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Zola, La Joie de vivre
Présentation
Notes critiques

La Joie de Vivre est un roman d'Émile Zola publié en 1884, le douzième volume de la série Les Rougon-Macquart.

L'action se situe en Normandie, dans une petite ville portuaire appelée Bonneville. L'héroïne en est Pauline Quenu, fille de Lisa Macquart et du charcutier Quenu (voir
Le Ventre de Paris), orpheline à l'âge de dix ans et confiée à des cousins appelés les Chanteau. Héritière d'une fortune assez considérable, Pauline se laisse peu à peu dépouiller d'une grande partie de ses biens par Madame Chanteau et son fils Lazare, sans pour autant perdre son amour pour eux, conservant jusqu'au bout la joie de vivre qui a donné son titre à l'ouvrage.

Tout devrait pourtant la conduire au pessimisme : elle aide les pauvres, qui la remercient en la volant; elle déborde d'affection pour sa tutrice, qui lui dérobe pourtant une partie de son héritage et se met à la haïr; elle est amoureuse de Lazare, le fils des Chanteau, l'aide à mettre sur pied des projets chimériques, mais celui-ci préfère épouser Louise, une riche héritière. Elle garde pourtant confiance au milieu des épreuves et accepte même d'élever Paul Chanteau, fils de Louise et de Lazare, pour qui elle dépensera ses derniers sous.


L'arbre généalogique des Rougon-Macquart est ici
texte intégral du roman ici

Incipit

Comme six heures sonnaient au coucou de la salle à manger, Chanteau perdit tout espoir. Il se leva péniblement du fauteuil où il chauffait ses lourdes jambes de goutteux, devant un feu de coke. Depuis deux heures, il attendait madame Chanteau, qui, après une absence de cinq semaines, ramenait ce jour-là de Paris leur petite cousine Pauline Quenu, une orpheline de dix ans, dont le ménage avait accepté la tutelle.
– C’est inconcevable, Véronique, dit-il en poussant la porte de la cuisine. Il leur est arrivé un malheur.
(…)

PRÉSENTATION

LE CONTEXTE

Principaux événements en 1884

En politique: Présidence de Jules Grévy, Jules Ferry président du Conseil. Le divorce est autorisé. Lois sur les libertés syndicales.
En littérature: Huysmans, A Rebours; Leconte de Lisle, Poèmes tragiques; Verlaine, Jadis et Naguère.
En musique: Massenet, Manon.

HISTOIRE ET FICTION

La Joie de vivre ne s’inscrit que très lâchement dans le contexte chronologique et politique des Rougon-Macquart.
Aucune allusion n’est faite aux événements contemporains de l’action. Seule l’évocation du Saccard de
La Curée renvoie aux flamboyantes spéculations du Second Empire. Un plan détaillé laissé par Zola fait commencer l’action en 1860.
Le véritable temps du roman et naturel (cycle des saisons, des marées succession des portées de La Minouche), lié aux grands phénomènes de la vie et de la mort
: enfance, puberté, épanouissement du corps de Pauline, vieillissement ou mort des Chanteau). Temps cyclique plus que linéaire et qui se distend interminablement comme le prouve la récurrence des thèmes flaubertiens de l’attente et de l’ennui.


LE TITRE

D’épouvantables crises de goutte, un phlegmon purulent, les affres d’une agonie terrible, un accouchement difficile, les tortures morales d’un névrosé et, pour clore l’ensemble, le suicide de la bonne: le titre du roman semble avoir valeur d’antiphrase. La Joie de vivre est, de fait, un livre sur la mort, écrit sous l’influence de Schopenhauer, à un moment où Zola traverse, après le décès de sa mère, des moments difficiles. Le romancier veut dépeindre la souffrance, sous toutes ses formes, et le drame de l’existence humaine prise entre le néant et l’ennui.
Toutefois le personnage de Pauline renouvelle le sens du titre. La jeune fille accepte sans dégoût ni peur la condition humaine. Sa pitié pour les malheureux, son infatigable activité et sa gaieté lui permettent d’échapper à l’ennui et au désespoir. Le titre choisi par Zola, ainsi que les toutes dernières phrases du livre, invite donc à lire
La Joie de vivre comme un encouragement et une incitation à l’action et à la sagesse.


Résumé du roman


Ce roman prend pour cadre un petit village situé en Normandie. C’est là qu’habite la famille Chanteau. Le père, à la retraite, n’a pu reprendre la scierie familiale à cause de son incapacité physique et morale. Atteint de la goutte, il est venu s’installer en Normandie dans l’espoir que le climat lui fasse du bien. Sa femme, Eugénie, qui avait de grandes ambitions n’a pas eu la vie qu’elle désirait. C’est pourquoi elle reporte ses espoirs dans son fils, Lazare âgé de 19 ans. Ce dernier nourrit de grands projets qu’il abandonne, malheureusement, les uns après les autres sans même les achever.

Sa cousine, Pauline Quenu, essaie de lui apporter tout son soutien moral et affectif. En effet, orpheline à l’âge de 10 ans après la mort de ses parents, elle est recueillie par la famille Chanteau. Sa chaleur humaine et sa bonté apportent un peu de réconfort dans la maison Chanteau. Cependant la maîtresse de maison n’hésite pas à abuser de la gentillesse de Pauline en dilapidant son argent au profit de son fils. De plus, elle éprouve, peu à peu, une haine profonde pour la jeune fille. Elle pousse son fils à entretenir une liaison avec la fille d’un banquier, dans le seul but de faire souffrir Pauline, la sachant amoureuse de Lazare.

