Le texte argumentatif
Sommaire
du dossier
1. Les techniques de l’argumentation
a. la démonstration
F. Jacob, Une race
pour chaque individu
b. la réfutation
Voltaire, L’affaire
Calas
2. La rhétorique de l’argumentation
a. l’organisation du texte
Pierre Albert, Les
fonctions de la presse
b. les exemples
Montesquieu, « Paris » , Lettres
persanes
3. L’argumentation dans le texte littéraire
a. argumentation et personnages
J. Rouaud, le stylo à
bille, Les Champs d’honneur
B. argumentation liée à l’auteur, aux personnages et au
lecteur
La Fontaine, Les Deux
pigeons
Synthèse : le texte argumentatif
Lecture intégrale : Voltaire, Zadig
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1. Les techniques de l’argumentation
a. la démonstration
Une race pour chaque individu
Au cours des dernières décennies, à mesure qu’on observait
des caractères plus nombreux et mieux définis grâce à des
techniques plus fines, on a découvert avec stupéfaction que
les différences entre individus, animaux ou humains, sont
extraordinairement plus étendues, qu’elles touchent une
variété de caractères incroyablement plus grande qu’on ne
l’avait soupçonné jusque-là.
Quand on analyse certains traits, comme la structure de
protéines sériques, ou divers groupes sanguins, ou les
antigènes d’histocompatibilité —, on observe, parmi les
individus d’une population naturelle, une diversité défiant
l’imagination. Dans les peuplades d’Amérique centrale, la
variété trouvée au sein d’un petit village de quelques
dizaines d’habitants est déjà aussi grande qu’entre
villages relativement éloignés. Ce qui caractérise une
population, ce n’est donc pas de posséder en bloc une série
de caractères bien tranchés à l’exclusion de certains
autres ; c’est, au contraire, de présenter une
certaine distribution des différents traits observés dans
l’ensemble de l’espèce humaine, par exemple des groupes
sanguins ou des antigènes d’histocompatibilité.
Devant cette situation, le concept même de race, ou encore
de sous-espèce ou variété comme préfèrent le nommer les
naturalistes, ce concept tend à se diluer. De fait, seule
l’espèce repose sur une base biologique bien définie. Le
découpage en sous-espèces a toujours été fondé sur des
critères assez arbitraires, et qui le deviennent plus
encore avec la diversité reconnue aux individus.
À mesure que s’accroît le polymorphisme, décroît l’utilité
des sous-espèces pour la classification, non seulement des
êtres humains, mais du monde animal tout entier. Il y a
quelques décennies par exemple, pour classer les escargots
d’une certaine espèce vivant en Amérique du Nord, les
zoologistes avaient jugé utile de distinguer jusqu’à
soixante-huit sous-espèces. Aujourd’hui, pour tenir compte
des données récentes de la biochimie, il faudrait
multiplier ce nombre par un facteur voisin de dix… À la
limite, il faudrait concevoir une race pour chaque
individu.
Le découpage des espèces en sous-catégories conduit à figer
les descriptions dans des cadres artificiels. Il ne traduit
pas la réalité, cette énorme diversité, cette dynamique qui
fait la richesse du monde vivant. Parler de races,
aujourd’hui, évaluer les individus d’après leur origine et
leur appartenance à tel groupe biologique ou social, relève
ainsi d’un mode de pensée désuet.
d’après François JACOB,
La logique du
vivant, Une histoire de l’hérédité,
© Gallimard, 1970.
François Jacob, né à Nancy en
1920 est un biologiste français, auteur de travaux sur
la génétique bactérienne pour lesquels il a obtenu le prix
Nobel de médecine en 1965, avec les professeurs Monod et
Lwoff. Il a publié la Logique du vivant, une
histoire de l’hérédité (1970), Le jeu des possibles, essai
sur la diversité du vivant (1981), une
autobiographie : La Statue
intérieure (1987) et la Souris, la mouche et
l’homme (1997).
Observation
1. Ce
texte vous paraît-il uniquement destiné à des spécialistes
de biologie ?
