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Mai 1940





LAROUILLIES en guerre



Souvenirs de plusieurs témoins recueillis au fil des années

Remerciements à eux



LA « DRÔLE DE GUERRE» : septembre 1939


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HISTOIRE


Le 3 septembre 1939, deux jours après l’invasion de la Pologne, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Cette date marque le début de la « drôle de guerre ». Jusqu’en mai 1940, l’armée française est dans l’attente.

Au cours de cette période, plus de 3 000 soldats sont morts pour la France. Le moral et l’état d’esprit sont plutôt bons à la mobilisation, mais dans les semaines qui suivent, la situation se dégrade en raison de la défaite polonaise et surtout de l’inaction à l’Ouest.

La stratégie d’attente adoptée par le haut commandement est mal expliquée aux troupes et elle entraîne une fracture du moral. Cette « dépression d’hiver » touche de nombreuses unités.

Il n’y a aucune grande offensive et dès l’automne 1939, les Français parlent de « drôle de guerre ». L’expression serait de Roland Dorgelès, écrivain et ancien poilu. Les Français ne sont pas les seuls à être surpris. Les Britanniques parlent de la « Bore War » — guerre de l’ennui —, alors que les Allemands qualifient cette période de « Sitzkrieg », littéralement « guerre assise ».

La ligne Siegfried fait face à la ligne Maginot, aucune armée n’a l’intention d’attaquer.


La « drôle de guerre » est donc une période d’attente rompue brutalement sur le front terrestre de l’Ouest, le 10 avril 1940 avec le déclenchement de l’offensive alliée en Norvège, et le 10 mai 1940 quand les Allemands attaquent à l’Ouest.

TÉMOIGNAGES : ATTENTE AU VILLAGE


La préparation à la guerre, depuis la déclaration de septembre 1939 s’effectue sur le terrain par l’aménagement d’un terrain d’aviation en haut du village, sur la route de Floyon : il n’a jamais servi.

Une batterie de DCA est installée à la Pairée, à Etrœungt sur la Chaussée Brunehaut. Ele tirait souvent à contre-temps, dit-on.

C’est le 18e Régiment de Chasseurs à cheval qui est cantonné dans le village, chez l’habitant.
Ce sont de jeunes aristocrates, officiers de cavalerie du premier escadron : de Margerie, de Singy du Pouet, sous-lieutenant Proust, lieutenant Rivière, commandant Faure.

La roulante — cuisine — était située dans une maison au milieu du village. Ils tuaient le temps, jouaient à lancer des couteaux sur les portes d’étable, faisaient des bringues terribles, selon les témoins. Ils massacraient les carreaux rouges du sol avec leurs éperons.

Le 10 mai 1940, ils sont partis vers la Belgique envahie, en direction de Sars-Poteries. Ils ont été tous tués, sauf Lefèvre et le cuisinier.


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À Larouillies, à la suite des élections des 5 et 12 mai 1935, le maire de la commune est Maurice FOURDRIN, jusqu’au 30 juin 1940. Il était parti en Bretagne en mai.

Du 3 juillet 1940 jusqu’en mai 1942 : constitution d’un « Comité de guerre » à l’instigation de la sous-préfecture d’Avesnes-sur-Helpe

Président : Albert LI
ÉVIN
Vice-président : Fernand DUPONT
Membre : Jules GEOFFROY
Trésorier comptable :
Émile LENCLUD
Chef de la police : Joseph PLACE
Secrétaire : Yvonne CARREZ, institutrice

De mai 1942 à décembre 1944 : la sous-préfecture d’Avesnes-sur-Helpe désigne René DUPOTEAU pour faire fonction de maire.

A partir de décembre 1944 Gaston LEMOINE est maire.






MAI 1940




À partir du vendredi 10 mai 1940, les alertes aériennes sont devenues quotidiennes. Chacun sait que de nombreuses attaques de la Luftwaffe sur les villes belges et nordistes ont visé des objectifs civils, créant la panique.

Le 15 au soir, le général Heinz Guderian est aux abords de Laon, le 16, il franchit l’Oise au sud de Guise, près de Saint-Quentin. Au même moment la 7e Panzerdivision de Rommel, qui évolue plus au Nord, percute les défenses de la «ligne Daladier» près d’Avesnes-sur-Helpe. Celles-ci sont tenues par des unités amoindries qui sont épuisées par leur repli. L’arrivée des Allemands provoque immédiatement la confusion la plus totale : plusieurs ouvrages fortifiés sont abandonnés par leurs servants sans combat, ainsi à Solre-le-Château.
Manœuvrant de nuit, tous feux éteints, Rommel s’empare d'Avesnes. Du haut de son véhicule de commandement, le général allemand observe, à l’aube, un spectacle terrifiant le long des routes verdoyantes de l’Avesnois : des colonnes de réfugiés hébétés, des soldats français terrorisés, allongés dans les fossés, des chaussées encombrées de matériel abandonné, des casques et des fusils jonchant les bas-côtés, des cadavres de soldats, de civils, de chevaux, couverts de mouches, victimes des attaques de la Luftwaffe et des obus des chars.
Le 17 mai, la 7
e Panzerdivision fera 10 000 prisonniers; à la débâcle militaire s’ajouta aussi un profond chaos civil : cette extraordinaire marée humaine que l’on appellera l’exode, mais que ses acteurs ont dénommée d’un terme plus concret, l’«évacuation». Le mouvement naît en Belgique dès le 10 mai avec la terreur des premiers bombardements; mais la grande vague se lève dans le Brabant le 12, les fuyards se dirigeant vers l’Ouest et le Sud.
L’irruption brutale des réfugiés belges, mêlés aux soldats en déroute, provoque le départ de centaines de milliers de gens du Nord. Le mouvement est amorcé à Fourmies dès le 13 mai, il touche Valenciennes et Lille le 16 et devient général le 18. Les interdictions d’évacuation prononcées par l'armée n’ont aucun effet.







