méthodes apprentissage lecture 
#2
Bonsoir,

Je ne suis ni "syllabiste" ni "globaliste" : cette opposition caricaturale me paraît tout à fait dépassée.
Malgré un net manque de temps (d'où le manque de rédaction de ces notes), je tente de répondre en donnant quelques informations sur les modèles d'acquisition du langage écrit en question entre 1980 et 2002.


1. Qu'est qu'apprendre à lire ?

- apprendre une convention

- apprendre sous l'impulsion d'un enseignement explicite

- apprendre à maîtriser des procédures

- apprendre à automatiser.

Une convention : 

car arbitraire du signe écrit.

L'oral s'acquiert naturellement grâce aux interactions avec l'environnement.

L'écrit : enseignement explicite, impulsion extérieure : c'est culturel.

But : faire que cet apprentissage soit automatisé. Cela ne devrait pas coûter de l'énergie à l'élève pour décoder : l'énergie cognitive peut se reporter ailleurs. 

Or en 6e, grande proportion d'enfants qui ont encore beaucoup d'énergie à mobiliser pour décoder (suboralisation)


De l'oral à l'écrit :

Depuis 10-15 ans, on met en relief l'étroitesse des liens entre compétences langage écrit et langage oral (vocabulaire, syntaxe, compétence articulatoire). Ce n'est pas un hasard si la rééducation du langage écrit commence par une rééducation du langage oral. (historiquement : le langage écrit a été créé pour transcrire de l'oral)


Connaissances implicites - explicites :

Exemple des unités de son

Difficultés pour un enfant de 6-7 ans : découper les flots de sons de l'oral

Ex : "table" : obligatoirement, dans l'apprentissage, il faut passer à l'alphabet.

La lecture commence d'abord par la capacité à segmenter le langage oral.

Pour un enfant de 2 ans, prendre conscience du mot se fait par les variantes combinatoires ("tu vas à table"/"tu vas au lit" : il isole le mot "table")

Grande section de maternelle : il doit pouvoir isoler les syllabes : s'il ne reconnaît pas deux syllabes dans "lapin", il y a problème (c'est un moyen de dépistage pour des difficultés ultérieures en lecture).

Après, sous l'impulsion de l'écrit, il découpe en sons puis en lettres.

Avant la lecture, ce qui est primordial, c'est de savoir isoler les sons de la langue.


2. Les modèles théoriques d'apprentissage


Un modèle est une proposition théorique fondé sur une observation de recherche. Ils s'annihilent et/ou se complètent.

Le modèle de 1985 n'est plus contesté.


A. Modèle à deux voies (avant 1980)

inférences à partir des pathologies acquises du langage écrit : alexie d'adultes cérébro-lésés (Marshall et Newcombe, 1966)

• un groupe ne pouvait lire des "non-mots" : déficit de conversion graphème-phonème : ex *rinalu.

Lecture de vrais mots plutôt OK avec parfois des erreurs sémantiques, telles que "vase" pour "antique" indiquant apparemment un certain accès à la signification du mot écrit.

apprentissage de la lecture à deux voies pour les lecteurs experts : décomposition des sons puis reconnaissance de l'un des mots que l'on a en stock.



• d'autres patients ont été observés qui avaient un déficit de lecture de mots d'exception. Pas de déficit de lecture des "non-mots", mais lecture altérée de mots d'exception. pas capable de lire un mot que l'on ne connaît pas, ex "empan"


On en donc déduit un "modèle à deux voies" dans lesquels se reconnaîtront les "syllabistes" et les "globalistes" :


Mot >>> analyse visuelle

-voie 1 : recherche dans un stock de mots connus >>> lecture : système sémantique

- voie 2 : lecture par assemblage de sons : système de conversion de phonèmes en graphèmes.


B. Modèle de Frith (1985)

- non validité du modèle à deux voies

- établit trois phases du développement de la compétence.


1. phase logographique 

A 5 ans un enfant sait "lire" "coca-cola" : reconnaissance "logo" sans compétence de reconnaissance des sons.


2. Au CP : phase alphabétique.

Reconnaissance d'un stock de mots (mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps) : phase de pré-lecture.

Lecture au CP-CE1 : apprentissage du découpage, isoler les sons de la langue. (en espagnol on peut s'arrêter là en gros, car correspondance graphème-phonème)

En français : à 80 % même correspondance graphème-phonème : ensuite, 20% de mots avec non correspondance ex : "oiseau"


3. CE2-CM1 : phase orthographique.

L'élève se constitue un stock, cf adultes, avec mémorisation des exceptions.


(ici je pourrais développer sur l'apparition de la dyslexie, mais mon message serait trop long)


Le modèle de Frith a été révolutionnaire. Il s'est développé en mettant l'accent sur les interactions entre la lecture et l'écriture, il a lancé des rééducations en lecture à partir de l'écriture.


C. Modèle de Seymour (1996)

(je passe sur le schéma explicatif du modèle)

Il considère que les élèves utilisent les 3 stratégies en même temps :

- pour les mots nouveaux on ferait de l'alphabétique (cf noms propres)

- plus on est expert, plus on fait de l'orthographique.


La lecture compréhension ( à l'encontre de la lecture devinette "logographique") a été étudiée par Gough et Walsh. (je résume très vite)

Au collège, compréhension orale très supérieure à la compréhension écrite.


Bref :

On apprend 

- en segmentant

- en assemblant (mémoire de travail verbal)

- en automatisant

On apprend à lire en mémorisant

- des informations visuelles

- des informations phonologiques

- des informations orthographiques.


Bon, je m'arrête là, en très gros, l'intérêt du dernier modèle est dans la mise en valeur de la simultanéité des processus. L'orthographique intervient très tôt : ex des élèves qui ne voient pas d'erreur dans "capeau" pour chapeau ou "cenise" pour cerise. Il faut les dépister très vite.

Mais cela nous entraînerait sur le terrain de la dyslexie, et mon message est trop long. J'espère faire un peu avancer la réflexion.


Cordialement.
Noli dei pueros putare pro feris anatibus ! (Michel Audiard)
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Messages dans ce sujet
méthodes apprentissage lecture  - par Leah - 13/01/2015, 23:54
RE: méthodes apprentissage lecture  - par Annasoror - 13/01/2015, 23:59

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