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Baudelaire: indications bibliographiques pour les examens et concours



L’étude des Fleurs du mal de Baudelaire pose des problèmes très particuliers: l’abondance de la bibliographie est telle qu’il n’est pas question de pouvoir vraiment la dominer.
De toute façon maintes études sur Baudelaire sont démodées ou constituent des essais, souvent brillants, mais également très subjectifs.
Beaucoup de critiques se cherchent à travers Baudelaire, plus qu’ils n’étudient objectivement les textes. C’est donc ceux-ci, c’est-à-dire les poèmes des
Fleurs du mal qu’il faut analyser et creuser en eux-mêmes avant toute synthèse ambitieuse et parfois d’un arbitraire très risqué.


Cependant un minimum de connaissances sur Baudelaire, et de connaissances à jour, est indispensable.
Les
Fleurs du mal sont un recueil auquel Baudelaire semble avoir pensé dès les années 1840 et qui n’a cessé (un peu comme les Essais de Montaigne) d’évoluer et de se transformer jusque (et même après) la mort du poète. Certes, à la différence des Contemplations de Hugo (1856), Les Fleurs du mal ne suivent pas chronologiquement l’histoire d’une vie, mais elles sont étroitement liées, au moins dans leur écriture et leur composition, à la vie de Baudelaire. Il importe donc de bien connaître celle-ci et de ne pas rester à son égard à des connaissances (qui relèvent parfois de la légende) souvent dépassées.


Lecture indispensable :

Claude PICHOIS et Jean ZIEGLER,
Baudelaire biographie, Julliard, 1987 (toutes les connaissances de fait sur Baudelaire dans l’état actuel des recherches, avec notamment les diverses étapes de la rédaction et de la publication des Fleurs du mal. Pichois et Ziegler précisent qu’ils n’expliquent pas les poèmes par la vie, mais que la connaissance de celle-ci est indispensable pour situer les poèmes).
De toute façon la vie de Baudelaire et les rapports étranges entre sa personnalité et son œuvre fascinent la littérature contemporaine ainsi qu’en témoigne le stimulant ouvrage de Bernard-Henri LÉVY,
Les derniers jours de Charles Baudelaire roman, Grasset, 1988, qui, malgré une certaine affabulation romanesque, va assez profondément et authentiquement au cœur de l’homme et de l’artiste Baudelaire et de son sentiment tragique d’impuissance et d’incomplétude devant l’œuvre qu’il laissait.
Mais l’essentiel, bien sûr, est dans l’étude des
Fleurs du mal et l’explication détaillée des poèmes.


De quelles éditions dispose-t-on?

• celle d’Yves FLORENNE,
Baudelaire Les Fleurs du mal le Livre de Poche, 1972. Cette édition n’a aucune valeur critique et les notes sont réduites au minimum. Mais Yves Florenne, au lieu de privilégier, comme la plupart des éditeurs baudelairiens, le recueil de 1861, suit l’évolution des Fleurs du mal de 1857 jusqu’à l’édition posthume de 1868.

En d’autres termes Florenne donne d’abord le texte de 1857, intégralement, cent poèmes (plus un,
Au lecteur) y compris, et à leur place, les pièces qui seront condamnées par le procès et supprimées ultérieurement.

Puis Florenne donne les poèmes ajoutés dans l’édition de 1861 (qui comportait 126 poèmes, plus un, et introduisait une nouvelle section,
Tableaux parisiens).
Ensuite, sous le titre d’
Épaves, Florenne reproduit les nouveaux poèmes publiés à Bruxelles en 1866 avec les six pièces condamnées. On sait qu’après la mort du poète, Banville et Asselineau donnèrent une troisième édition comptant 151 poèmes, dont 12 nouveaux que Florenne place après les Épaves de 1866.
Il termine par deux parties très courtes,
Intruses et Fragments et reliques comportant deux pièces introduites dans la dernière édition (1868), sans l’aveu de Baudelaire, des vers isolés, des fragments et des projets de poèmes.

Florenne justifie sa méthode en disant que seule l’édition de 1857, avant le procès, était totalement conforme à la volonté de Baudelaire et que celle de 1861, si intéressante qu’en soit la composition, étant mutilée des six pièces condamnées, ne pouvait à ses yeux qu’être provisoire.

Ce à quoi on peut objecter que l’édition de 1861 est quand même la dernière revue par Baudelaire et que l’introduction des
Tableaux parisiens, après Spleen et Idéal et la modification de l’ordre des parties suivantes (ordre primitif: Fleurs du mal — La Révolte — Le Vin — La Mort; ordre définitif: Tableaux parisiens — Le Vin — Fleurs du mal — La Révolte — La Mort) donnent au recueil son harmonie définitive: après avoir longuement étudié « les deux postulations simultanées » Spleen et Idéal le poète demande l’oubli aux Tableaux parisiens, à la drogue symbolisée par Le Vin, au vice désigné sous le nom de Fleurs du mal; tous ces « divertissements » ayant échoué, c’est La Révolte contre la condition humaine et le recours à Satan; mais la révolte, à son tour, apparaît comme vaine et la seule issue est dans La Mort.

