November 2010

La lettre et le message


En français, le même mot lettre désigne le message que l'on confie à la poste et le signe de l'alphabet.
En latin, le mot singulier
littera ne se disait que du signe de l'alphabet. Le message était désigné par le pluriel litterae, sans doute parce qu'une lettre (message) est un ensemble de lettres.

Le latin avait d'ailleurs un autre mot,
epistula, que le français a emprunté anciennement sous la forme épître. Son emploi le plus ancien se trouve dans la langue religieuse (les Épîtres de saint Paul). C'est aussi un terme de la langue littéraire : à l'imitation des Epistulae du poète romain Horace, plusieurs poètes français ont écrit des Épîtres : Marot, Boileau, Voltaire.
En parlant des lettres ordinaires,
épître peut encore se dire de nos jours, mais avec une nuance d'ironie.

Missive était un nom secondaire de la lettre. C'est à l’origine un adjectif, fait sur le participe latin missus (du verbe mittere, « envoyer » ). L’expression «lettre missive» qualifiait les lettres spécialement destinées à être envoyées, puis il s'est employé comme nom. Littré attribue à ce mot un caractère familier. Aujourd'hui le mot est considéré comme prétentieux et solennel, à moins qu'il ne soit ironique.

Au XVIIe siècle, on employait volontiers le mot
billet (d'origine obscure) au sens de lettre. Un billet était une lettre courte (nous disons encore aujourd'hui : « Vous m'écrirez un mot » ou même «un petit mot» ). Mais, surtout, il avait un caractère familier et était exempt des formules de politesse très longues et très nuancées, qui compliquaient la rédaction des lettres.

Déjà, au Moyen-Âge, une idée analogue de brièveté avait suscité l'emploi de l'adjectif
brief ou bref (du latin brevis) au sens de « lettre ». On voit par exemple, dans la Chanson de Roland, Charlemagne envoyer par des messagers un bref au chef des Sarrasins. Le mot a été emprunté par l'allemand, qui en a fait le nom usuel de la lettre, sous la forme brief.

Le diminutif
brevet désignait au XVIe et au XVIIe siècle un texte court, des notes ou des formules inscrites sur un talisman. II se disait surtout des actes par lesquels le roi conférait un don, une pension ou un honneur.
Brevet se dit encore de plusieurs certificats (brevet d'invention, brevet de capacité, brevet d'officier).

Brevet est donc resté dans le vocabulaire, quoiqu'il n'ait plus de rapport avec l'idée de « lettre ». Bref, lui, n'a subsisté que dans le vocabulaire de la chancellerie pontificale, où il se dit des lettres closes. Les lettres patentes (c’est-à-dire ouvertes) s'appellent bulles, du nom latin bulla, qui désignait le cachet en forme de « boule » qui était apposé à ces actes solennels (bulle est le mot savant venu de bulla et boule le mot populaire).Le mot message est plus général que lettre, puisqu'un message peut être transmis par voie orale ou électronique.

L'ancien français disait
mes, forme simple, à côté de message, dérivé avec le suffixe age. Mes désignait à la fois le messager et le message. Il représentait à la fois le masculin latin missus (la personne envoyée) et le neutre latin missum (la chose envoyée). Message présentait le même cumul de notions.

Les messagers jouaient un rôle important dans la vie du Moyen-Âge. C'est par leur intermédiaire que les grands personnages communiquaient entre eux. Une particularité curieuse est qu'un messager n'allait jamais seul. Ils allaient généralement par deux, parfois par trois. Peut-être étaitce une précaution, afin que le message pût parvenir à son destinataire, même si un des messagers était tué ou pris. Peut-être voulait-on également s'assurer de la fidélité de la transmission.
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Portable et Portatif

Ces deux adjectifs n’ont pas exactement le même sens.

Portable signifie: «qui peut être porté ou transporté», d’une façon générale.
Portatif signifie: «fait pour être porté avec soi, sur soi».

Voltaire appelait son
Dictionnaire philosophique «portatif».

Pour les ordinateurs et les téléphones, le terme exact serait «
portatif»; «portable» devrait s’employer pour un téléviseur, une machine à coudre, une machine à écrire.

C’est sous l’influence de l’anglais que «portable» a progressivement remplacé «portatif».

