x
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.
Pour en savoir plus, consultez notre charte.



Le maître autel de l’église de Larouillies


Histoire
État actuel
Projet de restauration



Stacks Image 213

I. Histoire du maître autel


La construction du choeur actuel : 1768



Les paroissiens de Larouillies, en cette seconde moitié du XVIIIe siècle, souhaitent agrandir leur église, devenue trop petite pour contenir tous les fidèles.


De grands travaux sont envisagés : la construction d’un chœur et d’un clocher de taille plus imposante.


Les Archives départementales du Nord conservent la lettre que les paroissiens ont adressée au prieur de l’abbaye de Liessies, sollicitant la permission d’accomplir les travaux. Nous la publions et la transcrivons ci-dessous.


Ces travaux sont contemporains du chœur de l’église d’Avesnelles, qui présente le même plan, mais dans des proportions moins imposantes, et dont les hautes fenêtres sont actuellement murées. Ce seront les derniers travaux permis par l’abbaye de Liessies avant sa destruction, vingt plus tard, pendant la tourmente révolutionnaire.


L’abbaye de Liessies possédait la collation de toutes ces cures, en particulier celle d’Etrœungt dont l’église de Larouillies dépendait comme vicariat, jusqu’à la Révolution.


Celle collation avait été accordée à l’abbaye de Liessies par Manassès, évêque de Reims et de Cambrai, par une charte datée du 25 février 1103.


Mais une petite église existait à Larouillies bien avant cette date, et probablement dès le IXe siècle ; comme l’église voisine d’Etrœungt, elle fut détruite dans les invasions des Français en 1543 et 1552. C’est en 1570 qu’on en éleva une nouvelle, agrandie en 1768.


NOTES
N
ous mettons en garde contre certains ouvrages d’histoire locale qui, recopiant les erreurs de P. Chevalier sans se référer aux sources, datent la transformation de l’église de Larouillies en 1700 : c’est faux.


Autre mise en garde, à propos des démolitions du choeur primitif et de la sacristie, qui furent réclamées par l’abbaye et charroyées à Liessies : un ouvrage récent sur cette abbaye y voit le signe d’une avarice des moines. Ce n’est pas la véritable raison. A l’époque, l’on considérait que tous les matériaux d’une église consacrée étaient bénits, et il était hors de question de les jeter à la voirie ou de les réutiliser pour des constructions profanes. On a moins de scrupules de nos jours…








Stacks Image 171
Stacks Image 179



Transcription du document

Texte de l’adresse :

A Monsieur
Monsieur l’abbé de Liessies

Remontrent les mayeur, échevins, jurés et la plus saine partie des habitants de Larouillies soussignés que le chœur de leur église a besoin de grosses et urgentes réparations.

Supplient Monsieur l’abbé de Liessies en sa qualité de collateur de leur paroissse de vouloir bien rebâtir le chœur, lui donnes vingt huit piés sept pouces environ de largeur sur trente cinq piés et demi environ de longueur le tout en dehors et de laisses six pié d’espace derrière l’Autel pour tous services de sacristie.

Lesdits habitants par reconnaissance de ce bienfait auquel Monsieur le prieur de Liessies ne sont nullement tenu se chargent de faire toute les voitures nécessaires, abbandonnent les Matériaux de leur ancienne sacristie et se chargent de l’entretien de l’espace de six piés de France aussi longtems que cet espace tiendra lieu de sacristie.

Bien entendu que Me prieur de Liessies ne pourront être chargés en aucun temps de bâtir une sacristie. Si lesdit habitans jugeraient à propos d’en avoir une autre que ledit espace de six piés qui se trouvera derrière l’autel.

Fait à Larouillies le trente du mois d’Aout l’an mille sept cen soixante sept

Simon Cercelier, mayeur
J. Lefebvre
P.J Ronniaux
Pierre Joseph Contesse
Jean Baptiste Néreince
Louis Gillion
S. Fourdrin
Jean Reignier
Pierre Lejeune
Jean François Néreince
Philippe Marchand
Joseph Cercelier
P.J. Hédon
+ une signature illisible

(NB : orthographe originelle préservée)


Apostille

Nous Grégoire Dupire Abbé de Liessies consentons que le chœur de Larouillies soit rebâti suivant les proportions, charge et condition proposée et acceptée par nous et par le Mayeur, échevins et habitants de Larouillies.

