Fable La Fontaine la Jeune veuve
#1
J'entame un travail sur les Fables de La Fontaine et j'ai choisi de commencer avec "La Jeune Veuve". J'aimerais trouver les sources à partir desquels l'auteur a travaillé.
Où trouver le texte d'Abstémius qui a inspiré La Fontaine et qui s'intitule "La Femme qui pleurait son mari mourant et son Père qui la consolait" ? Merci.
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#2
Bonjour,
Abstemius a simplement repris un conte éphésien plus ancien sur le thème de la jeune veuve. La Matrone d'Éphèse est un conte licencieux qui narre l'histoire d'une jeune veuve qui succombe finalement, malgré la période de deuil, à la tentation de la chair. Elle va même jusqu'à sacrifier le corps de son époux pour sauver son amant. Le conte, repris dans plusieurs fabliaux médiévaux, connaît plusieurs reprises aux XVIIe et XVIIIe en France. La pièce Phèdre et quelques textes de Saint-Évremond y font allusion. Houdar de La Motte s'en inspire dans La Matrone d'Éphèse ainsi que Nolant de Fatouville dans Arlequin Grapignan (1682). Bussy-Rabutin (1677) en donne aussi une interprétation dramatique. Le conte a été également repris par Jean de La Fontaine au livre XII des Fables (fable 26). Dans l'économie générale du récit, « son histoire illustre la seule relation hétérosexuelle heureuse du Satyricon et fournit au roman un ton d'optimisme ainsi qu'une foi nouvelle en la fertilité de la vie ». La Fontaine publie pour la première fois sa fable en 1682, dans le poème du Quinquina et autres ouvrages en vers de M. de la Fontaine, puis le reprend, en 1694, pour le joindre au douzième livre de ses Fables.



Bon travail.
Noli dei pueros putare pro feris anatibus ! (Michel Audiard)
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#3
Voici le texte d'Abstémius que vous cherchez. 

Sa traduction est assez plate, et vous pourrez le comparer à la délicieuse fable de La Fontaine.
« Une femme encore jeune, dont le mari rendait l'âme, était consolée par son père. Il lui disait : "Ne t'afflige pas tant, ma fille. En effet, je t'ai trouvé un autre mari, beaucoup plus beau que celui-ci, et qui adoucira facilement le regret du premier". La femme, de son côté, incapable de supporter sa douleur, et comme si, dans son ardent amour, elle allait accompagner son mari, non seulement n'acceptait pas les propos de son père, mais blâmait cette allusion à un autre mari. Cependant, dès qu'elle vit son mari mort, parmi les larmes et le deuil elle demanda à son père si le jeune homme était là, qu'il avait dit vouloir lui donner comme mari. La fable montre avec quelle rapidité l'amour d'un mari défunt s'éloigne d'ordinaire de l'esprit des femmes. »

Une superposition de ce texte avec celui de La Fontaine nous fait remarquer une importante différence du point de vue chronologique et temporel. 
Chez Abstemius, c’est avant même la mort du mari que le père informe sa fille qu’il lui a trouvé un nouvel époux “beaucoup plus beau”; et c’est dès le décès que, “parmi les larmes et le deuil”, la femme demande où est le “jeune homme”. Dans “La jeune Veuve”, le père n’intervient qu’après le décès, et après avoir laissé pendant quelque temps sa fille verser un “torrent” de larmes. 
La Fontaine disjoint ce qu’Abstemius joignait. Il introduit un espace de temps entre la mort du mari, l’intervention du père et la demande de la veuve dirigée vers un nouvel époux. 
En d’autres termes, la situation présentée par Abstemius pouvait se poétiser de deux façons différentes;  soit en jouant de l’oxymoron et en soudant étroitement les deux pôles mort-douleur et vie-plaisir, soit en les disjoignant et en jouant de l’antithèse. 
Si La Fontaine a choisi cette dernière, c’est qu’il fallait que la tristesse s’envole.

Bon travail !
Noli dei pueros putare pro feris anatibus ! (Michel Audiard)
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