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Zola, Germinal

Présentation
Notes critiques

texte intégral du roman ici

Incipit
Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n’avait la sensation de l’immense horizon plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur une mer, glacées d’avoir balayé des lieues de marais et de terres nues. Aucune ombre d’arbre ne tachait le ciel, le pavé se déroulait avec la rectitude d’une jetée, au milieu de l’embrun aveuglant des ténèbres.

L’homme était parti de Marchiennes vers deux heures.
(…)

PRÉSENTATION


LE CONTEXTE DE PUBLICATION:

Date de parution: 1885
(En feuilleton du 26 novembre 1884 au 25 février 1885.)

Principaux événements:

En littérature:
A. Daudet,
Tartarin sur les Alpes; A. France, le Livre de mon ami; J. Laforgue, les Complaintes; G. de Maupassant, Bel-Ami; H. Ridder Haggard, les Mines du roi Salomon.

En musique:
J. Brahms,
Symphonie n°4 en mi mineur
A. Dvorak, Symphonie n° 2 en ré mineur; J. Strauss, le Baron tzigane (opérette).

En peinture:
P. Cézanne,
le Jugement de Pâris; Fleurs et Fruits; Paul Cézanne; E. Degas, Jockeys à l’entraînement; Après le bain.

En politique:
rivalités coloniales des nations européennes (Afghanistan, Afrique, Indochine, Pacifique)
; chute de Khartoum (mort de l’Anglais Gordon); guerre serbo-bulgare; loi de répartition en Angleterre (création des circonscriptions électorales).

Sciences et techniques:
invention de la première machine à additionner (W. Burroughs, USA), du transformateur (W. Stanley, USA)
; vaccination d’un enfant mordu par un chien enragé (par Pasteur); étude des centres fonctionnels du cerveau (par Charcot).

L’action se passe en 1866-1867
(Quelques points de repère dans le roman comme la guerre du Mexique.)

Quelques événements contemporains :

La Prusse qui a vaincu l’Autriche à Sadowa (1866) devient une grande puissance; les USA achètent l’Alaska à la Russie (1867). La même année, la France défend les États du Pape (défaite de Garibaldi à Mentana) et abandonne Maximilien au Mexique (il est exécuté par les Juaristes).

En littérature le Parnasse jette ses derniers feux (Catulle Mendès,
le Parnasse contemporain, anthologie), le réalisme (les frères Goncourt) va bientôt céder la place au naturalisme (Zola, Thérèse Raquin, 1867).

Par ailleurs, entre 1877 (date de
l’Assommoir) et 1885, le mouvement ouvrier s’organise malgré les rivalités entre « communistes » et anarchistes (Congrès du Gard, 1877).

Face aux mouvements syndicaux (Congrès des syndicats, Lyon, 1878), le gouvernement réagit parfois brutalement (procès de J. Guesde en 1878). Cependant, malgré le congrès ouvrier socialiste de Marseille (1879), des divisions qu’accentue le retour des « communards » (amnistie en 1880) font perdre des sièges au mouvement ouvrier aux législatives de 1881 (des échos dans
Germinal).

C’est en 1882 que l’on voit s’affronter, jusqu’à la scission, les partisans de Rasseneur, ceux de Guesde, les blanquistes et les anarchistes (attentat de Lyon, 1883). Il y a donc superposition des luttes des années 80-84 aux conditions sociales de la fin du Second Empire.


Biographie de Zola

Zola entre Nana et Germinal:

1880
: parution de Nana en roman. Zola quitte le journalisme.

1881
: recueils de différents articles: les Romanciers naturalistes; le Naturalisme au théâtre; Nos auteurs dramatiques; Documents littéraires; Œuvres critiques.

1882
: Pot-Bouille; le Capitaine Burle (nouvelles).

1883
: Au bonheur des dames.

1844
: la Joie de vivre; Naïs Micoulin (nouvelles); publication en feuilleton dans Gil Blas de Germinal (à partir du 26 novembre 1884). Le roman est composé entre le 2 avril 1884 et le 23 janvier 1885.

1885
: fin de la publication en feuilleton (25 février 1885) parution en librairie en mars.


Le mouvement ouvrier en 1885


L’Empire tombé, les républicains modérés ont écrasé le mouvement ouvrier dans le sang en mai 1871. mais les communards amnistiés sont rentrés en 1880.

1874
: loi qui interdit l’emploi des femmes au fond des mines et des enfants de moins de douze ans.

1877
: Jules Guesde fonde L’Égalité, premier journal socialiste inspiré des thèses de Marx.

1878 — grève des mineurs d’Anzin.

1879
: Congrès ouvrier socialiste de France, fonde le premier « parti socialiste».

1881-1882, le mouvement socialiste se scinde en deux courants.

1884
: loi qui instaure la liberté des syndicats.

