a confié Cosette, sa petite fille de trois ans, à un couple rencontré par hasard, les Thénardier, aubergistes à Montfermeil. Plus soucieux de profiter de cette situation que de donner de l’affection à l’enfant, ce ménage monstrueux pressure la mère et exploite la fillette, demandant à l’une des pensions de plus en plus élevées — ce qui la conduira à se prostituer — et exigeant de l’autre les besognes les plus ingrates : l’existence de Cosette chez les Thénardier, qui réservent le peu de tendresse dont ils sont capables à leurs filles Éponine et Azelma, est aussi sordide que celle de Cendrillon chez sa marâtre.

Maigre et blême, les mains « perdues d’engelures », les pieds nus dans ses sabots au plus froid de l’hiver, mal nourrie et rouée de coups, Cosette à huit ans paraît plus jeune encore que son âge. Lorsqu’il n’y a pas de travaux plus urgents, Cosette doit tricoter ; elle s’installe alors sous la table, que la Thénardier appelle « sa niche ». Privée de toute affection, elle n’est entourée que de puissances hostiles ; aussi, ses gestes, son attitude, tout son être exprime-t-il la crainte. Parfois, plongée dans cette misère, il semble qu’elle devienne « une idiote ou un démon ».

Fantine, sur son lit de mort, confie le sort de son enfant à un homme généreux, M. Madeleine, alias Jean Valjean, le maire de Montreuil-sur-mer, qui l’avait recueillie et soignée. Fidèle à sa promesse, celui-ci soustrait Cosette à sa vie d’enfant martyr. « L’instinct de Cosette cherchait un père comme l’instinct de Jean Valjean cherchait un enfant » et, lorsque Jean Valjean aura arraché Cosette aux Thénardier, elle l’appellera « Père » et il la considèrera comme sa fille. Dans le couvent du Petit-Picpus où ils se réfugient, Cosette trouve en Valjean un « père étrange forgé de l’aïeul, du fils, du père et du mari qu’il y avait dans Jean Valjean ; père dans lequel il y avait même une mère ; père qui aimait Cosette et qui l’adorait ».

Lorsque la jeune fille qui s’est ainsi épanouie noue une idylle avec un jeune étudiant épris d’idéal, Marius de Pontmercy, Valjean en prend ombrage. Il faudra l’émeute populaire de 1832 pour qu’il consente au mariage des deux jeunes gens : Marius s’y est illustré par sa bravoure et n’a pu échapper à la répression que grâce à l’ancien forçat ; ayant ainsi sauvé Marius comme il avait jadis sauvé Cosette, Jean Valjean dans un suprême effort de générosité sacrifie son égoïsme paternel au bonheur du jeune couple. La grandeur d’âme du proscrit a arraché définitivement la « misérable » Cosette aux griffes de la fatalité.



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ALICE est la jeune héroïne d'Alice au pays des merveilles (1865) et de A travers le miroir (1871), récits pour enfants de Lewis Carroll. Elle a sept ans et demi.

Fasciné par le monde de l’enfance, comme l’atteste son goût quelque peu ambigu pour les photographies de jeunes ingénues, Lewis Carroll prête à Alice des aventures qui n’ont d’autre cohérence que celles des « nursery rhymes », peuplées de lapins en gibus et de doctes chats qui l’accompagnent dans son voyage fabuleux.

Il a suffi à la jeune héroïne de suivre un lapin blanc ou d’absorber une potion pour pénétrer dans un univers fantastique où elle vit des événements extraordinaires (une partie de croquet avec la Reine de cœur, un thé chez les lièvres, etc.) et où elle subit des métamorphoses qui affectent surtout sa taille, les objets devenant pour elle gigantesques ou minuscules, mais qui ne déroutent jamais son esprit d’une insatiable curiosité.

Ce monde que découvre Alice n’est pas à proprement parler le royaume de la fable, mais plutôt un long voyage délibéré au pays du « non-sens ». Clairvoyante, elle suit passionnément le jeu sans jamais s’y laisser prendre. Alice, qui demande toujours le pourquoi des choses, reçoit des réponses dont la logique n’est jamais absente. Mais il s’agit d’une logique extérieure à nos cadres habituels de pensée.