En pratique, pour les objets que nous portons avec nous (ordinateur, téléphone), nous avons le choix entre «portatif», au sens strict et «portable», utilisé désormais par la majorité des francophones.
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Chandelles, cierges et bougies

Les Romains s’éclairaient de flambeaux de bois résineux, de lampes à huile, et de cylindres de matière grasse traversés d’une mèche dans le sens de la longueur.
Il en existait de deux sortes
: les pauvres se contentaient de la candela, en suif (graisse de bœuf), les riches utilisaient le cereus, en cire.
L’usage de ces deux mots s’est poursuivi en français
: candela a donné chandoile, chandelle, et cereus a donné cierge.

Au Moyen-Âge, l’usage des cierges n’est pas réservé aux églises
; les poètes décrivent des salles de château éclairées de nombreux «cierges» donnant une lumière qui rivalise avec celle du jour.

Mais, à mesure que le mot
cierge a pris un sens religieux, un autre mot est apparu pour désigner les cylindres de cire. Comme c’était de la ville de Bougie, sur la côte algérienne, que provenait la cire la plus réputée, on disait, au XIVe siècle « chandelle de Bougie », puis « bougie ».

Les bougies étaient un luxe au XVIIe siècle
: les pauvres et les avares, comme Harpagon, s’éclairaient à la chandelle, qui sentait mauvais et dont la mèche grésillait.

La Comtesse d’Escarbagnas, dans la pièce de Molière, commande à sa servante d’allumer « 
deux bougies ». La pauvre petite, bien en peine, rétorque: « je n’ai que des bougies de suif »; toute la salle s’esclaffait à l’époque, alors que, désormais, nous ne comprenons pas que la petite n’ose pas dire, devant les invités: « Je n’ai que des chandelles »… La périphrase « bougies de suif » devait beaucoup amuser le public.

Dans le théâtre classique, on changeait ou «mouchait» les chandelles qui éclairaient les lustres et la rampe (devant de la scène) à intervalles réguliers, environ toutes les vingt minutes : la longueur des actes d’une pièce était déterminée par le temps que la chandelle brûlait sans avoir besoin d’être mouchée

Aujourd’hui, nos bougies modernes ne sont plus en cire, mais en stéarine.
Les chandelles ont disparu, mais le mot survit dans quelques expressions familières
: faire des économies de bouts de chandelle, voir trente-six chandelles, brûler la chandelle par les deux bouts, tenir la chandelle
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Être au sens d'aller

Peut-on employer le verbe ÊTRE à la place du verbe ALLER?
Les puristes le réprouvent, mais il semble bien que ce soit possible.

On peut dire
: « Elle a été au marché » tout comme on dit « Elle est allée au marché ».

Cet emploi du verbe
Être semble aussi ancien que possible.
Le français n’est pas la seule langue à employer Être au sens d’
Aller. L’anglais, l’espagnol, le latin font de même.
Cela dit, l’emploi d’« être» à la place d’« aller» reste discriminant dans la société.
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Pécuniaire

PÉCUNIAIRE est le seul adjectif correct, formé sur le latin pecunia.
Il signifie
: qui concerne l’argent, financier. Il a la même forme au masculin et au féminin.

Quant aux formes « *
pécunier » et « *pécunieux », elles ne sont pas correctes.

Ne dites pas *
des avantages pécuniers, mais « des avantages pécuniaires »;
Ne dites pas *
votre situation pécunieuse, mais « votre situation pécuniaire » ou, mieux, « votre situation financière ».
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Apprécier

Le verbe APPRÉCIER est employé correctement au sens d’« aimer, goûter, juger favorablement ».
Exemple
: Il apprécie votre bonne humeur.

En revanche, APPRÉCIER QUE est un anglicisme.
Au lieu de dire « *
J’apprécierai que vous soyez à l’heure », on dira correctement: « J’aimerais que vous soyez à l’heure », ou « Je vous saurais gré d’être ponctuel. »

APPRÉCIER suivi d’un infinitif est également incorrect
: ne dites pas « *j’apprécierai recevoir votre visite », mais dites: « J’aimerais recevoir votre visite », ou «Je vous serais reconnaissant de venir me voir ».
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Suspecter et soupçonner

Ces deux verbes sont français et leur sens est voisin, mais SUSPECTER possède un sens plus fort que SOUPÇONNER. Il implique un degré de certitude plus élevé.

