Littérature libertine

Écrivain français, né à Dijon en 1689, mort à Paris en 1773.

Mauvais élève des Jésuites, Alexis Piron réussit néanmoins ses études de droit en Bourgogne. Des poésies obscènes (Son Ode à Priape, considérée à l’époque comme un « chef-d'œuvre de verve et de licence » et d’autres) et son talent satirique lui ayant attiré quelques ennuis dans sa ville natale, il arrive à Paris en 1719. Il y gagne d’abord sa vie grâce à des travaux de copiste.
Il fait partie de la Société du Bout du banc et écrit pour l’Opéra-Comique. Puis il écrit de nombreuses pièces de théâtre, à un seul personnage, pour le Théâtre de la Foire, et à partir de 1728 des comédies et des tragédies pour le Théâtre français. Il rédige le livret d’un opéra-comique (L’Endriaque) dont Rameau écrit la musique. La comédie en cinq actes La Métromanie (1738), une des meilleures comédies du XVIIIe siècle, qui visait Voltaire, et qui raille la manie des écrivains à versifier à tous propos, et surtout hors de propos, lui apporte une célébrité durable.

Il fut toute sa vie la bête noire de Voltaire, qui redoutait ses épigrammes. D’ailleurs, celles-ci lui valaient de nombreux ennemis. C’est lui qui disait des Académiciens français : « Ils sont quarante qui ont de l’esprit comme quatre ».

Son élection à l’Académie était presque acquise en 1753, quand Louis XV lui-même s’y opposa : le cardinal de Mirepois et les Jésuites lui ayant rappelé la fameuse « Ode à Priape » que Piron avait commise vers 1710.

Celle-ci fit les délices du XIXe siècle : elle connut plus de vingt rééditions clandestines et condamnées de 1796 à 1872.

Il en existe de nombreuses versions, plus ou moins complètes.
Le texte que nous publions présente plusieurs passages inédits.

L'Ode à Priape est naturellement annotée : les termes mythologiques sont expliqués en notes de bas de page. La ponctuation est modernisée, ainsi que l’orthographe.

Le fichier de 13 pages comprend la version intégrale de 17 strophes avec 36 annotations expliquant certains mots et toutes les allusions à l'histoire ancienne et à la mythologique grecque.

Ode à Priape

Foutre des neuf Grâces du Pinde,
Foutre de l’amant de Daphné,
Dont le flasque vit ne se guinde,
Qu’à force d’être patiné !
C’est toi que j’invoque à mon aide,
Toi qui dans les cons, d’un vit raide,
Lances le foutre à gros bouillons :
Priape, soutiens mon haleine,
Et pour un moment dans ma veine,
Porte le feu de tes couillons !

[…]
Redouble donc tes infortunes,
Sort, foutu sort, plein de rigueur ;
Ce n’est qu’à des âmes communes
À qui tu peux foutre malheur :
Mais la mienne que rien n’alarme,
Plus ferme que le vit d’un carme,
Rit des maux présents et passés.
Qu’on me méprise et me déteste,
Qu’on m’importe ! mon vit me reste ;
Je bande, je fous… c’est assez !


Notes 1e strophe :

1. Les Grâces : Dans la mythologie grecque, les Charites (en grec ancien Χάριτες / Khárites), assimilées aux Grâces par les Romains, sont des déesses personnifiant la vie dans toute sa plénitude, et plus spécifiquement la séduction, la beauté, la nature, la créativité humaine et la fécondité.

2. Le Pinde est un massif montagneux de l'Épire, au nord de la Grèce, du sud-est de l'Albanie et du sud-ouest de la Macédoine.

3. L’amant de Daphné : c’est Apollon ; dans la mythologie grecque, Daphné (en grec ancien Δάφνη / Dáphnê) est une nymphe d'une très grande beauté, fille du dieu fleuve Pénée.

4. Guinder : être en érection.

5. Patiner : caresser avec les mains ; ce verbe n’est plus en usage ; on dit aujourd’hui peloter.

5. Priape : dieu gréco-romain des jardins et présidant à l’amour physique.


Notes dernière strophe :

36. Carme : « bander comme un carme » est devenu un proverbe. Les ordres mendiants et particulièrement les carmes avaient la réputation de céder à toutes les débauches.

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