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Donatien Alphonse François, ou Donatien Aldonse Louis*, marquis de
SADE* (1740-1814)

Biographie


La maison de Sade est l’une des plus anciennes de Provence. Comme Chateaubriand, Sade vécut son enfance dans un décor féodal; il était d’ailleurs de plus vieille noblesse que le Vicomte. Une longue lignée provençale: Pétrarque avait chanté son ancêtre: Laure de Noves, femme de Hugues de Sade.

Les châteaux de Lacoste, de Saumane, de Saint Léger d’Ébreuil furent ses premières résidences. Puis, à dix ans, il entre au collège des Jésuites d’Harcourt ( futur Louis-le-Grand), à Paris, après avoir été élevé, de l’âge de quatre à dix ans, par un oncle abbé débauché, homme cultivé qui correspondait avec Voltaire et Mme du Châtelet.


À quatorze ans (1754), il entre à l’école des Chevau-légers qui n’admettait que les jeunes gens de la plus ancienne noblesse. Nommé en 1755 sous-lieutenant au régiment royal-infanterie, et ensuite capitaine de cavalerie, il fait preuve de courage pendant la guerre de Sept ans. Il quitte l’armée en 1763.


Après une vive passion pour Mlle
de Lauris, châtelaine de Vacqueyras, (la famille de la jeune fille s’oppose au mariage à cause de la réputation du jeune marquis), Sade se résigne à épouser Renée-Pélagie de Montreuil, qui appartient à la noblesse de robe, et possède une grosse fortune (1763) ; il aura deux fils et une fille.
Cette alliance lui fut funeste
: sa belle-mère, après l’avoir protégé des premiers scandales, fera agir à plusieurs reprises toutes ses relations dans les milieux parlementaires pour le faire incarcérer — pour « débauche outrée ».


La vie de Sade est alors marquée par un certain nombre de
scandales; mais qui seraient probablement passés inaperçus sans cette alliance avec les Montreuil, et sans sa situation sociale: il n’a pas assez de protecteurs haut placés à la Cour; mais il est en même temps d’assez vieille noblesse pour servir d’exemple dans la répression du libertinage qui se fait sentir à la veille de la Révolution.


Citons donc les diverses « affaires »
: celle de Jeanne Testard (octobre 1763), « nuit de profanation, d’impiété horrible »; celle de Rose Keller (1768), l’affaire des prostituées de Marseille (juin 1772) à qui il donne des bonbons à la cantharide et qui se plaignent d’empoisonnement. Le marquis est alors condamné à mort par contumace par le Parlement de Provence (1772) pour empoisonnement, voyeurisme et homosexualité - délit puni à l’époque de la peine de mort. Il exécuté en effigie en la place des Prêcheurs d’Aix le 12 septembre. Prévenu à temps, il s’était enfui en Italie, déguisé en prêtre…


La vie de Sade aura été une vie d’incarcération : onze prisons différentes, 29 ans d’enfermement.
Tous les régimes (Monarchie, Révolution, Empire) se sont mis d’accord pour le condamner à la réclusion:Vincennes en 1763 dont il est libéré grâce à l’intervention de son père. Puis les prisons se succèdent: Saumur, Pierre Encise (près de Lyon); il revient à Lacoste; puis doit fuir en Italie en 1772 (en compagnie de la chanoinesse* Anne-Prospère de Launay, sa belle-sœur, dont il est l’amant - « Je jure à M. le marquis de Sade, mon amant, de n’être jamais qu’à lui… »*; réfugié à Chambéry, il est arrêté par ordre du roi de Sardaigne et conduit au fort de Miolans d’où il s’évade le 1er mai 1773.


Par suite du scandale de « l’affaire des petites filles », et surtout de la passion pour Anne-Prospère, sa belle-mère Mme de Montreuil est devenue une ennemie acharnée; par lettre de cachet, elle fait enfermer son gendre au donjon de Vincennes en février 1777.


Cependant l’arrêt du Parlement d’Aix est cassé
: il n’y a pas eu empoisonnement dans l’affaire de Marseille; mais Sade est emprisonné de nouveau à Vincennes de 1778 à 1784; et transféré à la Bastille où il rédige les Cent vingt journées de Sodome, Aline et Valcour, la première Justine. Son épouse, qui lui restera longtemps attachée, pourvoit à ses besoins.