16 mai 1940

Le maire de Larouillies passait dans toutes les maisons du village pour inciter les habitants à fuir : il attendait le départ de tous pour pouvoir prendre lui-même la route avec sa famille.
Les camions de l’entreprise Locqueneux sont partis avec les camions de l’entreprise fourmisienne Scohy.
Une loi de 1934 impliquait le repli des populations de l’Aisne en Mayenne, désigné département d’accueil… Certains sont allés plus loin : Loudéac, Sainte-Gauburge, Saumur…

De nombreux habitants de Larouillies ont pris la route de Guise. C’était très exactement l’endroit où il ne fallait pas être… à la jonction de la 5e et de la 7e Panzer Division et sous le feu roulant des mitrailles des Stukas qui volaient en rase-mottes.



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CUISSET Ernest né le 13 juin 1888 à Etrœungt (59), mitraillé le 16 mai 1940 à Lesquielles-Saint-Germain (02) au lieudit Maison-Rouge, décédé le 17 mai 1940 des suites de ses blessures, inhumé au cimetière de Larouillies le 7 août 1948.
TROTIN Lucienne, épouse de Pierre CUISSET, née le 19 novembre 1915 à Sémeries (59), décédée le 16 mai 1940 à Lesquielles-Saint-Germain (02) au lieudit Maison-Rouge mitraillée par un avion allemand, son bébé de quelques mois dans les bras, inhumée au cimetière de Larouillies le 7 août 1948.
BERTIN Marie Vilfride Noémie, épouse BOUZÈRE, née le 30 octobre 1878 à Wignehies (Nord), décédée le 16 mai 1940 à Hauteville (Aisne), inhumée à Bernot (Aisne), victime d’un bombardement pendant l’exode.




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Photographie d’Ernest, communiquée par sa famille
Photographie de Lucienne le jour de son mariage, communiquée par sa famille


RÉCIT DE FRANCIS, PETIT-FILS D’ERNEST ET NEVEU DE LUCIENNE


« De mémoire et selon le récit de ma mère Yvonne CUISSET :
Mon grand-père avait décidé de ne pas évacuer mais le matin du 16 mai, il  a changé d'avis et toute la famille, enfants et petit enfants, est partie sur les routes. Je ne connais pas la destination.
Pierre, le fils aîné, était mobilisé, raison pour laquelle Lucienne son épouse était présente.
Lucien, le second fils, était aussi mobilisé mais pas marié.
Maman disait que des motos allemandes avec des couvertures de couleur circulaient la veille et que celles-ci servaient à canaliser la population et servaient de repère aux avions allemands.
Elle pensait aussi que ces motos permettaient de prendre la population en embuscade.

C'est ainsi qu'ils sont arrivés au lieu dit "Maison rouge" sur la commune de Lesquielles-Saint- Germain aux abords d'un bosquet d'où les Allemands sont sortis et ont mitraillé : c’est comme cela que mon grand-père et Lucienne furent tués et enterrés sur place.


Ma grand-mère a donc décidé de rentrer à Larouillies où il ne s'était rien passé.

  C'est comme cela que maman et ma grand-mère se sont retrouvées à élever enfants et petits enfants et à gérer la ferme de la Bruyère.
  Ce n'est qu’en 1948 que les corps furent ramenés à Larouillies et inhumés au cimetière de la commune.

Je vous joins le faire-part des obsèques de mon grand père.  Il indique que la date du décès est le 17 mai et non le 16 comme supposé.  En cherchant au fond de ma mémoire il me semble me souvenir, en fonction des récits de ma mère, qu’il n'est pas mort sur le coup mais c’est sans certitude. Cela ne veut pas dire que Lucienne n’ait pas été tuée sur le coup. Mon grand-père aurait été  blessé à la poitrine alors que Lucienne a été blessée à la tête. »


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Tombe de Lucienne au cimetière de Larouillies
Faire-part des obsèques d’Ernest, le 7 août 1948.
Tombe d’Ernest (photo à venir)




Le 17 mai, deux soldats de l’armée en déroute sont abattus par les Allemands au bas du village de Larouillies, sur la RN2 près de la ferme Lobry. Leurs dépouilles seront enterrées très grossièrement, sous une fine couche de terre, à droite de la côte, par le garde-champêtre GEOFFROY. Ils seront exhumés et déclarés décédés le 1e mai 1941.