Grèves minières au Nord en 1880-1884
; à Monceau-les -Mines en 1882.
Peu de courants anarchistes en France, bien qu’une tentative d’attentat ait été déjouée en 1883 contre Jules Ferry. Courant nihiliste en Russie (nombreux attentats).

Zola publie un article « 
La République en Russie » dans Le Figaro du 20 mars 1880. Il est sensible aux révoltés nihilistes, aux femmes marchant derrière Bakounine: les images fondatrices de Germinal se mettent en place.

La genèse du roman

Jules Verne a écrit Les Indes noires en 1877. En 1878, dans Sans famille, Hector Malot a déjà évoqué la vie des mineurs de Varses, dans les Cévennes.

Paul Heuzy, dans La Vie d’Antoine Mahieu, a évoqué la révolte d’un jeune mineur, une inondation dans la mine; Maurice Talmeyr, dans Le Grisou a repris le motif de la grève avec intervention de l’armée; mais il fallait le génie de Zola pour orchestrer la tragédie, le mythe, l’épopée, et dépasser les descriptions naturalistes et compassionnelles.

Le 21 février, la grève touche 12
000 mineurs à Anzin. Elle durera jusqu’au 17 avril… Zola s’y rend le 23. Il arpentera le carreau des mines d’Anzin et de Denain durant huit jours. il parcourt les corons, assiste à des réunions syndicales, interroge des mineurs et des femmes de mineurs, entre dans les demeures et les cafés, se familiarise avec les revendications: son enquête est sans précédent. il va descendre au fond de la fosse Renard — moins 675 mètres et la visiter jusque dans ses galeries les plus étroites, durant cinq heures. Il s’est fait raconter la grève de 1866.

L’enquête de Zola se poursuit à Paris dans les milieux des militants ouvriers et socialistes. Il écoute Jules Guesde, Paul Lafarge, le gendre de Marx.

Zola se retire à Médan. Il écrit la première page de Germinal le 2 avril 1884. Son » roman socialiste » lui donne un « travail de chien». Il se confie à Henri Céard
: « C’est un de ces livres que l’on fait pour soi, par conscience». Il écrira la dernière page le 25 février 1885.

La publication en feuilleton dans le Gil Blas s’arrêtera le 25 février — avec censure du passage de la castration de Maigrat et des propos de Souvarine. L’œuvre paraît en volume le 2 Mars.

La critique s’incline, pour la première fois. Mais avec une certaine complaisance à contempler les qualités esthétiques du roman pour mieux en escamoter la portée sociale…

Hugo meurt le 22 mai 1885
: il n'a probablement pas lu Germinal.



LE TITRE

Le titre n’est pas venu d’un coup à l’imagination de Zola qui avait d’abord pensé à différentes allusions politiques ou à des métaphores tirées du feu (le feu souterrain, le feu qui couve, le sol qui brûle), ou encore de la fissure (coup de pioche, la maison qui craque, la lézarde). C’est avec d’autres essais qu’il se rapprochera le plus du titre qu’il retient pour finir: moisson rouge, sous terre, le grain qui germe, le sang qui germe.

Le titre définitif contient une allusion historique à l’émeute de 1795 (1er avril
: le peuple envahit la Convention en réclamant du pain; repoussé par la Garde nationale, il s’insurge à la fin du même mois).

Mais c’est sans doute le symbole qui retient davantage Zola
: la semence du futur germant dans les actions présentes. « Les graines, écrit-il, sont les idées de liberté, d’égalité qu’on a semées dans le peuple. »

La trouvaille de Zola est d’une portée incontestable. Faut-il ajouter qu’outre le verbe
germer, les sonorités de ce titre évoquent à la fois malingre (qui en est l’anagramme exacte), et donc l’antithèse de la production, et les anagrammes approximatives que donnent: imaginer, marginal, l’an maigre, etc.? Le mot contient aussi presque toutes les lettres de la mine, de galérien, de galerie




HISTOIRE ET FICTION


En choisissant comme fil conducteur du récit Étienne Lantier, le fils de Gervaise, Zola a voulu clairement montrer la filiation qui existe entre l
’Assommoir, Nana et Germinal. On se souvient que Gervaise s’est, d’une certaine façon, réalisée dans Nana, mais qu’en réalité c’est la part la plus obscure d’elle-même, sa mort, qui se réalise sous les espèces de la jouissance et du gaspillage.

Profondément il fallait à Zola le contrepoint à ce déterminisme (et ce n’était pas un hasard si la femme lui offrait fantasmatiquement le lieu de la dégradation la plus accomplie).

Par là (et comme aussi dans la Fortune des Rougon voir la fiche sur ce roman), Zola retrouve la dimension des grands mythes. Ici le plus transparent semble être celui de Thésée, héros solaire qui, descendant au labyrinthe (ici: la mine) pour affronter la bête dévoratrice (ici: le Voreux, celui qui dévore et vomit), en revient vainqueur.