Sade est enfermé à La Bastille jusqu’au 2 juillet 1789. Il est transféré à
Charenton, hospice pour malades mentaux, pour « tapage séditieux ».


Puisque la Révolution a aboli les lettres de cachet, elle commence par le libérer en avril 1790
; il mène alors une vie d’homme de lettres impécunieux. En 1791, il publie Justine, tout en déniant officiellement en être l’auteur.

Il participe activement aux travaux de la Section des Piques, qui a son siège Place Vendôme
; rédige rapports et opuscules, et prononce sur la place de la Révolution l’éloge de Marat. Il veut réformer les hôpitaux.

Mais Sade est un révolutionnaire trop modéré qui refuse les massacres
; oubliant sa rancune, il fait épargner sa belle-famille.
C’est cette modération qui lui vaut d’être incarcéré en août 1793 dans diverses prisons.


Une inscription erronée sur la liste des émigrés, l’émigration bien réelle de ses deux fils, son refus de participer à la proscription des Girondins, son athéisme furieux alors que Robespierre voue un culte à l’Être Suprême, amènent son arrestation et sa condamnation à mort (27 juillet 1794 — 9 thermidor).


La réaction thermidorienne (chute de Robespierre) le libère (octobre 1794-mars 1801)
; mais le Consulat l’incarcère de nouveau comme libertin à cause de l’obscénité de ses ouvrages (La Nouvelle Justine et L’Histoire de Juliette): Sainte-Pélagie, puis Bicêtre, enfin Charenton où vient le rejoindre sa fidèle maîtresse, Mlle Quesnet — Marie-Constance, la bien nommée, qu’il appelle « Sensible » -, et où il mourra en 1814, après deux jours de malafie, à l’âge de soixante-quinze ans.

Dans cet asile de fous (où il est incarcéré pour libertinage, non pour folie), il organise des représentations théâtrales, tient son journal, écrit des romans historiques (
Histoire secrète d’Isabelle de Bavière, La Marquise de Gange) et des comédies.

Des représentations théâtrales, où le Tout-Paris mondain se presse, ont lieu, avec des malades et des comédiens professionnels pour acteurs.


Cette ultime étape de la vie de Sade inspirera à Peter Weiss sa pièce
Marat-Sade (1966).

Sade demande à être enterré dans une fosse sur laquelle il sera « semé dessus des glands, afin que les traces de [sa] tombe disparaissent de dessus la surface de la terre ». En vain: c’est une croix qui est élevée sur sa tombe.



NOTES


*Donatien Alphonse François a été prénommé ainsi par erreur, il devait se prénommer Donatien Aldonse Louis, prénoms qu’il préféra toute sa vie. Les lettres du roi qui, en 1778 l’autorisent à se pourvoir contre sa condamnation, le désignent comme « notre cher et bien aimé Louis-Aldonse-Donatien, marquis de Sade »


*Il a porté le titre de « marquis de Sade » jusqu’à la mort de son père en 1767, mais, après celle-ci, indifféremment celui de « marquis de Sade » ou de « comte de Sade ». L’usage de la noblesse était que le chef de famille prenne le titre de comte, et l’aîné de ses fils, du vivant de son père, celui de marquis.


*Une chanoinesse séculière ne prononce pas de vœux et demeure donc libre de se marier et de rentrer dans le monde.


*Cette lettre extraordinaire de Mlle de Launay (signée avec son sang), conservée par Sade, transmise à ses descendants, a été découverte et publiée en 2006 par Maurice Lever avec trois autres lettres inédites de la jeune chanoinesse.

Voici la suite de cette fameuse lettre
: «… de ne jamais ni ne me marier, ni me donner à d’autres, de lui être fidèlement attachée, tant que le sang dont je me sers pour sceller ce serment coulera dans mes veines. Je lui fais le sacrifice de ma vie, de mon amour et de mes sentiments, avec la même ardeur que je lui ai fait celui de ma virginité. […] »

in Maurice Lever,
Je jure au marquis de Sade, mon amant, de n’être jamais qu’à lui…, Paris, Fayard, 2006.