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Prières miraculeuses et remèdes de grand-mère
Le cahier d’Alice




Introduction

Alice avait un cahier de prières, de neuvaines, et de remèdes pour soigner la plupart des maladies, avec les plantes et les légumes du potager.
La reliure à spirale, bien fatiguée, avait été rafistolée avec du ruban adhésif.


On venait la consulter, lui demander de faire une neuvaine pour une maladie, ou un choc de l’existence. Les gens avaient l’impression qu’elle serait mieux écoutée qu’eux par les saints guérisseurs. Elle savait toujours auquel s’adresser pour recevoir un soulagement.

Alice savait écouter. Sa discrétion était exemplaire.


C’est en sa mémoire que j’ai voulu partager le contenu de son cahier, après y avoir mis un peu d’ordre (présentations sous forme de tableaux, par ordre alphabétique) et avoir ajouté des notes en bas de page sur quelques saints peu connus, ou légendé certaines maladies.


J’ai respecté la division du cahier en deux grandes parties : d’abord les
prières miraculeuses, puis les remèdes, qui s’accompagnent parfois de quelques recettes de cuisine.


L’ensemble est
très émouvant : on voit clairement quels étaient les soucis et les préoccupations de nos ancêtres, à une époque où l’on se soignait si peu, où le médecin et les remèdes étaient coûteux.


Foi ou superstition, c’est un problème que nous nous refusons d’évoquer ici. Notre attitude est humble face aux manifestations de cette piété populaire.

Comme les chansons et les légendes, les textes appartiennent au
folklore ; les historiens des mentalités et les sociologues s’y intéressent.


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Les lieux de pèlerinage


Les lieux de pèlerinage sont nombreux dans l’Avesnois, riche en chapelles miraculeuses.

Les
gestes rituels sont pétris de signification : ainsi l'on récite le chapelet en faisant le tour du sanctuaire à l'intérieur puis à l'extérieur, représentant de la sorte l'aller et le retour d'un pèlerinage.

Ainsi, à Larouillies, on faisait sept fois le tour de la chapelle de Sainte-Face pour se préserver toute l’année des maladies des yeux. Auparavant, on s’agenouillait devant le prêtre, qui bénissait en posant l’extrémité de son étole sur la tête du croyant.

Puis, avant de partir, on laisse un objet près du saint, en remerciement : un cierge, un chapelet, des fleurs séchées, une béquille ou un soulier d'enfant, des épingles s'il s'agit d'un mal qui pique, ou encore un petit pain.

L'ex-voto le plus simple et le plus courant est sans conteste
le ruban qui symbolise l'attachement au saint, la continuité des prières, le bandage des plaies dont on implore la guérison : c'est la marque d'une sorte de pacte conclu avec le saint guérisseur.

Sources et fontaines étaient des lieux de culte depuis le fond des âges, et une christianisation plus ou moins tardive n’a pu toujours les débarrasser de quelques traits archaïques, en dépit de la substitution, aux nymphes et autres divinités païennes, du patronage plus orthodoxe de saints locaux ou de saints de notoriété universelle.

Ces pèlerinages à des fontaines ou à des arbres montrent la continuité d'un culte poursuivi sur place depuis des millénaires, où les traditions aussi bien païennes que chrétiennes s'unissent en un curieux syncrétisme.

Dans son ouvrage
Le Folklore du Cambrésis et du Hainaut, Arnold Van Gennep (1) a mis en lumière une distinction capitale entre le culte populaire des saints et le culte officiel que leur rend l'Église.


Le clergé fait de son mieux pour imprimer aux pèlerinages un caractère de piété raisonnable et de vraie foi, tout en se prêtant, comme la bienveillance le veut, aux exigences du culte populaire. Mais on peut regretter qu’il n’y ait plus d’eau bénite dans les églises, désormais toujours fermées.


image Nord-Découverte, 20 juillet 2017, DR

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Les saints guérisseurs


Les saints thaumaturges, ou guérisseurs, sont traditionnellement liés à la vie populaire. Chacun a sa spécialité, que l’on connaissait naguère par cœur.

On ne peut se déprendre d’
une certaine émotion face à cette médecine de la prière, et d’une sollicitude angoissée, que justifient les misères physiologiques de l’époque, celles qui marquent les milieux populaires plus que les autres : la prière est un moyen d'espérer une vie meilleure.



