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Les Contes de Perrault


Contexte littéraire et historique


Gilbert Rouger, dans son introduction à l’édition Garnier des Contes, déplore la méconnaissance du public : « Qu’on demande au premier clerc rencontré d’en énumérer les titres, il restera bientôt court, s’étonnera que  Peau d’Âne ne soit pas en prose, citera même  la Belle et la Bête ou  l’Oiseau bleu » . Peu importe, d’ailleurs.
Si nous associons si facilement conte merveilleux et conte de Perrault, c’est apparemment que notre auteur a su mieux que personne en France saisir l’esprit du conte et l’adapter au goût français. Cette réussite, du reste, a un aspect fort étrange car, ainsi que le remarque Marc Soriano au cours d’un débat pour la revue
Annales « Bien qu’il s’agisse du texte le plus célèbre de  toute notre littérature, et du texte le plus souvent publié, c’est aussi celui qui a été le moins abordé par les chercheurs. Les histoires de la littérature [… ] l’ignorent ou ne lui consacrent que « quelques lignes distraites ou gênées ».

Bien sûr, comme le note toujours Soriano, c’est en partie parce que les Contes se rattachent à deux « souslittératures », une littérature populaire et une littérature pour la jeunesse. Mais c’est peut-être aussi parce que nous avons tous été tellement bercés dans notre jeunesse par ces contes, qu’inconsciemment nous ne savons ni ne désirons faire la part de ce qui revient ou non à Perrault. Tout conte est pratiquement devenu obscurément pour nous un « conte de Perrault », de même que toute jeune fille effacée, laborieuse et exploitée par sa famille est une « Cendrillon » ou un homme aux mariages multiples une « Barbe Bleue ».

Pourtant les Contes de Perrault sont, comme toute œuvre littéraire « en situation » tributaires de l’histoire et de leur auteur, tributaires aussi de la longue tradition orale dont ils sont issus. À ce sujet, il est indispensable de lire le livre très complet, très documenté en tous domaines, de Marc Soriano Les Contes de Perrault Culture savante et traditions populaires qui éclaire les textes d’une manière à la fois neuve et synthétique)
Esquissons ici une étude globale.
Tout d’abord essayer non pas d’expliquer pourquoi et comment Perrault a écrit ses contes, mais comment ceux-ci s’intègrent dans sa vie et son système de pensée.
Ensuite tenter de démêler non pas exactement ce que Perrault doit à telle ou telle source particulière, mais le fond « populaire » de ses contes, ce qui, tant dans la structure des récits que dans le rôle et les caractéristiques des personnages et le monde où ils se meuvent, les relie au merveilleux oral et immémorial dont telle œuvre dont a pu s’inspirer : Perrault n’est qu’un maillon.
Il est bon ensuite de s’intéresser à l’écriture même de Perrault, pas d’un point de vue strictement stylistique, mais en montrant comment, auteur particulier dans une époque particulière, il s’approprie les contes en les écrivant, leur imprimant une tonalité littéraire qui lui est propre.
Enfin, puisque tout conte merveilleux comporte une leçon de sagesse implicite ou explicite, il convient de s’interroger sur les leçons privilégiées de Perrault et par contrecoup sur ce qu’elles révèlent de ses préoccupations, de ses aspirations ou de ses préjugés.

Les Contes de Perrault ont été publiés entre 1691 (première édition de  La Patience de Grisélidis ») et 1697 et Garnier reprend, pour les contes en vers, les textes de l’édition de 1695, pour les contes en prose ceux de l’édition Barbin de 1691.
C’est donc l’époque de l’absolutisme royal. Époque de répression, aussi (l’édit de Nantes vient d’être révoqué en 1685 et les pratiques de sorcellerie sont impitoyablement traquées et punies).
Avec les guerres de Louis XIV, l’état encore embryonnaire des techniques, le fossé qui se creuse entre pauvres et nantis, la situation est difficile pour les masses paysannes. Il est alors tout naturel que se dessine, en cette fin du XVIIe siècle, cette fameuse « crise de conscience » qui est avant tout l’amorce d’une révolte.
Bien entendu cette révolte se traduit différemment suivant le milieu et la culture, de façon contradictoire parfois. Mais si d’un côté on voit poindre « la philosophie des Lumières », dans le chapitre qu’il consacre aux masses paysannes et à leur folklore à la fin du XVIIe siècle, Soriano montre comment la recrudescence de la sorcellerie et des pratiques magiques est aussi prise de position contre le pouvoir. Perrault n’est pas un opposant, loin de là. Mais on peut voir dans ses contes un aspect de cet esprit nouveau qui, lointainement, aboutira à la Révolution.

