Passion Lettres Deux

Éphéméride 26 janvier 1855 décès de Gérard de Nerval


À quarante-sept ans, le poète Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie, se pend à une grille, rue de la Vieille-Lanterne, près du Châtelet, à Paris. Figure emblématique du Romantisme, Nerval souffrait depuis quatorze ans de crises d’hallucinations et de délire.
Bouleversé par la mort de sa mère dans sa petite enfance, il donnera une place prépondérante dans sa vie et son œuvre au mythe féminin.
Fantaisie (1832), les Filles du feu (1854), mais aussi Aurélia ou le rêve de la vie (1855) publié après sa mort, en sont le parfait témoignage.

Francis Carco, qui a écrit en 1953 une très touchante et très poétique biographie du poète, ne croit pas au suicide mais à une mise en scène macabre
: le corps de Gérard a été retrouvé les pieds affleurant le sol et son chapeau sur la tête:

« Sais-je pourquoi
? Je ne relis jamais dans les Nuits d’Octobre les passages qui ont trait à cette population obscure, errante et dolente de la nuit sans éprouver au cœur comme un pincement!… Je pense à la rue Vieille-Lanterne, au bouge où, vraisemblablement, Gérard fut assommé et pendu à la grille du dehors pour laisser croire à un suicide. Tout cela est sinistre. Peut-être provoqua-t-il une discussion intempestive, ou se livra-t-il tout à coup à une plaisanterie que la clientèle de l’endroit (abrutie par l’alcool et l’épuisement) n’était pas, comme on l’imagine, d’humeur à tolérer. La confusion qui entoure la mort de Gérard n’est, après tout — peut-être — que le prolongement de celle dans laquelle il vivait. »

Francis Carco, Gérard de Nerval, Albin-Michel 1953.

Épitaphe
Il a vécu tantôt gai comme un sansonnet,
Tour à tour amoureux insoucieux et tendre,
Tantôt sombre et rêveur comme un triste Clitandre.
Un jour il entendit qu’à sa porte on sonnait.

C’était la Mort! Alors il la pria d’attendre
Qu’il eût posé le point à son dernier sonnet;
Et puis sans s’émouvoir, il s’en alla s’étendre
Au fond du coffre froid où son corps frissonnait.

Il était paresseux, à ce que dit l’histoire,
Il laissait trop sécher l’encre dans l’écritoire.
Il voulait tout savoir mais il n’a rien connu.

Et quand vint le moment où, las de cette vie,
Un soir d’hiver, enfin l’âme lui fut ravie,
Il s’en alla disant: « Pourquoi suis-je venu? »


Cette épitaphe que Gérard avait composée pour lui-même parut bien après sa mort dans le recueil Poésies diverses (1877)