Fait à Liessies le 30 août 1767.

Par ordonnance
Dom Joseph Gille, procureur de l’Abbaye de Liessies






Le retable du maître autel

Stacks Image 286
Stacks Image 288


Description

De dimensions monumentales, le retable du maître autel est placé à l’abside, au fond du chœur. Il est éclairé par six grands vitraux colorés du XIXe siècle. Sa décoration est fouillée et généreuse.

De style baroque, il présente quatre colonnes torses
animées d'un mouvement en spirale ascendante, dites salomoniques, parce que les colonnes torses conservées dans la basilique Saint Pierre du Vatican passaient pour provenir du Temple de Salomon.

Les colonnes torses symbolisent la prière qui s’élève vers Dieu.

Elles sont surmontées de flamboyants chapiteaux corinthiens dorés à la feuille.

Ses sculptures sont richement dorées selon le même procédé.

Baroques, les angelots, les guirlandes de fleurs et de fruits, les flammes, qui frappent par leur élégance et leur grâce souriante, dans cette modeste église de campagne.

Les anges sont les intermédiaires entre Dieu et les croyants.

Le retable est surmonté, au plafond, par la colombe du Saint-Esprit et une inscription.

Il date probablement de la fin du XVIIIe siècle : le livre de la fabrique ne porte aucune trace de son édification après la date de 1823.

La taille et la majesté du retable principal de l’église de Larouillies sont exceptionnelles : c’est un arc de triomphe.





Qu’est ce que l’art baroque ?


L'art baroque se développe à Rome au début du XVIe siècle. C’est l’esthétique de la Contre Réforme, un art qui a été défini par le Concile de Trente (1545-1563).
C’est
un courant artistique qui va s'exprimer en musique, en peinture, en architecture et en littérature.

En réaction contre les progrès du protestantisme, le Concile de Trente affirme la possibilité pour le chrétien de rencontrer Dieu non seulement par la raison mais aussi par le sentiment et l'émotion.

L’art baroque se caractérise par la richesse des couleurs, des matériaux -l’or, le marbre -, des costumes, des ornements, par le mouvement des plis, des gestes, des attitudes, par des lignes architecturales en mouvement.

Les sculptures d’anges et de putti joufflus et moqueurs, souvent dorés, sont omniprésentes, de même que les volutes, spirales, rocaille, cartouches, etc.

La beauté est un hommage à Dieu : l’art qui répond à ce principe, savant et subtil, recherche une expression de majesté et de puissance.
Art d’imagination, d’invention, de somptuosité, de contrastes…

Jusque dans les églises des campagnes, les autels, avec les retables dorés et peints, la surabondance des statues, des chandeliers, des fleurs, semblent parés pour une fête.

Le baroque se prête à une imagerie familière pour toucher des milieux simples et leur transmettre, par une figuration à la fois accessible et merveilleuse, l’enseignement de l’Église et la rassurante présence des saints protecteurs.




Photo ci-dessous : le baldaquin du Bernin au maître-autel de la basilique Saint-Pierre de Rome, au Vatican, où les colonnes se mettent à virevolter sur elles-mêmes, et présentent cet aspect typique qu'on appelle « colonne de Salomon ».

Mises à la mode par Le Bernin, elles sont reprises et copiées partout en Europe à l’âge baroque.

Stacks Image 436




Qu’est-ce qu’un retable ?


Dans le chœur, l'autel est surmonté d'un tabernacle et dominé par un retable symbolisant le trône du Christ et la porte du ciel.

Le mot retable vient de l’expression latine retro tabula altaris, «en arrière de l'autel ».

Le retable est un ensemble menuisé et sculpté, qui occupe généralement tout l'espace disponible du mur du fond d'une abside ou d'une chapelle latérale.

Réalisés en bois tendres (pin, peuplier ou tilleul), ou en bois plus noble (chêne), les retables présentent presque tous une finition extrêmement précieuse : dorure et polychromie.

La grande période de l'âge d'or des retables est le 17e et 18e siècles.

Les retables ont une fonction d’enseignement de la doctrine fixée par le Concile de Trente : culte de la Vierge, culte des saints.