Il n'y a pas pratique plus œcuménique que celle qui consiste à invoquer par la prière
le secours d'un saint.

Le saint est forcément choisi en fonction de ses vertus, un saint devant généralement sa spécialité à sa propre histoire ou plutôt à
son martyre — lisez la terrible oraison à sainte Marguerite, page 33 —, bien que certains saints soient invoqués pour des raisons restées obscures.


Dans le langage populaire, les maladies portent parfois le nom du saint qui seul pouvait les guérir : le feu Saint-Antoine, ou mal des ardents (intoxication par l’ergot de seigle), le mal Saint-Bonaventure (panaris), le mal Sainte-Catherine (brûlures), le mal Saint-Fiacre (hémorroïdes), le mal Saint-Hubert (rage), le mal Saint-Jean ou mal caduc (épilepsie), etc…


À chaque occasion on se place sous la protection d'un saint : lors de la maladie, des épidémies, du mauvais temps néfaste aux bêtes et aux récoltes.

Le paysan ne croit guère au médecin, qui coûte cher, et n’est pas toujours efficace.



Aussi les saints sont-ils traditionnellement liés à la vie populaire et sont avant tout des
« saints guérisseurs ».

Ils sont nombreux à être implorés, chacun ayant, si l'on peut dire, sa « spécialité », que l'on connaît de génération en génération, et que certains almanachs publient encore de nos jours : sainte Véronique vient en aide aux enfants faibles, saint Méen guérit les maladies de la peau, saint Loup secourt les épileptiques, saint Germain est invoqué contre le « carreau » ou le « gros ventre » des enfants et, d'une manière générale, contre les troubles digestifs, si nombreux en milieu rural au XIXe siècle.

La crainte du « carreau », si redoutable souvent, rappelle
la forte mortalité infantile du siècle dernier. D'autres saints facilitent le développement physique des enfants « noués ».



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Des mots pour panser


Toutes ces prières ont des caractères communs ; si des noms de saints apparaissent dans les formules, il n'en reste pas moins que c'est
toujours Dieu lui-même, ou en la personne de son Fils, qui opère l'action bénéfique ; on notera aussi le parti à peu près constant de rattacher cette action aux souffrances de la Passion, et, au-delà de la seule guérison du corps, c'est la recherche du repos éternel, du salut de l'âme qui est vivement espéré.


De nombreuses prières, très émouvantes, demandent qu’on épargne au croyant une mort subite : la
« bonne mort » doit se voir venir, après confession, et l’administration des derniers sacrements.

Philippe Ariès (2), grand historien des mentalités, dans son essai
L’Homme devant la mort, montre que, jusqu’au milieu du XVIIIe s., la mort commune, normale, espérée, ne prend pas en traître, même si elle est accidentelle à la suite d'une blessure, même si elle est l'effet d'une trop grande émotion, comme cela arrivait. Son caractère essentiel est qu'elle laisse le temps de l'avertissement.

Cette représentation de la « mort apprivoisée » domine les prières du cahier d’Alice.


La dévotion à la Sainte Vierge est particulièrement vive, 18 % des églises étant placées sous son patronage.

Deux catégories de maladies conduisaient les familles, et surtout les mères, à se tourner vers la Vierge Marie : les maladies infantiles et les maladies mentales.


Également
très émouvantes sont les prières qui implorent secours contre les aléas de la vie : discorde familiale, angoisses récurrentes, protection contre la guerre, lutte contre l’alcoolisme ; pour obtenir la pluie qui sauve les récoltes, pour un enfant qui ne marche pas, qui souffre d’énurésie, pour trouver un travail :



« 
Faites, Mon Dieu, que je trouve un travail qui me donne force, courage et dignité.

Faites, Seigneur, que ce travail me permette de nourrir ma famille.

Seigneur, je remets le sort des miens et de moi-même entre vos mains.
 »



Du point de vue de leur composition, ces textes sont également intéressants : on y observe des
assonances et des rimes destinées à aider la mémoire.

Le latin joue un rôle capital dans les formules, en raison de sa qualité de langue sacrée ; pour ces gens simples, il reste ésotérique et tire sa valeur de lui-même.




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La médecine des pauvres


Qui d'entre nous, s'il est enfant du peuple, ne se rappelle certains procédés ou remèdes empiriques d'un usage courant ? Il existait une sorte d'autarcie médicale, à la campagne en particulier.