Blessée par toutes ses attaques, Pauline consacre toute son attention à monsieur Chanteau et à sa maladie. Quand Eugénie tombe malade, elle la soigne avec tendresse malgré la méchanceté et les accusations d’empoisonnement venant de la malade.

Après la mort de madame Chanteau, Pauline se sacrifie une fois de plus, en acceptant le mariage de celui qu’elle aime avec Louise. Elle sauve même leur enfant de l’asphyxie à sa naissance et lui donne son amour comme s’il était le sien.


L’ORGANISATION

Le roman, qui comporte
onze chapitres, est rigoureusement structuré.

La première partie montre le dépouillement progressif de Pauline par les Chanteau. Sa fortune s’en va peu à peu, dans l’entretien de la maison et les entreprises aventureuses de Lazare. Puis on la dépossède de qu’elle croyait pourtant acquis, son amour et son mariage.

Le chapitre VI et la mort de Madame Chanteau constituent l’axe de l’œuvre.

La seconde partie répète sur le mode tragique les événements de la première. Pauline consomme sa ruine en refusant l’offre avantageuse faite par le docteur Cazenove, et résiste à la tentation de devenir, sinon l’épouse, du moins la maîtresse de Lazare. À l’agonie du chapitre VI correspond la naissance du chapitre X. Dans cette seconde partie, le dévouement de Pauline n’est plus résignation consentie, mais devient un don conscient et volontaire de soi. Le dernier chapitre est donc une sorte d'« apothéose » de l’héroïne. Toutefois l’absence d’un douzième chapitre laisse ouverte et comme suspendue la structure romanesque.



Le roman oppose le personnage de Pauline, qui aime la vie même si celle-ci ne lui apporte guère de satisfactions, à celui de Lazare, être velléitaire et indécis, rongé par la peur de la mort. Il est possible que Zola ait mis une bonne partie de lui-même dans ces deux personnages : très affecté par la mort de sa mère et par celle de Gustave Flaubert, il traverse une crise de doute au moment où il écrit le roman, et les obsessions de Lazare sont un peu les siennes (la vie est inutile, puisque la mort emporte tout) ; mais la confiance reprend le dessus en lui, l'énergie qu'il prête à Pauline étant peut-être une façon d'exorciser ses propres peurs.

Pistes d’étude

EXPLICATIONS DE TEXTE
La pagination renvoie à l’édition Pocket

Descriptions de la mer (pp. 21-22, 29, 226-227)
les affres de Lazare (pp. 212-213, 304 sq.)
la philosophie pessimiste (pp. 237, 309-310)
la mort de Mathieu (pp. 259-260)
un acte héroïque de Lazare (p. 318 sq.)
Pauline redonne la vie à l’enfant (p. 360 sq.)
les dernières pages (pp. 393-394).

ÉTUDES THÉMATIQUES

1. La composition de
La joie de vivre: on étudiera le plan du roman, et l’on comparera les ébauches à l’œuvre achevée.

2. Le personnage de Lazare. Les projets et les entreprises de Lazare
: la musique, la médecine, l’industrie, les grands travaux, les affaires, le théâtre…

3. Le personnage de Pauline. À opposer éventuellement à Louise.

4. Le personnage du docteur Cazenove et la médecine.

5. Deux thèmes majeurs du roman
: mort et fécondité.

6. La philosophie pessimiste.

7. L’abbé Horteur et la religion.

8. Le village de Bonneville
: cadre de l’action, sujet d’étude sociologique et symbole.

9. Le personnage de Véronique.

PROLONGEMENTS

1. La peinture de la mer
On pourra étudier les descriptions du roman sous l’angle pictural.

2. La vie des paysans et des pêcheurs

Quels aspects de la vie locale Zola a-t-il privilégiés
? Bien que l’action soit précisément située (sur la côte normande), peut-on parler de pittoresque?

On pourra rechercher d’autres documents iconographiques et romanesques concernant la Normandie (Maupassant).

3. Lazare.
Symbolique du nom et thème iconographique.

BIBLIOGRAPHIE

A. FERNANDEZ-ZOILA 1 Les folies de Zola.

II: Interactions des folies dans «La Joie de Vivre».
1: Situations et types psychopathologiques 

(1) Hôpitaux psychiatriques, Gentilly 94250, FRANCE

Résumé

Personnages psychopathologiques sur la scène du roman de Zola: interactions de la psychose cyclique de Lazare, de la mélancolie de Véronique, de la paranoïa de Mme Chanteau et du masochisme de Pauline.
Contrastes de la position pessimiste (douleur-tristesse) et de la position nihiliste, plus thérapeutique par son travail de dissolution des fantasmes et des illusions.

Revue :

Annales médico-psychologiques   ISSN 0003-4487   CODEN AMPYAT 
1985, vol. 143, no1, pp. 1-13


CITATION

« Dans l’ironie amère de La Joie de vivre, Émile Zola a fait entrer une prodigieuse somme d’humanité. Parmi ses plus remarquables romans, il en a peu écrit qui aient autant de grandeur que l’histoire de cette simple famille bourgeoise dont les drames ont pour décor superbe la mer, la mer féroce comme la vie, comme elle impitoyable, comme elle infatigable, et qui ronge lentement un pauvre village de pêcheurs bâti dans un repli de falaise. Et sur le livre entier plane, oiseau noir aux ailes étendues: la mort. »

Guy de Maupassant