L'abondance décorative et la richesse constituent un hommage à Dieu.




Qu’est-ce qu’un tabernacle ?


Le tabernacle est une petite armoire contenant les hosties consacrées ; il est placé au milieu du maître-autel.

À l’origine, le tabernacle était le temple portatif où les Hébreux enfermaient l’Arche d’alliance et les objets sacrés.

Par la suite, le terme a désigné le petit meuble placé sur l’autel contenant les objets de l’eucharistie (ciboire, ostensoir).

À la suite du concile de Trente, l’accent mis sur le sacrement de l’eucharistie fait du tabernacle l’élément central de la liturgie.

Par sa position, le retable a bénéficié de cette évolution.

D’après les prescriptions du Missel romain du Concile de Trente, le tabernacle doit être «
placé dans un lieu très noble, un signe bien visible, bien décoré et permettant la prière ».





Travaux de 1850 à 1868


Selon le Livre de fabrique :

1850 : Composition du conseil de fabrique : M. Valentin Nairince, président, M. Florentin Contesse, trésorier, M. Louis Cervoise, secrétaire
Le curé de Larouillies est Maître Célestin Barbet.

en 1850 : achat d’une nouvelle table d’autel

en 1867 :
« Dans la séance du six janvier 1867, le conseil de la fabrique de l’église de Larouillies a autorisé le trésorier à remplacer le pavé du sanctuaire et du chœur de cette même église par des dalles de marbre qui, s’élevant à la dépense de cinq cents francs, à la condition que la fabrique 1° n’aura à verser que cent francs ; 2°qu’elle se chargera des frais de pose. »
Maître Lacomblez, curé, M. Florentin Contesse (maire), MM. Pierre Simon Baudry, Magloire Bosquet, Pierre Hédon, marguilliers

En 1868 :
«Le Conseil de fabrique de l’église de Larouillies dans la séance du cinq janvier mil huit cent soixante-huit a autorisé son trésorier à remplacer les trois marches du chœur par quatre marches de marbre noir pour la somme de trois cents francs à valoir sur les exercices des années 1868 et 1869. Les frais de pose sont à la charge de la fabrique. Monsieur le curé fait toutes les avances de fonds sans exiger aucun intérêt.

Dans la même séance le conseil a décidé à l’unanimité la restauration des autels latéraux aux mêmes conditions si les dons volontaires qu’il espère ne suffisent pas. ».

(La même année et aux mêmes conditions, le conseil décide la réfection de quatre vitraux « 
à la condition que M. le curé fera les avances d’argent». Nous reviendrons sur les travaux de restauration et d’embellissement de l’église dans une autre page.)

Selon le Registre des Annales de la paroisse :
Acquisition d’une nouvelle table d’autel
« L’an mil huit cent cinquante, le conseil de Fabrique a fait démolir l’ancien maître-autel qui consistait en une grossière maçonnerie dont le dessus était couvert d’une planche et le devant ainsi que les côtés étaient enveloppés d’antipalles en bois marbrés et en a fait construire un nouveau au sieur Ferdinand Cambreleng, menuisier à Berlaimont, avec un gradin, un degré et un marchepied.
L’agneau qui se trouve sur le devant de l’autel et les ornements de l’autel et du gradin, à l’exception des rosaces, sont sculptés en bois et dorés.
Le tout a coûté cent quatre-vingt-trois francs qui ont été payés par la fabrique à l’aide d’une quête qui a été faite dans le village par le curé et un membre de la fabrique et qui a produit cent quinze francs.»

Autres travaux
En 1867, M. Lacomblez est le curé de la paroisse, M. Florentin Contesse est le maire de Larouillies.
« Peinture du maître-autel en bois de chêne pour la somme de 181 francs payés par la fabrique.
À cette occasion on a restauré la boiserie du maître-autel pour le prix de douze francs.
Pose des dalles en marbre noir et blanc dans le sanctuaire.
Cette dépense à laquelle la fabrique est restée étrangère, les frais de pose exceptés, s’élève à 500 francs procurés par M. le curé.
Dalles du chœur en marbre noir et blanc fourni par M. le curé qui les a payés 710 francs.
Deux marches de marbre noir et blanc posées aux petits autels la même année et payées 80 francs par la fabrique.
Une bande de marbre blanc posée à la même date et pour 10 francs autour des marches du maître-autel et payée par la fabrique.
Deux urnes d’autel faites par M. Jamart d’Étrœungt posées à la même date et payées par la fabrique pour la somme de 151 francs.
Peinture à la même date, avec dorures, des petits autels et l’achèvement du maître-autel par Gosseaux de Leval pour le prix de 140 francs payés par la fabrique.»
Nota :
La fabrique a été aidée dans ces dépenses par : - M. Simon Baudry qui a donné 140 francs dont 40 portés au libre journal à l’exercice 1867 et 100 à l’exercice 1868 - M. Florentin Contesse (50 francs exercice 67) - M. Hazard Baudry (50 francs exercice 68) - et M. Balasse (10 francs exercice 68).


