Jacqueline de Romilly, Jeanne

Jacqueline de Romilly, Jeanne
En 1934, une mère offre à sa fille unique une édition bilingue (grec-latin) de Thucydide en sept volumes assorti d'un conseil typiquement maternel: « Ce serait bien que tu fasses un peu de grec pendant les vacances. » Elle ne mesure pas les conséquences de son geste. Car la scène eût été banale si la jeune fille, à qui le livre avait été offert, n'avait été la future ­Jacqueline de Romilly.
La scène est racontée dans le livre bouleversant que l'académicienne a écrit sur sa mère. En 1977, à la mort de Jeanne Malvoisin, Jacqueline de Romilly avait rédigé un texte intitulé simplement
Jeanne, du prénom de l'intéressée. Elle vient d'être élue à l'Académie des inscriptions et belles lettres, couronnement de sa carrière, mais tient à dire sa piété filiale à celle qui ne vécut que pour le bonheur de sa fille. Jusqu'à ses derniers jours. Elle clôt son livre par ses mots, presque dans les larmes: « Je ne vais pas, je ne veux pas, parler de la mort de Jeanne. C'est affaire entre elle et moi.»