Aussi la plupart des éditions critiques suivent ce dernier ordre. Ces principales éditions, toutes très utiles, sont les suivantes
:

• l’édition G. BLIN et J. CRÉPET, Corti, 1950 (celle qui fournit les notes les plus abondantes, notamment pour les sources,
; elle est malheureusement épuisée et devenue introuvable) ;

• l’édition A. ADAM, Garnier, 1961 (excellentes notes de tous ordres, résolvant avec bons sens maint problème de détail
; achat indispensable);

• l’édition J. CRÉPET, G. BLIN et CI. PICHOIS, Corti, 1968 (excellente pour les variantes, mais ne comporte aucune note
; d’intéressants documents à la fin);

• l’édition de la Pléiade (NRF, Gallimard), au tome I des Œuvres complètes par Claude PICHOIS, 1975 (très solide appareil critique de tout ordre)
;

• Jean DELABROY dans la collection Textes et Contextes Magnard; 1987 (très peu de notes, mais les poèmes étant sur la page de gauche, la page de droite comporte toute une documentation de textes critiques, de poèmes comparables d’autres auteurs, etc.; excellente illustration).


On ne négligera pas l’apport de certaines éditions scolaires dont les notes et les commentaires sont parfois dus à des spécialistes — la meilleure à cet égard est celle des Poésies choisies de Baudelaire par A. FERRAN, Classiques. Vaubourdolle, Hachette.

Citons aussi les extraits des
Fleurs du mal par Raymond DECESSE, Bordas, 1984.

Certains ouvrages généraux sur Baudelaire et
Les Fleurs du mal sont en fait très largement des suites d’analyses de poèmes. Tel est le cas de:

• J.D. HUBERT,
L’Esthétique des Fleurs du mal, essai sur l’ambigüité poétique Genève, Cailler, 1953;

• R.B. CHÉRIX,
Commentaire des Fleurs du mal, essai d’une critique intégrale Droz-Minard, 2e éd., 1962;

• R. GALAND, Baudelaire Poétiques et poésie Nizet, 1969.

On préfèrera pour les examens et concours de pareils ouvrages (malheureusement difficiles à trouver) à des études trop générales et abstraites, à l’exception peut-être de celui de J. PRÉVOST, Baudelaire essai sur l’inspiration et la création poétique Mercure de France, 1953, qui, sans suivre dans l’ordre les poèmes des Fleurs du mal donne une table des matières permettant de retrouver, poème par poème, les commentaires du critique.

On se méfiera donc des innombrables travaux où le critique se cherche lui-même à travers Baudelaire ou bien enferme Baudelaire dans un système philosophique ou une vision du monde ou bien encore fait du texte baudelairien le prétexte à des recherches de méthode littéraire.

À cet égard le « chef-d’œuvre » est l’ouvrage de M. DELCROIX et W. GEERTS,
Les Chats de Baudelaire une confrontation de méthodes Presses universitaires de Namur et PUF, 1980; 348 pages d’essais critiques d’auteurs variés sur les différentes méthodes pour aborder le sonnet: « Les amoureux fervents et les savants austères… », le tout à la suite du fameux article de Levi-Strauss et Jakobson qui a déclenché la « querelle des chats » dans les années 1962 et suivantes.

Certes les essais de G. BATAILLE, W. BENJAMIN, G. BLIN, Y. BONNEFOY, P. EMMANUEL, Ch. MAURON, G. POULET, J.-P. RICHARD, J.-P. SARTRE, etc. donnent souvent à réfléchir dans des perspectives très variées, mais qui, en général,
soumettent l’œuvre de Baudelaire aux obsessions personnelles des auteurs.

On trouvera la liste de ces travaux avec références dans
Charles Baudelaire Fusées; Mon Cœur mis à nu La Belgique déshabillée, col. Folio, no 1727, 1986, pp. 554-557.

En revanche, de petits livres, bon marché, assez scolaires, mais clairs et objectifs, fourniront des initiations rapides et bien utiles. En voici quelques-uns
:

• A. RUFF,
Baudelaire l’homme et l’œuvre col. Connaissance des lettres, Hatier-Boivin, 1955 (malheureusement épuisé);

• J. VIER,
Histoire substance et poésie des Fleurs du mal, Archives des Lettres modernes, n° 23, Droz-Minard, mai 1959;

• G. BONNEVILLE,
Baudelaire Les Fleurs du mal Col. Profil d’une œuvre, Hatier, 1972;

• J.Cl. MATHIEU,
Les Fleurs du mal de Baudelaire Col. Poche critique, Hachette, 1972;

• J.-P. GIUSTO,
Charles Baudelaire Les Fleurs du mal Col. Études littéraires, PUF, 1984;

• D. RINCÉ,
Baudelaire Les Fleurs du mal et autres écrits Col. lntertextes les Œuvres, Nathan, 1986;

• D. RINCÉ,
Baudelaire et la modernité poétique, PUF, 1984, Que sais-je?
(ce dernier ouvrage est particulièrement recommandé).

Cependant on n’oubliera pas que Baudelaire mettait son point d’honneur dans la lucidité critique et dans la conscience aigüe du poète devant la création. On lira donc avant toute chose les essais de critique littéraire et de critique d’art du poète sans négliger, bien sûr, les
Petits Poèmes en prose les fragments autobiographiques (Fusées et Mon cœur mis à nu) et les traductions d’Edgar Poe, ce miroir fraternel où Baudelaire se reconnaissait. Outre leur intérêt pour éclairer Les Fleurs du mal ces lectures fourniront aux étudiants de nombreuses bases de réflexion.