Ainsi, si l’on SUSPECTE quelqu’un d’être l’auteur d’un délit ou d’un crime, c’est que l’on tient cette personne pour probablement responsable.
Si l’on SOUPÇONNE cette personne du même délit, c’est que l’on formule certains soupçons à son endroit, mais de manière beaucoup moins catégorique
Pour exprimer un degré plus ou moins fort de certitude (
possible, probable), se reporter aux fiches de langue orale placées ici
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Les chausses

Les chausses (n. féminin pluriel) sont une partie du vêtement masculin. Les hauts-de-chausses, ou chausses, désignent la culotte (de la ceinture aux genoux, ou serrée sous les genoux); les bas-de-chausses, ou bas couvrent jambes et pieds (d'où les termes chaussettes, chaussures
Selon Chrysale, une femme en sait assez si elle sait distinguer « un pourpoint (une veste courte attachée aux chausses) d'avec un haut-de-chausse » (Molière, Les Femmes savantes, v. 580).

«
Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses

VOLTAIRE, Candide, chapitre I

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Les verbes des consignes

Voici quelques verbes fréquents dans les consignes de travail scolaire, dans la plupart des disciplines.

citer : il faut chercher dans le document ce qui est demander puis écrire ce qui a été trouvé (mot, groupe de mots, phrase).

écrire : observer d’abord, puis écrire le résultat : forme, couleur, taille, nombre.

énumérer : faire la liste de …

expliquer : observer pour dire pourquoi, comment, ce qui a été observé se passe de cette façon.

repérer : chercher dans le document ce qui est demandé (localiser ?)

situer : placer à un endroit précis ce qui est demandé.

reproduire : refaire un dessin, un plan, un schéma.

se reporter à : aller vers un autre document.
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Deadline et échéance

Le mot DEADLINE que, dans le domaine de l’édition, du journalisme, de la publicité, certains emploient, est à remplacer par HEURE LIMITE, DATE LIMITE, ÉCHÉANCE.

Exemples
: « Quelle est l’heure limite pour terminer ce travail? »
« Le gouvernement devra bientôt affronter l’
échéance électorale. »

Dans le domaine journalistique, on utilise l’expression HEURE DE TOMBÉE, ou la TOMBÉE: le journaliste doit toujours connaître l’heure de tombée de l’article qu’il prépare.
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Les jours de la semaine


Les noms des jours de la semaine remontent à l’époque (fin de l’Empire romain) où, à la division de l’année en mois, seule connue des classiques, a été ajoutée la division du temps en semaine. La semaine de sept jours, d’origine orientale, a reçu en grec et en latin des noms dérivés du nombre sept : hebdomas en grec, septimana en latin (d’où provient notre mot semaine).

Ces noms sont composés du nom d’une divinité antique et du mot latin
dies, « jour ». Leur place respective n’était pas fixée à l’origine. En français et en italien, dies se trouve en second ; il se trouve en tête dans divers parlers, notamment en provençal. En espagnol, on n’emploie que le nom de la divinité sans dies. Également en roumain, par exemple luni, « lundi » ; samedi et dimanche portent des noms judéo-chrétiens et dimanche une forme tout à fait particulière.

Lundi vient du latin populaire lunis dies, « jour de la lune » au lieu du latin classique lunae dies, d’où l’ancien français lunsdi, l’italien lunedi, l’ancien provençal diluns, l’espagnol lunes. Chez les Germains, le lundi était également consacré à la lune : allemand Montag, anglais Monday.

Mardi vient du latin martis dies, « jour de Mars » (dieu de la guerre), d’où l’ancien français marsdi, l’italien martedi, l’ancien provençal domars, l’espagnol martes.

Mercredi vient du latin populaire mercoris dies, altération du latin classique mercurii dies, « jour de Mercure » (dieu du commerce et de la médecine, et messager des dieux). L’ancien français dit mercresdi, l’italien mercoledi, l’ancien provençal dimercres, l’espagnol miercoles. L’allemand dit Mittwoch, « milieu de la semaine ».

Jeudi vient du latin jovis dies, « jour de Jupiter » (le roi des dieux), de même que l’ancien français jousdi, l’italien giovedi, l’ancien provençal dijous, l’espagnol jueves. L’allemand Donnerstag et l’anglais Thursday contiennent le nom du tonnerre divinisé, assimilé au Jupiter romain.

Vendredi vient de Veneris dies, « jour de Vénus » (déesse de la beauté et de l’amour), de même que l’ancien français vendresdi, l’italien venerdi, l’ancien provençal divenres, l’espagnol viernes. L’allemand Freitag et l’anglais Friday contiennent le nom de la déesse germanique Freya, assimilée à Vénus.