2. En quoi l’auteur du texte peut-il être tenu pour digne
de confiance dans le domaine scientifique ?
L’intérêt
du texte
3. Relevez, dans le premier paragraphe, tous les mots et
expressions qui insistent sur le caractère surprenant du
résultat de l’étude.
4. Quelle est la phrase essentielle du premier
paragraphe ?
5. Quelle expression du 2e paragraphe reprend cette idée
essentielle ?
6. Quel exemple est donné dans le 2e paragraphe ?
Quelle est la conclusion partielle ?
7. Quelle opposition est faite dans le 3e paragraphe ?
8. De quelle manière et pourquoi, au 4e paragraphe,
généralise-t-on à l’ensemble du monde animal ?
9. Quel nouvel exemple est donné à l’appui ?
10. Quelle est la conclusion du texte ?
Un
raisonnement par l’absurde
11. S’il existait une race, comment devraient être tous les
individus de cette race ?
12. Que nous indique l’observation des êtres humains et du
monde animal ?
13. Quelle conclusion serait-on donc amené à faire d’après
les observations (§4) ?
14. Quel est donc le résultat de la démonstration ?
Expression
écrite
Un
exposé
Préparez un exposé d’une dizaine de minutes afin de
présenter à l’ensemble de la classe l’ouvrage d’Albert
Jaccard, Moi et les
autres,
édition du Seuil, coll. Points Virgule ou celui de Tahar
Ben Jelloun, Le racisme expliqué à ma
fille,
édition du Seuil, 1998.
L’essentiel
Dans le domaine des sciences, une des formes privilégiées
de l’argumentation est la démonstration.
La démonstration mathématique repose sur des propositions
considérées comme acceptées, parce qu’elles sont évidentes
(axiomes) ou parce qu’elles résultent d’un accord
(postulat).
La démonstration scientifique ne s’appuie pas sur des
croyances ou des idées mais sur des principes admis ou
établis par la science (lois, observations, expériences).
Le raisonnement par l’absurde consiste à montrer qu’une
proposition contradictoire à la thèse que l’on veut
démontrer aboutit à une conclusion fausse.
1.
Les techniques de l’argumentation
b. la réfutation
L’affaire Calas
Marc-Antoine Calas,
protestant prêt à se convertir au catholicisme, est
retrouvé pendu. Par peur de la répression religieuse, la
famille dissimule le suicide et on accuse le père, qui est
torturé, condamné à mort et exécuté. Le texte suivant est
extrait d’un pamphlet, le Traité sur la
tolérance, dans lequel Voltaire
s’engage à réhabiliter Jean Calas. L’écrivain obtint gain
de cause.
Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de
soixante-huit ans, qui avait depuis longtemps les jambes
enflées et faibles, eût seul étranglé et pendu un fils âgé
de vingt-huit ans, qui était d’une force au-dessus de
l’ordinaire ; il fallait absolument qu’il eût été
assisté dans cette exécution par sa femme, par son fils
Pierre Calas, par Lavaisse, et par la servante. Ils ne
s’étaient pas quittés un seul moment le soir de cette
fatale aventure. Mais cette supposition était encore aussi
absurde que l’autre : car comment une servante zélée
catholique aurait-elle pu souffrir que des Huguenots
assassinassent un jeune homme élevé par elle, pour le punir
d’aimer la religion de cette servante ? Comment
Lavaisse serait-il venu exprès de Bordeaux pour étrangler
son ami dont il ignorait la conversion prétendue ?
Comment une mère tendre aurait-elle mis les mains sur son
fils ? Comment tous ensemble auraient pu étrangler un
jeune homme aussi robuste qu’eux tous, sans un combat long
et violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout
le voisinage, sans des coups réitérés, sans des
meurtrissures, sans des habits déchirés ?
Il était évident que, si le parricide avait pu être commis,
tous les accusés étaient également coupables, parce qu’ils
ne s’étaient pas quittés d’un moment ; il était
évident qu’ils ne l’étaient pas ; il était évident que
le père seul ne pouvait l’être ; et cependant, l’arrêt
condamna ce père à expirer sur la roue.