Divers ornements en fonte pour achever le maître-autel payés à M. Deleaux à Avesnes.

En 1927, restauration des chandeliers de l’autel principal (maire, M. Charles Paul, curé M. René Blankaert.)





II. État actuel du retable principal de Larouillies : après le concile de Vatican II




Avec le concile de Vatican II (1962-1965), l’aménagement liturgique est redéfini, et le prêtre doit désormais célébrer la messe face au peuple.

L’utilisation des retables devient alors obsolète : ils disparaissent parfois de l’environnement sacré par des actes de vandalisme non sanctionnés (destruction, démantèlement).

Mais aujourd’hui, la place du retable dans le décor religieux se développe ; on reconnaît que ce monument de notre patrimoine compose même un élément décoratif essentiel de nos églises, quand il n’a pas été détruit.



Le maître autel de Larouillies a subi bien des avanies en 1962.

Pour des raisons d’économies, il n’a pas été décidé d’acheter un autel nouveau pour le placer au centre du chœur.

Le tabernacle a atterri dans un vague cagibi, sous l’escalier montant à la tribune.

Notre église étant consacrée à la Nativité de Notre-Dame, la niche contenait probablement une statue de la Vierge dont nous n’avons plus trace.

La table d’autel a été détachée du retable et placée au centre du chœur.

Comme elle ne tenait pas debout, elle a été calée avec des pierres prélevées au cimetière qui entourait l’église à l’époque !

Le menuisier du village a confectionné une armoire en contreplaqué en guise de tabernacle.

Pour couronner le désastre, de nombreuses sculptures dorées ont été barbouillées d’une terrible peinture marron foncé et doivent être restaurées.

Stacks Image 400
La table d’autel a été détachée du retable et placée au centre du chœur.
thex Created with Sketch.
Stacks Image 404
La table d’autel a été calée avec des pierres prélevées au cimetière.
thex Created with Sketch.



Les marches de marbre qui menaient à l’autel ont été détruites ou fort endommagées.



Stacks Image 383
thex Created with Sketch.
Stacks Image 387
thex Created with Sketch.




Le tabernacle, dans le cagibi…


Stacks Image 251




III Le projet de l’Association Larouillies Patrimoine



Créée en 2015, l’Association Larouillies Patrimoine s’est donné pour but, en accord avec les représentants de la paroisse et de la municipalité, de restaurer la beauté de l’église de Larouillies, de faire connaître son passé et de la mettre en valeur.

Parallèlement à la réfection du clocher par la municipalité, en 2017, des travaux de nettoyage et de restauration ont été entrepris : statues, santons.

Le projet 2018 est de reconstituer le maître autel, d’offrir à l’église un autel neuf respectueux des canons liturgiques, et de refaire le carrelage de marbre du chœur.

Vaste programme !

La première étape a été d’extraire le tabernacle de son cagibi : il est en cours de restauration, dorures, peinture de fond, menuiserie.

Stacks Image 253
Stacks Image 268






Voici, ci-dessous, un montage photographique figurant l’aspect du maître autel tel qu’il serait reconstitué :


Stacks Image 281






Le 25 août 2019, installation, dans le choeur de l’église de Larouillies, d’un autel en bois massif sculpté du XIXe siècle, provenant de l’église de Féron

Stacks Image 466
Stacks Image 456




Mise en place de la pierre d’autel, prélevée sur la table d’autel précédente.

Cette pierre d’autel contient des reliques.



L’autel a été couvert d’une nappe brodée main en lin blanc.