Samedi remonte au latin populaire sambati dies, « jour du sabbat », où sambatum est une altération de sabbatum. Le passage de sambedi à samedi s’explique comme celui d’Ambianos (nom de peuple gaulois) à Amiens. L’ancien provençal dit disapte, l’italien sabato, l’espagnol sabado, l’allemand Samstag (anciennement sambaztag). L’anglais Saturday, « jour de Saturne » (père de Jupiter, détrôné par son fils) est le témoin d’une couche plus ancienne, antérieure à la diffusion du vocabulaire judéochrétien.

Dimanche est tout à fait à part. Il remonte à une forme du latin populaire dia dominica, « jour du Seigneur ». Il apparaît donc comme d’époque chrétienne et a remplacé un ancien dies solis, « jour du soleil », qui subsiste en anglais (Sunday) et en allemand (Sonntag). La forme dia dominica comporte un nom féminin du « jour » (dia), suivi d’un adjectif signifiant « du seigneur ». Dia dominica est devenu en ancien français diemenche, où l’a final de dia est devenu un e prononcé séparément de di et avec élimination de la syllabe do par superposition avec la syllabe initiale di. L’e de die est tombé dans la prononciation et dimanche, parfois encore féminin au Moyen Âge, s’est masculinisé sous l’influence des noms des autres jours de la semaine. L’italien dit domenica (féminin), l’espagnol domingo (masculin) et l’ancien provençal dimenge.

En principe, la date, où figure la place du jour dans le mois (le 8 novembre 2010) devrait suffire. L’adjonction du nom du jour (
mardi) ajoute une notion plus concrète, mieux localisée, mieux accueillie par la mémoire dans l’usage courant (mais non dans les dates historiques).

De plus, la semaine commande la vie quotidienne, quand ce ne serait qu’en réglant les jours de congé des adultes et des écoliers. On comprend que, lorsqu’il s’agit d’une date peu éloignée, le nom du jour suffise à localiser un événement en le précisant au besoin par un adjectif (
jeudi, jeudi prochain, jeudi dernier) ou un complément (jeudi en huit, jeudi en quinze).

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Challenge



Le mot « challenge » désigne en anglais une difficulté à surmonter. C’est un anglicisme parfaitement inutile, car il n’apporte rien de plus que le mot français « 
DÉFI ».

Dans le langage du sport, les mots CHALLENGE et CHALLENGER sont parfois utilisés.

On prononce indifféremment « 
tchalendje » ou « chalange ».

En matière de sport « 
challenge » désigne une épreuve qui met en jeu un prix, un titre, un trophée.
Dans le domaine de la boxe, « 
challenger » désigne celui qui veut arracher son titre au champion de sa catégorie.

Donc, à part dans le domaine du sport, et pour un sens restreint, voici un mot à oublier
: c’est un beau défi!
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Niveau, au niveau de…



Cette expression est mal utilisée quand nous l’employons au sens de « 
en ce qui concerne; pour ce qui est de; en matière de: sur le plan de… »

Au lieu de dire *
Au niveau du chômage, la situation s’aggrave, on dira plutôt « En ce qui concerne le chômage… »

Au lieu de dire *
au niveau financier, les taux d’intérêt sont à la baisse, on dira: « Sur le plan financier… »

Au lieu de dire *
au niveau hygiène, il y a des efforts à faire, on dira « En matière d’hygiène… »
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Le vivre et le couvert

On commet fréquemment un contresens sur l’expression « le vivre et le couvert ».

On interprète « 
vivre » comme désignant tout ce qui est nécessaire à la vie, y compris le logement, et « couvert » comme désignant des objets nécessaires au repas.

Le sens véritable est à peu près le contraire
: « le vivre », c’est la nourriture — comme aujourd’hui les « vivres » dans la langue militaire, et « le couvert », c’est le toit, le logis.
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Amener, emmener ; apporter, emporter


Ces verbes sont l’objet de fréquentes confusions.

AMENER et EMMENER, qui signifient « mener avec soi », s’emploient seulement à propos des personnes et des animaux, et jamais à propos des choses.

APPORTER et EMPORTER, qui signifient « porter avec soi », ne s’emploient qu’à propos des choses, des bébés qui ne marchent pas, donc qu’il faut porter avec soi.

Exemple
: Je vous amènerai mon fils demain; il apportera son goûter.

Ne dites pas: *j’amènerai ma console chez Léa, mais « j’emporterai ma console chez Léa ».

Il existe une différence de sens entre
AMENER et EMMENER.

APPORTER considère le point d’arrivée; EMMENER considère le point de départ.

La même nuance existe entre
APPORTER et EMPORTER :

« 
Apporte-moi le journal » (= en venant vers moi).
« 
Emportons quelques livres en vacances » (= en allant loin de chez nous).
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