Dans ces récits au ton très anglais, on ne perçoit pas l’intention moraliste qui domine généralement la littérature enfantine. Il s’agit en fait d’une œuvre initiatique assez grave, à l’aspect surréaliste avant la lettre, qui allie le merveilleux féérique à l’insolite irrationnel, plongeant le lecteur dans un royaume du « nonsense » où le temps se déroule à rebours et le langage à contre-courant des cadres de la raison.






Notions historiques

• lois sur le travail des enfants
• progrès scientifiques
• évolution de la famille
• système d’enseignement

L’éducation des filles

Rousseau - Fénelon - Michelet
les jouets, la poupée
l’éducation des couvents
loi Camille Sée décembre 1880

La littérature éducative enfantine

les « romans de poupée »
les valeurs chrétiennes
la presse enfantine

Les romans de la 2e moitié du XIXe s

Cosette : la révolte contre la misère
Sophie : curieuse, inventive, épanouie
Alice : connaissance et compréhension du monde




Prolongements 

petites filles en littérature

Henry James,
Ce que savait Maisie
Raymond Queneau,
Zazie dans le métro
Colette,
Claudine à l’école
Athénaïs Mialaret-Michelet,
Mémoires
Marcel Proust,
Du côté de chez Swann, Gilberte.


• Petites fllles au cinéma
René Clément,
Jeux interdits
Carlos Saura,
Cria Cuervos

Liens : textes complémentaires

Bibliographie

Philippe ARIÈS, L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Éditions du Seuil, 1973.

Marina BETHLENFALVY : Les Visages de l’enfant dans la littérature française du XIXe siècle ‑ Essai de typologie, Genève, Droz, 1979.

François BLUCHE  : Le petit Monde de la comtesse de Ségur, Hachette, 1988.

Marie-Françoise Boyer-Vidal, L’éducation des filles et la littérature de poupée au XIXe siècle


Lewis CARROLL  : Tout Alice, Trad. par Henri Parisot, Flammarion, 1979.


Léo CLARETIE, Les Jouets : lien vers texte intégral

COLETTE ET WILLY : Claudine à l’école, Ollendorf, 1900.

HUGO (Victor) :
Les Misérables, LGF, « Livre de Poche, 1985.

JAMES (Henry) :
Ce que savait Maisie, (1897), 10‑18, 1983.

JAN (Isabelle) :
La Littérature enfantine, Éditions ouvrières, 1984.

Yvonne KNIBIELHER et Catherine FOUQUET, Histoire des mères du Moyen Âge à nos jours, Hachette, 1982.

Laura KREIDER, La passion des petites filles. Histoire de l’enfance féminine de la Terreur à Lolita, Arras, Artois Presses Université, « Études Littéraires », 2003.

Pierre LAROUSSE : Grand Dictionnaire Universel du XIX' siècle, article POUPÉE

L 'Herne « Lewis Carroll ». Paris, 1971.

Athénaïs MIALARET-MICHELET, Mémoires d’une enfant : texte intégral

Jules MICHELET, La Femme. De l'Éducation, t, 4.

Michelle PERROT t. IV de
l'Histoire de la vie privée, Éditions du Seuil, 1987, ouvrage collectif rédigé sous la direction de Michelle PERROT.

Olga de PITRAY, Ma chère Maman – Comtesse de Ségur

Marcel PROUST : A la recherche du temps perdu, « Du côté de chez Swann », I, « Combray », Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »


Raymond QUENEAU  : Zazie dans le métro, Gallimard, 1959.
George SAND, Histoire de ma vie, publié en 1855.
Nicole SAVY « Cosette, un personnage qui n'existe pas », in Lire « Les Misérables », ouvrage collectif, José Corti, 1985.
Nicole SAVY,
Les petites filles modernes, Dossier du Musée d’Orsay, 1989
Gaston de SÉGUR, Ma mère, Souvenirs de sa vie et de sa sainte mort : texte intégral

SÉGUR comtesse Sophie de : Les Malheurs de Sophie, Hachette, « Bibliothèque Rose illustrée », 1859.

Edward SHORTER, Naissance de la famille moderne (XVIIIe –XXe siècles) Editions du Seuil, 1973.

Marie‑Christine VINS0N, L’Éducation des petites filles chez la comtesse de Ségur, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, « Littérature et Idéologie », 1987.



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