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Larouillies sous l’occupation allemande 1914-1918

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Le 2 août 1914, sur une population de 400 habitants, 50 hommes de 20 à 48 ans répondent à l’appel de la mobilisation générale.


À partir du 15 août, des émigrés belges passent se sauvant de leurs villages en cendres. Leurs récits sont effrayants : viols, mains coupées aux petits enfants…


Bientôt, le 26 août, après leur victoire de Charleroi, et un bombardement les Allemands (Uhlans) font leur entrée dans le village, y incendiant quelques maisons, pour bien marquer leur avance.

Beaucoup des habitants ont pris la route de l’exode. La plupart, bloqués en pleine bataille de Guise, refluent et rentrent au pays.


Les Allemands s’installent, en terrain conquis, et l’occupation militaire s’abat sur la population envahie, en grande partie des femmes et des enfants, les hommes faisant la guerre.


« 
Passent 40 000 hommes, moitié de la route d’Avesnes, moitié rue du moulin. Ils logent tous les jours et pillent les maisons abandonnées. Les caves sont vidées, les armoires bouleversées, le linge sali, piétiné, les literies enlevées, les chaussures, les chemises d’homme, les mouchoirs. Tout leur convient. Ils vont chercher les instruments de la fanfare, les gramophones du village et font le tour du village en jouant et en dansant. Ils font bombance tous les jours. Tous les jours il faut les loger, les nourrir et subir toutes leurs exigences. Ils sont les maîtres. » (Lucienne Courouble)



La Kommandatur de zone, fixée à demeure à Larouillies, démontre aux villageois tout son savoir faire en matière de perquisitions et de réquisitions de toute nature.

L’occupant est rude, voir brutal. On ne badine pas avec lui, car la moindre peccadille vaut un séjour en prison.


Les familles sont anxieuses du sort de leurs soldats, aucune nouvelle ne parvenant de l’au-delà du front. De leur côté, les soldats combattants ont lutté et souffert, durant des années, ignorant tout de leurs familles demeurées en pays envahi.


Le 27 octobre 1914, une trentaine de gendarmes viennent à Larouillies et Floyon chercher des armes ou des hommes. Ceux-ci se sauvent. Quelques-uns toutefois sont emmenés.

24 novembre : Larouillies fait maintenant partie du gouvernement de La Capelle.
On prend le mobilier des maisons abandonnées, on doit fournir tous les objets en cuivre pour en faire des cartouches, des fagots. Tous les ânes, mulets, chevaux de selle ou de trait, les voitures, sont réquisitionnés par l’armée allemande. On enlève les poêles. Il faut fournir le vin, le foin.

28 novembre 1914 : à Larouillies, doivent être déposées à la mairie les serpes, bêches, brouettes, etc. Défense d’allumer les lumières dans les maisons le soir après 5H 30. Dès la pénurie de pétrole, on s’éclaire tant bien que mal avec des lampes à acétylène où à la bougie.

Le canon tonne incessamment en direction de St Quentin. On l’entendra pendant toute la guerre.

Les troupes logent chez les habitants. On réquisitionne les couvertures, tout le linge, les chaussettes, les chaussures, les sabots, les boutons de chemise. Plus de viande. Pain noir. L’occupant impose de nouvelles cartes d’identité. Il est interdit de circuler vers La Capelle.


Janvier 1915 : on emmène vers Laon les jeunes gens de Larouillies.

Chaque personne n’a plus droit qu’à 250 g de pain par jour. Rappelons qu’à l’époque, le pain forme l’essentiel de la nourriture quotidienne.

Des équipes viennent dans les maisons récupérer tous les tuyaux de cuivre, les réchauds à alcool, les vêtements, les bougies, les cierges.

L’occupant exige tout : cuillers, fourchettes, couteaux, seaux hygiéniques, bassins d’émail, charbonnières.

Les hommes sont réquisitionnés pour boucher les trous dans les routes.


À Larouillies, pas de pain pendant une semaine : le pain est fait de son, de paille et d’eau : aucune trace de farine.