Ses recettes, Alice les a peut-être recopiées dans de petits manuels, tel
Le Médecin des pauvres, ou bien on les lui a transmises oralement.


Le principe de ces petits ouvrages correspond bien à la conception du monde qui est celle des paysans, à travers cette idée que l
'environnement et l'homme font corps, et que celui-ci doit trouver dans la nature tout ce qui est nécessaire à subvenir à ses besoins et à guérir ses maux.


Dès le Moyen-Âge, il était coutumier que de nombreuses espèces thérapeutiques fussent cultivées dans les jardins de monastères ou des presbytères, les religieux et les curés étant dépositaires d'un
« savoir soigner » ; on faisait confiance à ces médecins des âmes pour sauver aussi le corps.

On cultivait aussi, dans les
« jardins de curé » (3), de petits plants d'herbes destinés à la fois à relever les plats en cuisine et à préparer des remèdes : de la menthe, de la sauge, du romarin, du persil, de l’ail, de l’oignon, du houblon, de l’aubépine, de la digitale, entre autres.


Les livrets de médecine pour les pauvres se gardent bien de répercuter des formules magiques.

Il semble au contraire que l'un de leurs buts non explicité fut de
lutter contre le recours aux sorciers.

Ces manuels à usage populaire restent profondément liés aux théories que professe
la médecine érudite depuis l'Antiquité grecque. Ils ignorent tout des découvertes qui remettent en question les savoirs anciens : aucune allusion à Harvey, à Malpighi et aux premières observations par microscope.

Hippocrate et Galien restent les pères de cette médecine.



Dernière remarque : les soins sont
affaire des femmes, et particulièrement des femmes âgées. L’historienne Françoise Loux précise qu'au sein de la famille, le rôle de soigner revient alors essentiellement aux grands-mères (d'où les « remèdes de grand-mère » ).

Elles connaissent les secrets de l'histoire familiale et ont l'expérience due à leur âge. De plus, du fait de leur activité réduite, elles ont le temps de cultiver ou d’aller cueillir des plantes médicinales ; elles gardent les petits enfants, ce qui transfère le savoir de l’une aux autres.
L’enseignement se fait alors tout naturellement.

Même si son cahier est méthodiquement divisé en deux parties, Alice allie la prière et les plantes.
La médecine de Dieu est une médecine alternative.



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Georges de La Tour, La Femme à la puce, huile sur toile, vers 1638, Nancy, Musée lorrain





1. Arnold Van Gennep, Le folklore de la Flandre et du Hainaut français (Nord) ; Paris, G. -P. Maisonneuve, 1936 ; 2 vol. gr. in-8,. 1.416 et 425-740 pages.

2. Philippe Ariès, Images de l’homme devant la mort (Seuil, 1983) ; L’homme devant la mort (Seuil, 1977) ; Essais sur l’histoire de la mort en Occident (Seuil, 1975).

3. D’une époque remontant à la Révolution française, le jardin de curé assurait traditionnellement la subsistance du curé mais aussi pouvait subvenir à nourrir et à soigner les paroissiens dans le besoin. 
Pour être considéré un « vrai » jardin de curé, il doit posséder sept éléments essentiels : 
• des fruits et légumes • des fleurs qui serviront à la décoration de l’église • du buis symbolisant l’éternité • une source d’eau pour désaltérer les oiseaux • de la vigne pour le vin de messe • des plantes aromatiques et médicinales • et évidemment, une statue de la Vierge Marie.


4. Françoise Loux : 
Le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle, (Coll. «La tradition et le quotidien » .) Paris, Flammarion, 1978 ; Sagesse du corps: la santé et la maladie dans les proverbes français, Françoise Loux, Philippe Richard, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1978.



Plan du cahier d’Alice :

A. Tableau des saints guérisseurs avec la date de leur fête, leur principales invocations

B. Tableau des prières avec pour entrée le nom des saints invoqués

C. Tableau des prières avec pour entrée le nom de chaque maladie ou cause invoquée (plus de 100 prières)

D. Tableau de prières pour les maladies des animaux

E. Tableau de quelques prières magiques trouvées ailleurs (pour comparer)

F. Tableau des remèdes avec pour entrée la maladie à soigner

G. Tableau des remèdes avec pour entrée la plante qui sert à soigner

Nombreuses notes en bas de page (biographie de saints obscurs, noms populaires des maladies, références historiques)



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