Le motif de l’arrêt était aussi inconcevable que tout le
reste. Les juges qui étaient décidés pour le supplice de
Jean Calas persuadèrent aux autres que ce vieillard faible
ne pourrait résister aux tourments, et qu’il avouerait sous
les coups des bourreaux son crime et celui de ses
complices. Ils furent confondus, quand ce vieillard, en
mourant sur la roue, prit Dieu à témoin de son innocence,
et le conjura de pardonner à ses juges.
Voltaire (1694-1778),
Traité sur la
tolérance, ch. 1. (1763)
François Marie Arouet, dit Voltaire (Paris, 1694 —
1778)
Ses débuts en littérature (des
vers contre le Régent) furent ceux des démêlés de toute une
vie avec le pouvoir : séjour à la Bastille, exil en
Angleterre, refuges dans ses propriétés de Cirey puis de
Ferney, près de la frontière suisse. Admirateur du XVIIe
siècle, il écrivit de nombreuses pièces de théâtre, mais
c’est par ses poèmes, ses contes, ses essais historiques
qu’il propagea les idées philosophiques de liberté et de
tolérance, ainsi que par ses campagnes en faveur de
victimes d’erreurs judiciaires. Voltaire est un maître du
conte vif et spirituel.
Observation
1. D’après son titre, quelle hypothèse pouvez-vous faire
sur le contenu de l’ouvrage dont est extrait ce
texte ?
2. Quel est le but de l’auteur dans ce passage ?
L’intérêt
du texte
3. Combien de complices auraient dû participer à
l’assassinat de Marc-Antoine Calas ?
4. En quoi la participation de la servante, de la mère, de
l’ami était-elle impossible ?
5. Quel type de raisonnement Voltaire utilise-t-il ici pour
prouver l’innocence de Calas ?
6. Jean Calas a-t-il été condamné sur des preuves
formelles ? Quel fait renforce la certitude de son
innocence ?
7. Quelle est la position de Voltaire sur la pratique de la
torture ?
8. Par quels mots et expressions Voltaire attire-t-il la
pitié du lecteur sur Calas ?
La
réfutation
9. Dans le 1e paragraphe, Voltaire formule deux hypothèses
qu’il nie d’emblée : lesquelles ?
10. Quel mot introduit l’argumentation de Voltaire ?
11. Quels éléments de la 2e hypothèse sont repris point par
point
12. Quel type de phrase l’auteur utilise-t-il pour
présenter les différentes raisons de nier ses hypothèses de
départ ?
13. Quelle expression introduit chaque étape de
l’argumentation dans le 2e paragraphe ?
14. Comment s’enchaînent les éléments du
raisonnement ? Sur quel paradoxe se conclut le 2e
paragraphe ?
15. Sur quelle opposition est construit le 3e
paragraphe ?
Expression
écrite : La réfutation
Faites dialoguer un jeune couple qui aime faire ses courses
pendant le week-end et un employé d’hypermarché qui
s’oppose à l’ouverture des magasins le dimanche. Trouvez
trois bonnes raisons de part et d’autre.
L’essentiel
La réfutation est un type de raisonnement qui consiste à
attaquer et à détruire la thèse opposée à la sienne. C’est
une forme particulière d’argumentation, très souvent
utilisée dans les plaidoiries d’avocat, les articles de
presse, les tracts, la littérature engagée, les essais mais
plus rarement dans le domaine scientifique.
Pour réfuter, on peut rétablir la vérité en dénonçant des
contresens, des omissions, des interprétations
fausses ; en relevant des contradictions ; en
dénonçant des raisonnements contestables, ou des
manipulations ; en dénonçant l’insuffisance,
l’étroitesse du système de valeurs de l’adversaire et en
lui opposant des valeurs supérieures (liberté, générosité,
égalité, morale…)
2.
La rhétorique de l’argumentation
a. l’organisation du texte
Les fonctions de la presse.
[…]
Étude publiée
dans Textes et
méthodes Nathan 3e, 1999.
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