Perrault a toujours été un soutien du Régime. Grand bourgeois il a été remarqué et choisi par Colbert dès 1663 et va faire carrière avec lui. « Premier commis des Bâtiments » en 1668, académicien en 1671, notre auteur sert fidèlement son maître et écrit des poèmes et des éloges à la gloire du roi et des artistes qui le célèbrent…
Mais tout va brusquement changer pour lui et s’il serait trop simple d’expliquer les contes par des revers de fortune, disons au moins que, sans eux, il n’eût peut-être pas songé à les écrire.
En effet, en 1678, Perrault se retrouve veuf avec quatre enfants dont l’aîné a trois ou quatre ans. Et, cinq ans plus tard, la mort de son protecteur Colbert avec lequel il vient de se brouiller un an plus tôt met fin à ses charges officielles.
Perrault, libre de son temps, désireux de veiller lui-même à l’éducation de ses enfants, peut donc s’intéresser aux contes qu’ils aiment et s’interroger sur leur valeur pédagogique. Qu’il ait travaillé à ces contes en collaboration avec son fils Pierre, qu’il en soit, comme c’est vraisemblable et comme semble le prouver Soriano, le véritable auteur, n’a pas tellement d’importance de ce point de vue. De toute manière, les contes qu’il a l’occasion de découvrir par luimême ou par le truchement de son fils lui semblent apparemment propres à divertir les enfants tout en les instruisant. Et sans doute Perrault est-il pour quelque chose dans la confusion systématique que l’on fait entre contes populaires et contes pour enfants.

Pourtant, à l’époque de Perrault,
le conte est un genre à la mode. Et très paradoxalement à première vue, à la mode dans les salons précieux alors que le conte plonge ses racines dans le peuple.
Il ne faut pourtant pas trop s’en étonner. Car si le conte populaire est de facture simple, s’il est dur, parfois, trivial à l’occasion, il accorde une très grande place à l’amour.
En outre si ses références au merveilleux ne sont jamais gratuites mais témoignent de la façon dont le conteur et son public se situent dans le monde, elles peuvent être, dans l’optique précieuse, détournées de leur but initial et servir à édifier ce monde spiritualisé et idéalisé dont on rêve dans les salons.
C’est pourquoi, d’ailleurs, le merveilleux proprement dit, et plus spécialement la féerie, tient plus de place dans les contes précieux que dans les contes populaires. Après tout, et à la longueur (interminable !) près, ne pourrait-on voir dans « l’Astrée » un conte ?…
L’Académicien Perrault, le bel esprit qui écrit à la louange du roi ou de Le Brun, est naturellement sensible à la vogue du conte, divertissement délicat auquel on s’adonne chez Madame de Lambert et chez la Duchesse d’Épernon. Mais, pour Perrault, et c’est probablement ce qui donne tout leur prix à ses contes, ce n’est pas simple jeu de dilettante mais aussi moyen pédagogique et c’est pourquoi, sans doute, ils restent plus proches de la veine populaire et ne font intervenir le merveilleux qu’à bon escient.

Avec les Histoires du temps passé  Perrault se trouve à une sorte de croisée des chemins. Influencé par la mode précieuse mais aussi en même temps par le courant burlesque qui donne à certains de ses contes un côté parodique, il croit également en la valeur pédagogique et formatrice de cette forme de littérature. Même s’il a la coquetterie d’attribuer à son fils …
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