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La subordonnée complétive


Observation

Étrange rencontre

Messire Yvain, pensif, chemine au travers d’une profonde forêt jusqu’au moment où il entend par le bois un grand cri de douleur. Il se dirige du côté où il a entendu le cri et, en arrivant de ce côté, il voit dans une terre en friche un lion et un serpent qui le tenait par la queue et lui brûlait tout l’arrière-train d’une flamme ardente. Messire Yvain ne s’attarde pas à regarder ce prodige: il se demande auquel des deux il viendra en aide. Alors il se dit qu’il portera secours au lion, puisqu’à l’être venimeux et méchant on ne doit faire que du mal. Et le serpent est venimeux: de sa bouche jaillit du feu tant elle est pleine de méchanceté.
Aussi messire Yvain pense
qu’il commencera par le tuer. Il tire l’épée, s’avance et met l’écu devant son visage pour que la flamme, que le serpent rejette par sa gueule plus large qu’une marmite, ne lui fasse aucun mal. Si le lion, après, l’attaque, la bataille n’est pas finie: mais, quoi qu’il arrive, pour le moment il veut l’aider parce que la pitié l’engage et l’invite à porter secours et aide à la bête vaillante et noble. […]
Quand il eut délivré le lion, il imagina qu’il devrait le combattre, mais il ne le pensa jamais sérieusement. […] Messire Yvain sait en vérité que le lion le remercie et s’humilie devant lui parce qu’il a tué le serpent et l’a sauvé de la mort. Voilà qui lui plaît beaucoup.



Chrétien de Troyes,
Yvain ou le Chevalier au lion, Gallimard, Folio.



Questions


1. Quels mots sont respectivement complétés par les groupes de mots en
bleu?

2. Posez directement la question contenue dans le groupe de mots en
vert. Quelles transformations sont nécessaires?

3. Quel mot est complété par les groupes de mots en
rouge? Peut-on supprimer ou déplacer ces groupes de mots en rouge?


Leçon

1. Définition

Il existe trois types principaux de subordonnées
:

les propositions subordonnées relatives, introduites par un pronom relatif, et qui complètent un nom ou un groupe nominal (voir leçon)
Ex.
: Yvain/voit/un lion et un serpent qui le tenait par la queue.
Sujet/V/GN COD

les propositions subordonnées complétives qui sont complément du verbe de la proposition principale. Elles sont introduites par la conjonction que.
Ex.
: Messire Yvain pense qu’il commencera par tuer le serpent.

— les propositions subordonnées circonstancielles introduites par une conjonction ou une locution conjonctive: quand, puisque, dès que.

Ex.: Quand il eut délivré le lion, il se reposa.



2. La proposition subordonnée complétive introduite par que

Définition

La proposition subordonnée complétive introduite par
que est un élément essentiel de la phrase.
Fonctions
• Elle peut avoir les mêmes fonctions que le groupe nominal dans la phrase de base.
Le plus souvent, elle occupe la fonction de complément d’objet direct du verbe de la proposition principale.
Ex.
: Messire Yvain/pense/qu’il doit porter secours au lion.
                   Sujet/verbe/COD

• Elle peut, plus rarement, être attribut du sujet
:
Ex.
: Le fait/est/que le lion est en danger.
         Sujet/verbe d’état/attribut du sujet

• Plus rarement encore, elle peut être le sujet de la phrase
; dans ce cas, le verbe principal se met à la troisième personne du singulier.
Ex.
: Que le lion soit en danger [cela]/n’étonnera personne.
                                              Sujet/GV

Caractéristiques

1. Transformations

• La subordonnée complétive ne peut pas être supprimée
:
Ex.
: *Messire Yvain pense.

• Elle ne peut pas être déplacée
:
Ex.
: *Qu’il doit porter secours au lion. Messire Yvain pense.

• Elle peut être remplacée par un pronom
: le si la complétive est complément direct du verbe, en ou y si la complétive est complément indirect du verbe:
Ex.
: Messire Yvain souhaite que le lion triomphe. Messire Yvain le souhaite.
Messire Yvain doute
que le lion triomphe. Messire Yvain en doute.
Messire Yvain pense
qu’il doit porter secours au lion. Messire Yvain le pense.
Messire Yvain s’attend à ce que le lion triomphe. Messire Yvain s’y attend.
Messire Yvain se souvient
de ce que le lion préfère. Messire Yvain s’en souvient.

2. Le mode des verbes dans les complétives complément d’objet

Le verbe de la proposition subordonnée conjonctive introduite par
que est soit à l’indicatif (ou au conditionnel), soit au subjonctif.
C’est le sens du verbe de la principale qui impose le mode du verbe de la subordonnée.





— Propriétés de la subordonnée complétive

• 
Types de phrases

Seule la phrase de type déclaratif peut être transposée en une subordonnée complétive introduite par
que.
Le fait de subordonner une phrase à une autre élimine la phrase interrogative et la phrase impérative
:
— la phrase interrogative passe du discours direct au discours indirect
:
Ex.
: Lancelot demande au roi: « Me ferez-vous chevalier? »/ Lancelot demande au roi s’il le fera chevalier.

— la phrase impérative subit la même transformation ou elle est réduite à l’infinitif:
Ex.
: Le roi ordonne à Lancelot: « Allez combattre mes ennemis! »/Le roi ordonne à Lancelot d’aller combattre ses ennemis.

La subordonnée complétive par
que joue donc un rôle fondamental dans le passage du discours direct au discours indirect.

Remarque

La subordonnée interrogative indirecte est complément d’objet direct d’un verbe de sens interrogatif
:
Ex.
: Yvain/se demande/si le lion a besoin d’aide.

              Sujet/Verbe/COD

La proposition interrogative indirecte est un élément essentiel de la phrase. Elle appartient au discours indirect. Au discours direct, on dirait
:
Ex.
: Yvain se demande: « Est-ce que le lion a besoin d’aide? »


Formes de phrases

la subordonnée complétive accepte toutes les formes de phrases
:

— négative
: Yvain sait que le serpent n’est pas une bête loyale.
— passive
: Yvain voit que le lion est attaqué par le serpent.
— impersonnelle
: Yvain dit qu’il est difficile de se battre dans ces conditions.
— emphatique
: Yvain pense que c’est le lion qui gagnera le combat.

Pour l’expression écrite

Il est parfois possible de transformer la proposition subordonnée complétive en la réduisant
:

— à un groupe nominal
:
Ex.
: Le médecin souhaite qu’Estelle guérisse./Le médecin souhaite la guérison d’Estelle.

On obtient une phrase simple. Celle-ci est d’un niveau de langue plus soutenu, et d’un usage moins courant, que la phrase complexe correspondante.

— à un groupe comportant un verbe à l’infinitif
:
Ex.
: J’entends que les enfants crient dans le jardin./J’entends les enfants crier dans le jardin.


Retenons

Il existe trois sortes de subordonnées
: les relatives, les complétives, les circonstancielles.

La subordonnée complétive est essentielle à la phrase
: elle ne peut être ni supprimée ni déplacée.

Elle est le plus souvent COD du verbe de la proposition principale. Dans ce cas, le mode de la complétive dépend du sens du verbe de la principale.

Elle joue un rôle important dans la transposition du discours direct au discours indirect.


Leçon publiée dans Grammaire et expression 5e Nathan