Structure de l'interrogation : forme fautive 
#1
Bonjour Anne,
J'aimerais avoir vos lumières sur un point précis.
Quand j'étais en classe on m'interdisait le "Qu'est-ce qu'il t'arrive?" au profit de "Qu'est-ce qui t'arrive?";or ce premier emploi est très courant et je n'arrive pas à expliquer en quoi la construction est fautive; j'ai beau jongler avec le sujet réel et le sujet apparent, l'attribut du sujet ... RIEN
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#2
Bonsoir,

Très heureuse de vous retrouver ici !
Oui, cette formulation est très fréquente en français populaire (on dit maintenant «français avancé»), mais ce n'est ni un problème de sujet apparent, réel, ni d'attribut.

C'est une histoire de dissociation du pronom, facile à comprendre.

1. le pronom relatif concentre deux éléments :
- un subordonnant (que)
- un pronom qui représente son antécédent
exemples :
"ma fille dont je n'ai pas de nouvelles" = "que je n'ai pas de nouvelles d'elle"
"la maison où il habite = "la maison que il y habite"
Le français avancé utilise ces constructions qui dissocient les deux valeurs du pronom, surtout en ce qui concerne "dont", mais d'autres pronoms sont affectés par cette tendance.
On peut dire d'ailleurs que la structure de la relative est un «marqueur» très fort de l'appartenance à une classe sociale ( l'interrogative indirecte aussi…, bien qu'elle soit désormais banalisée dans tous les médias…).

La tendance la plus forte est la généralisation de l'emploi du relatif dissocié "que" en français avancé : "l'homme que je t'ai dit que je l'ai vu"

Dans ta phrase fautive, c'est typique : "qu'est-ce que/il t'arrive ?" ("que" au lieu de "qui").
Ce "que" n'est pas un accusatif mais une simple conjonction vide, un simple marqueur de subordination.

Donc, première étape : dissociation du "qui" en "que+il"

2. On sait d'autre part que la langue familière et surtout la langue populaire omettent souvent de "l" : *i vient ; *je les ai vus qu'i venaient.
Il est donc permis de supposer que la conscience linguistique, là où la langue écrite découpe "qu'est ce qui/ t'arrive ?" analyse en réalité:
"qu'est-ce qu'/i t'arrive"
L'orthographe populaire tend ensuite à rétablir le "l" qu'elle croit amuï dans la prononciation : d'où le "qu'est-ce qu'il t'arrive ?"

La dissociation du féminin est plus rare (et plus hardie !) mais elle existe:
ex. "elle est là qu'elle attend".
Il y a encore plus hardi : quand l'antécédent est une chose ou un nom abstrait représenté par "cela", la dissociation ne se fait plus en "qu'il" ou "qu'elle" mais en "que ça" :
ex. : je suis sans nouvelles d'elle, que ça me fait bien mal au cœur.

3. L'équivalent écrit du populaire "ça" étant l'impersonnel "il" (ça arrive que --> il arrive que) la faute "que ça" fait alors place, dans la langue familière et dans la langue écrite, à la faute "qu'il" :
exemples :
*qu'est-ce qu'il vous arrive ?

*ce qu'il arrive est affreux

*tout ce qu'il dépend du gouvernement

Je pourrais accumuler les exemples...
J'espère avoir été assez claire ?
Amitiés,
Anne
Noli dei pueros putare pro feris anatibus ! (Michel Audiard)
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#3
Merci Anne, c'est clair comme de l'eau de roche ; je vais enfin pouvoir donner une explication à ceux qui, comme moi, voyaient l'erreur mais ne l'expliquaient pas. Bonne soirée !
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