La famille de Victor Jandard fera ultérieurement rapatrier son corps parmi les siens. Il était marié depuis moins d’un an.

La mère du soldat Berthet se conformera à l’usage militaire qui implique qu’un soldat doit être inhumé au lieu même où il est tombé. Sa tombe figure dans le cimetière de Larouillies. Mme Berthet envoyait de l’argent régulièrement à Madeleine TROTIN pour fleurir la tombe de son fils.



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Insigne du 5e régiment de tirailleurs marocains auquel appartenaient les soldats Jandard et Berthet
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Maurice LEMAIRE
, né à Larouillies le 6 septembre 1918, canonnier au 163e Régiment d’Artillerie de Position. Mobilisé fin août 1939 à Metz au 163e RAP en temps de paix.
Le régiment est rattaché au secteur fortifié de Faulquemont (ligne Maginot) et comporte six groupes rassemblant 82 pièces de calibres variés.
Il se replie vers les Vosges à partir du 14 juin 1940, avant d’y être capturé les 20 et 21 juin 1940, près de St Dié.
Maurice est décédé le 11 janvier 1940, inhumé à la nécropole nationale de Chambière, carré 39/45, tombe 498 à Metz, 57 Moselle.

Mort pour la France.





Le soldat Raphaël BOURSE, de Larouillies, a été pris dans la poche de Dunkerque.


Fernande DELOBE-HÉDON, herbagère à Larouillies, a décidé d’évacuer du village avec sa voiture attelée du cheval, alors que son mari et sa fille Jeanine partaient dans leur automobile.

Fernande, prise dans la tourmente, s’est tellement perdue qu’elle s’est retrouvée… en Angleterre, où elle a passé toute la durée de la guerre. Elle a fait l’admiration des femmes du village, à son retour, à cause du magnifique tailleur de tweed dont elle était vêtue…



Laure SCULFORT, ma grand-mère, s’est approchée d’une pâture, « Frontstalag » improvisé, où étaient retenus un grand nombre de prisonniers affamés, dont son fils Gilbert. Elle poussait son chariot chargé de la traite du soir. Elle a poussé son petit-fils, Jacques, âgé de huit ans, à porter le lait aux prisonniers affamés : « Va, gamin, les soldats ne te feront rien ! » A la fin de la distribution, Gilbert a tombé sa vareuse, empoigné le chariot, l’a poussé hors du pré, et s’est ainsi évadé.




LES PRISONNIERS


à compléter - liste de noms, documents

Les combats de mai-juin 1940 ont fait environ 1 850 000 prisonniers et plus de 57 000 morts dans les rangs de l’armée française.



Gaston CARREZ, instituteur à Larouillies pendant près de quarante ans, a tenté quatre évasions de son stalag, dont une de Berlin. Il a fini la guerre dans une forteresse pour fortes têtes.
Au cours de l’une de ses tentatives, il avait pu se procurer une fausse carte d’identité spécifiant qu’il exerçait un métier manuel. « J’ai été repris, dans un train, à cause de mes mains ! » racontait-il…

Il fut libéré le 9 mai 1945.


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17 mai 1940 dans le village voisin

Notre état-major envoya, en plein jour, 24 avions en rase-mottes. Des appareils parmi les plus modernes de l’époque mais qui évoluaient généralement à 4 500 ou 5 000 mètres d’altitude .

De ce fait ils ont perdu de la vitesse et se sont retrouvés sous les tirs adverses.

Trois avions sont tombés, l’un à Fourmies près de l’Étang des Moines, les autres à Esquehéries et à Floyon.

Hervé Bougault, né le 2 février 1917, 23 ans, mort pour la France le 117 mai 1940 aux commandes du LeO 451 n°61, abattu par la 2./JG2

http://www.31eme-escadre.fr/equipages_dans_la_tourmente/Bougault.html


A Floyon,
le message laissé par le canonnier Paul Fourneau (40 ans, père de deux enfants) « Au revoir petite femme ; derniers baisers, dernières caresses » était-il écrit sur un petit bout de papier dans lequel se trouvait son alliance.

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VIFS REMERCIEMENTS AUX TÉMOINS DIRECTS ET INDIRECTS

Renée Dupoteau
Maurice Fourdrin fils
Francine Dupont-Scohy
† Jacques Lemaire
† Marguerite Sculfort
Francis Cacheux
Colette Sénécail-Cuisset, le bébé que Lucienne tenait dans ses bras


LECTURES CONSEILLÉES

Marc Bloch,
L’Étrange défaite, éd. Gallimard, coll. Folio Histoire

Claude Simon,
La Route des Flandres, Editions de Minuit




LIENS

https://www.aisne.com/galeries/mai-juin-1940-laisne-en-premiere-ligne

https://www.seconde-guerre.com/chronologie/chronologie-mai-1940.html