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Version complète : Aragon Richard II Quarante
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Je cherche (désespérément) une étude du poème Richard II quarante- Je ne suis vraiment pas certaine de mon analyse...Et j' ai une élève qui doit me le présenter cette semaine!
Quel est le lien entre Jeanne d' Arc et Richard II ?
On parle d' un roi malheureux mais n' était-il pas un roi , au contraire, des plus heureux!
Parle-t-on de son frère ?
Et...pourquoi quarante dans le titre? Bref, je nage!
Bonsoir,
Ce poème est l’un de ceux que j’aime le plus au monde, que je me récite si souvent que... je ne m’y risque qu’en tremblant. Juste pour vous rendre service...

Consultez d’abord ce site de l’université de Münster, très riche sur Aragon, et qui explique très bien les circonstances de la composition du Crève Coeur (1941):

http://www.uni-muenster.de/Romanistik/Aragon/werk/mittel/cc_f.htm

« Richard II Quarante »

Le titre fait allusion à une tragédie de Shakespeare sur un roi anglais trahi et abandonné par les siens. Le texte de Shakespeare contient l’expression “roi de ses douleurs” 

La strophe 1, éclairée par le titre « Quarante » qui indique une année, fait référence à l’occupation de Paris par les Allemands en août 1940.

Aragon la met en parallèle avec les heures les plus sombres de la guerre de Cent ans (alors que toute la partie septentrionale de la France était aux mains des troupes anglo-bourguignonnes, Jeanne d’Arc réussit à convaincre le capitaine de Vaucouleurs de la conduire auprès de Charles VII en Janvier 1429).

Dans les deux cas, la patrie est menacée et la France occupée, mais c’est le présent qui soucie le poète dans l’attente d’une moderne Jeanne qui viendra délivrer Paris.

Les références à cet épisode douloureux se multiplient au fil du texte, lui donnent son sens et expliquent la tristesse du ton et la souffrance de l'énonciateur.

On comprend alors l’image de la patrie à la dérive (v. 1 et 2), la sensation que rien ne peut être comme avant («Adieu printemps du Quai-aux-Fleurs » v. 19).

S’éclairent les adresses aux occupants : « Ah ! coupez en morceaux la France », ou « Ce que je n’ai plus, donnez-leur », des occupants oiseleurs (v 24) ou voleurs (v. 14).

Le titre évoque la répétition historique, met en parallèle la fin du XIV° siècle et les années quarante, suggérant que la même vieille histoire a tendance à se répéter au fil du temps.
Le mot « roi » évoque le pouvoir, la puissance, l’autorité, la souveraineté.
Les « douleurs » désignent des souffrances physiques ou morales, multipliées, qui peuvent s’engendrer à partir d’une cause unique.

Est «roi de ses douleurs», celui qui parvient à les dominer, à établir sur elles l’empire de sa volonté. Il pourra alors les tenir secrètes ou les dépasser.

L'énonciateur, roi de ses douleurs, choisit d’opposer aux contraintes exercées par les occupants, sa liberté intérieure, liberté de souffrir les maux de sa patrie.

La place finale de cette répétition montre le poète seul, face à l’adversité historique, à la perte de tout ce qui faisait sa félicité (sa patrie, la vie comme elle va, sa jeunesse dans un Paris libre...).

Chaque strophe se termine sur le terme de douleurs : il ne s’agit pas de nier le malheur présent, que chaque image déplore. Mais « Je reste roi », martèle le texte d’une affirmation volontaire : on peut conserver la maîtrise de soi et la dignité.

Le vers clé du poème reprend l’expression de Shakespeare (tragédie du roi Richard II): « roi de ses douleurs », modifié en « je reste roi de mes douleurs ». Il est triplement mis en valeur : répété à la fin de chaque quintil, il crée un effet de surprise à l’oreille habituée au rythme du quatrain, dont il redouble la dernière rime.

Ces trois procédés d’insistance en font le refrain triste d’une complainte.

Les deux comparaisons qui figurent dans la première strophe sont : « ma patrie est comme une barque » et « je ressemble à ce monarque ». La première évoque la perdition et la seconde explique le titre et la référence littéraire sur laquelle se fonde le poème.

Le vers 8 : « Il faut haïr tout ce que j’aime » est construit sur l’antithèse traditionnelle de l’amour et de la haine, le « il faut » marque la tension tandis que « ce que j’aime » montre à quel point l’idée est odieuse au narrateur.

« Ce que je n’ai plus, donnez-leur » (vers 9) indique le dénuement absolu de celui qui est dépossédé même de ce qu’il n’a plus, c’est-à-dire l’idée d’une patrie.

Appartiennent au champ lexical de la nature et du printemps : le vent (v. 7), le soleil (v. 16), renaisse (v. 16), le ciel (v. 17), tendre (v. 18), printemps (v. 19), Quai-aux-Fleurs (v. 19), bois et fontaines (v. 21), oiseaux (v. 22), chants (v. 23), oiseleur (v. 24) et le jour (v. 29).

— La douleur s’exprime dès le vers 4 avec « Plus malheureux que le malheur », puis à travers les expressions « roi de mes douleurs » et « coupez en morceaux » (v. 28), ainsi que par les termes : les pleurs (v. 7), souffrance (v. 26), pâleur (v. 29).

Elle est également suggérée par le vers 11 : « Le cœur peut s’arrêter de battre », et le termes : abandonnèrent (v. 2), haïr (v. 8) et meure (v. 16).

Ces deux champs lexicaux, au fil des vers, s’opposent en antithèse.

J'espère vous avoir aidée. 

Cordialement,

Anne