Les hivers de guerre sont très froids et très rudes. Il gèle très fort jusqu’en mars.
On creuse des tranchées à La Flamengrie.
Les fils téléphoniques sont arrachés, les poteaux arrachés ou sciés.

Les Allemands prélèvent du sang aux poulains pour fabriquer du sérum antidiphtérique.

Ration de nourriture en juillet 1915, par jour et par personne : 20 g de riz, 20 g de légumes ; lard ou saindoux 30 g, sel 10 g, sucre 10 g, chicorée 20 g, café 20 g.
L’occupant récolte toutes les cerises, les pommes de terre.

Il est nécessaire d’avoir un passeport pour circuler d’un village à l’autre.

Les chiens sont taxés : 60 francs ; 90 pour le deuxième, etc.

Les rails du train sont démontés en emportés.
Les vaches subissent une épidémie de fièvre aphteuse.

On prend des otages parmi les notables, des prisonniers civils sont déportés vers des camps de travail.
On réquisitionne les vélos, les machines agricoles.


À partir de janvier 1916, on n’a plus droit qu’à 1/8 de litre de lait par personne. Il est nécessaire de passer une visite médicale devant un médecin de l’armée d’occupation pour avoir droit à un peu de lait.

On a le droit de garder un kilo de foin par vache et par jour !

Les vexations se multiplient : on est obligé d‘afficher une feuille spéciale portant le nom, le sexe, l’âge des habitants, placée aux fenêtres de chaque maison, visible jour et nuit.

Défense est faite aux chiens et chats de circuler en avril 1916, sous peine de fusillade pour eux, de 150 marks d’amende pour le propriétaire.

L’occupant fauche les pâtures, enlève les plombs des fils du télégraphe et du téléphone. Des gendarmes viennent prendre les douilles des lampes.

Le manque d’informations sur la guerre, le front, l’arrière, est très éprouvant.

22 mai 1916 : 20 émigrés sont arrivés de Lille à Larouillies Les hommes de la commune doivent déclarer où ils travaillent.

En juin 1916, l’uniforme des soldats allemands a changé : plus de pointe sur le casque, de boutons aux tuniques, de plaque au ceinturon ! tout a été fondu pour faire des munitions.

Ce mois de juin est glacial : il gèle ! Le vent souffle.

L’occupant lève de nouveaux impôts – 196 000 francs, sinon des otages seront pris — , ramasse les peaux de lapin. Au ravitaillement, des chaussures en papier coûtent 8 francs la paire.

27 juillet 1916 : des émigrés de Bapaume arrivent à Larouillies.
Grâce à l’écrivain d’origine américaine Edith Warthon, des vêtements sont distribués aux émigrés, en provenance des USA.

Des femmes de 18 à 45 ans sont demandées pour aller à Saint-Quentin laver les linges des blessés. Des évacuées sont contraintes d’y aller.
Des aéros et des dirigeables jettent parfois des journaux ; l’occupant promet la peine de mort à ceux qui ramassent les objets jetés de ces aéros.

La guerre s’éternisant, les Allemands évacuent, des arrières du front de l’Aisne, de nombreux civils, dont une centaine trouve refuge à Larouillies, où la vie se fait de plus en plus difficile. Le ravitaillement est parcimonieux et au cours de l’hiver 16/17 on grelotte dans les maisons, d’autant plus que les vêtements hors d’usage ne peuvent être remplacés.

En juin, tout le foin est pressé et emporté par l’occupant. Les femmes s’épuisent, car il n’y a plus aucun cheval pour les travaux des champs.

30 août 1916 : à Larouillies, on attend des troupes. Ordre est donné par affiches de leur donner lits, literie, chauffage.

Jeudi 9 novembre 1916 : une automobile allemande verse au tournant de l’église de Larouillies, deux tués, quatre blessés ; 300 litres de cognac dans l’automobile.