Il peut d’ailleurs être intéressant de rechercher tout ce que le roman comporte d’images chtoniennes (le Voreux vorace qui dévore et vomit, la « maison morte, sans lumière, sans feu, sans pain » du dénouement final, etc.).

On pourra aussi se demander pourquoi cette importance dévolue à ces quadrupèdes, Bataille, Trompette, représentés jusque dans le patronyme du méchant, Chaval. Ainsi donc pour posséder la mère (ici la matière, l’énergie), il faut tuer le père, le châtrer (cf. le sort que subit, dans le roman, l’épicier Maigrat).

Le personnage dominant est, bien sûr, Étienne Lantier. Le fils de Gervaise était, dans le projet initial de Zola, destiné à devenir un criminel, mais ce rôle, après
Germinal, sera dévolu à Jacques Lantier (le héros de la Bête humaine cf. fiche sur ce roman). Apprenti forgeron dans l’Assommoir, Étienne, renvoyé de la Compagnie des Chemins de fer, devient herscheur, puis haveur à la fosse du Voreux.

Le héros fait son éducation socialiste
: sous l’influence de Souvarine (on pense aux anarchistes russes comme Kropotkine) il s’initie aux idées de Bakounine mais bifurque vers le mouvement ouvrier. Il sera le chef de la grève tragique de Montsou (Zola pense à l’exemple récent de la grève des mineurs d’Anzin). À ses côtés les Maheu, famille de mineurs depuis cinq générations et surtout leur fille Catherine, en butte aux assauts d’un amant jaloux, Chaval. L’union d’Étienne et de Catherine trouvera un dénouement sanglant au fond de la mine.


Pistes d’étude

• Analyse du roman (analyse des six parties, découpage temporel, contenu narratif).

• Les personnages du récit (personnages ou acteurs
? rôles sociaux, etc.).

• Les éléments dramatiques (on pourra, à titre d’exemple étudier de près, dans cette optique, le siège de l’hôtel du directeur, V, 6).

• La nourriture dans Germinal (analyse comparée du repas de la Ducasse chez les Maheu, et de celui chez les Hennebeau, le premier jour de la grève).

• Le plaisir et les plaisirs dans
Germinal.

• La surface et le fond
: deux univers opposés.

• On tentera de préciser ce que l’on entend par « écriture naturaliste », à partir de
Germinal.


Dossiers

• La documentation de Zola pour écrire Germinal.

• Le « socialisme » de Zola.

• Lexique des termes techniques.

• Mise au point d’un lexique des termes techniques.


Recherches

• La vie dans la mine à la fin du XIXe siècle.

• L’évolution du mouvement ouvrier à la fin du Xix siècle.

• La mine et les mineurs dans la littérature.

Lectures complémentaires

• En priorité, l’ensemble des
Rougon-Macquart.

• La mine
: Sans famille d’Hector Malot, 1878 (mine dans les Cévennes, IIe partie).
Les
Indes noires (J. Verne, 1877).

J.-P. Chabrol,
la Gueuse, A. Crémieux, Fosse quinze, 1930 et P. Hamp, Gueule noire, 1938.


Bibliographie succincte:

C. Abastado, GERMINAL de ZOLA, Hatier, Profil d’une œuvre, 8, 1970.

M. Bernard, ZOLA, Le Seuil, coll. Écrivains de toujours, 7, 1952.

D. Bertrand, GERMINAL, Péd. moderne, Lectoguide, 2, 1980.

P. Cogny, ZOLA ET SON TEMPS, Larousse, Textes pour aujourd’hui, 1976.

A. Dezalay, LECTURES DE ZOLA, A. Colin, U prisme, 1, 1973.

I. M. Frandon, AUTOUR DE « GERMINAL », LA MINE ET LES MINEURS, Genève, Droz, 1955.

J. Fréville, ZOLA SEMEUR D’ORAGES, Éditions sociales, 1952.

B. de Jouvenel, VIE DE ZOLA, Julliard, rééd. 1979.

Henri Mitterand, ZOLA, tome II, l’Homme de Germinal, Fayard, 2001.

H. Psichari, ANATOMIE D’UN CHEF-D’ŒUVRE, GERMINAL, Mercure, 1964.

A.M. Vial, GERMINAL ET LE « SOCIALISME » DE ZOLA, Éditions sociales, 1975.

DICTIONNAIRE DES TYPES ET CARACTÈRES LITTÉRAIRES, Nathan, 1978.

DICTIONNAIRE DES FIGURES ET DES PERSONNAGES, Gamier, 1981, (article
: « Eugène Lantier »).

Sur la mine on lira
: Le charbon (PUF, Que sais-je? 193) et Les mines (PUF, Que sais-je? 465).

Filmographie:

La Grève (F. Zecca, 1903); Germinal (A. Cappellani, 1913; Y. Allégret, 1963, C. Berri, 1993).