Tardi-Manchette Ô dingos, ô châteaux

Après Le Petit Bleu de la côte Ouest et La Position du tireur couché, Jacques Tardi a poursuivi sa mise en images des polars de Jean-Patrick Manchette par le surprenant Ô dingos, ô châteaux ! (Futuropolis). Noir à souhait, ce nouvel album nous saisit comme une grenade à fragmentation. Éclaboussures de sang comprises…
Troisième œuvre de Manchette, Ô dingos, ô châteaux ! se montre parfois maladroite, selon François Guérif (qui signe une belle préface), mais elle installe pour la première fois l'auteur dans le sacro-saint univers des polars. Le coup d'essai se transforme en coup de maître car Manchette obtient le Grand Prix de la littérature policière 1973 avec ce titre. Amateur du genre mais version US, il en a repris les codes et signait ici un road movie atypique, cinglant et déjanté. 
Avant de se terminer dans un bain de sang quasi apocalyptique et décapant, l'histoire prend sa source d'hémoglobine dans le rapt d'un enfant, Peter, et de sa nurse, Julie. Cette dernière sort d'un institut psychiatrique et a été embauchée par Michel Hartog, un puissant industriel philanthrope, pour garder son jeune neveu. Tout dérape quand Thompson, tueur à gages plus torturé par son estomac que par ses victimes, les kidnappe. Mais Julie n'est pas aussi bête qu'on peut le croire et va défendre le petit bec et ongles.
Pour sa troisième adaptation, Tardi maîtrise son sujet et colle à la peau de ce polar violent. Son road movie est un modèle du genre. Grâce à son sens du rythme, on arrive déjà bien amoché avant le grand final dans le «château» du Massif Central. La suite est une orgie de sang, de chair et d'os à l'ombre des vieilles pierres. Du grand art !