Samedi 18 novembre 1916 : les cloches sont descendues du clocher à Larouillies, Rocquigny et autres villages environnants. On les fondra pour faire des munitions.

50 émigrés de Saint-Quentin arrivent dans le village, pour faire place aux troupes, dit-on. Ils étaient terrés dans leurs caves depuis vingt jours.

Au ravitaillement, 7 biscuits par personne et un peu de lait concentré.
L’hiver de 1917 est très rude, le pain noir augmente encore, les rations sont diminuées : 4 livres par semaine !

Le thermomètre descend à moins 24°C. On gèle dans les lits.

Ordre est donné d’abattre et de livrer les noyers. Des hommes sont arrêtés à Floyon parce que les arbres n’ont pas été livrés à temps.

Des évacués de 12 villages autour de Noyon arrivent à Etrœungt. Ils sont 386. Des hommes jeunes, des jeunes filles. On les loge avec difficulté.

Obligation de fournir 2300 œufs par semaine sous peine d’un mark d’amende et un jour de prison pour chaque œuf manquant !

Les ânes sont réquisitionnés, les matelas sont livrés, on ne peut les garder même pour les malades et les enfants.. Il faut déclarer les fils de fer à ronce que l’on possède et porter les poules mortes à la mairie.

Fin mai 1917, on descend les cloches à Sains, à Etrœungt.

L’occupant perquisitionne sans cesse. S’il trouve une livre de beurre : 20 marks d’amende ; un litre de lait : trois jours de prison !

On prend les thermomètres ou baromètres à mercure, les garnitures de métal des armoires, les patères et les portes bougies des pianos, puis les limes, les tenailles, les crémones et les cliches de cuivre. Suivront les harnais, les grelots, les vieilles gouttières, les baignoires en métal, les chaises longues. Il faut déclarer les machines à coudre, en livrer 25 sous quinze jours.

Puis il faut apporter tous les objets en étain, cuivre, bronze, zinc, nickel, aluminium. On ramasse les pendules, les cuivres des églises sont inventoriés, on emporte les lustres, les appliques. Il faut déclarer les lampes à pétrole, les harmoniums, les bouteilles champenoises.

L’occupant fait des fouilles archéologiques à la Pairée.

Il faut aux Allemands tous les saloirs de grès de plus de trente litres. Ils prennent presque tous les veaux.

Le 17 octobre 1917 : interdiction de tout commerce. Toutes les marchandises des magasins sont saisies par l’autorité allemande. Inventaire de tous les objets des églises, même les ciboires !
On trouve 100 000 francs de titres cachés dans l’autel de l’église de Floyon, l’église est fermée.

Il faut livrer les descentes de lit, les crins des chevaux.

En 1918 les vivres font défaut. Des soldats mettent le feu à une boulangerie à Avesnes, à La Capelle, à Fourmies. En février, il n’y a plus de lait pour personne.
On prend les sommiers, les gens dorment par terre. Les oignons sont à 86 francs le kilo !

Le 26 avril 1918, il faut couper et faner toutes les feuilles des arbres. Tous les hommes de 17 à 50 ans doivent porter un
brassard rouge.

En juin, le ravitaillement diminue encore : 100 g de riz pour quinze jours, 25 g de pain noir en moins.

Entre-temps, la répression est sévère, pour certains de nos concitoyens, c’est la déportation et la mort : un salut manquant, un chien lâché…

17 juillet 1918 : les enfants de 9 à 14 ans doivent fournir 5 kg d’orties par jour et par enfant.

4 septembre : toutes les clôtures en fer qui ne sont pas absolument nécessaires sont réquisitionnées.

Après ses revers de juin et juillet 1918, l’Allemand sanctionne avec rage, et, dans les derniers jours d’octobre, rafle tous les hommes valides de 17 à 35 ans, en destination de la Belgique (Namur, Charleroi), d’où, très heureusement, ils reviendront, dès la cessation des hostilités.


Lors de la libération de Larouillies, le 7 novembre 1918, le village n’était plus peuplé que d’enfants, de femmes et de vieillards.